Deux choses font qu'il est impossible aux forces hostiles de mener à bien, même temporairement, une attaque contre le mental ou le vital : d'abord un amour, une dévotion, une confiance parfaites que rien ne peut ébranler, et en second lieu un calme et une égalité qui sont devenus, dans le vital comme dans le mental, les caractéristiques fondamentales de la nature intérieure. Alors même s'il se produit encore des suggestions contraires, même si tout va mal à l'extérieur, l'être demeure invulnérable. Que l'on adopte l'une ou l'autre voie, à mesure que croissent l'amour et la dévotion ou le calme et l'égalité, l'existence même des forces hostiles devient de moins en moins un phénomène de la vie intérieure, quoiqu'elles puissent encore subsister dans l'atmosphère extérieure.
Sri Aurobindo
Lettres sur le yoga,
Volume 3.
Section 7. L'opposition des forces hostiles
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En disant que leur action "n'est plus nécessaire", je ne voulais pas dire qu'elle ne pouvait pas se poursuivre ; je crois avoir dit expressément que si les sâdhak s'obstinaient à s'ouvrir à elle, elle continuerait. L'action des pouvoirs hostiles diffère de l'action ordinaire de la nature inférieure. Celle-ci se poursuit évidemment tant que la nature inférieure n'est pas transformée, mais elle ne se manifeste pas obligatoirement sous forme d'attaques et de bouleversements hostiles ; on peut la traiter comme un mécanisme qui doit être réglé et qui peut l'être, à l'aide de la Lumière et du Pouvoir d'en haut. Quelques-uns, attaqués jadis par des pouvoirs hostiles, ont maintenant avancé au point de pouvoir appliquer cette méthode ; d'autres en sont proches ; certains, évidemment, l'ont toujours suivie et n'ont jamais été attaqués, du moins dans leur mental et leur vital. Mais beaucoup en sont encore très loin et par conséquent, l'action des Pouvoirs hostiles se poursuit.
Sri Aurobindo
Lettres sur le yoga,
Volume 3.
Section 7. L'opposition des forces hostiles
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Mère
l'Agenda,
Vol. 1
23 décembre 1961
*
* *
(Puis le disciple lit la question suivante
du même «Entretien» de 1956:)
«Toutes choses sont attirées par le Divin. Les forces hostiles aussi sont-elles attirées par le Divin?»
Tu sais, à ce propos, je peux dire une chose... Il y a un type de femme que j’ai rencontré pour ainsi dire périodiquement dans ma vie: ce sont des êtres qui sont sous l’influence, ou qui sont l’incarnation, ou en tout cas qui répondent à des forces que Théon appelait «passives» – pas exactement des forces féminines mais le côté Prakriti5 de l’univers: le côté Prakriti noir (il y a un côté actif noir, c’est-à-dire les forces asouriques, et un côté passif noir). Et ce sont des êtres terribles! – terribles, qui ont fait des ravages terribles dans la vie. C’est l’une des plus grosses difficultés de la création.
Et elles sont attirées par moi ! mon petit, elles m’adorent – elles me détestent, elles voudraient me détruire, et individuellement elles ne peuvent pas se passer de moi, elles viennent à moi comme... comme la luciole à la lumière. Et elles me haïssent ! elles voudraient m’écraser. Et c’est comme cela.
J’ai rencontré cinq femmes comme cela : les deux dernières étaient ici (ce sont les plus terribles). C’est un phénomène de haine et de fureur mélangé à tout ce qu’il y a de plus puissant comme attraction dans l’amour – pas de douceur (naturellement pas de douceur, pas de tendresse, rien de tout cela), mais le besoin, c’est-à-dire ce qu’il y a de plus puissant comme attraction d’amour, mélangé à de la haine. Et elles collent, tu sais ! et puis c’est gai !
Ces jours derniers, j’ai eu une séance comme cela. Et c’est un travail que je suis (de même, j’ai été tout le temps avec cette force adverse dont je t’ai parlé une fois,6 qui toujours s’incarne pour me harasser; eh bien, il y a ça aussi, et ça passe d’un être à l’autre, agréablement!) Et justement, il y a quelques jours (pas très longtemps, une semaine, un mois), j’avais donné rendez-vous à cette personne et j’avais décidé de ne rien dire – parce qu’il n’y avait rien à faire (les choses les plus belles deviennent de la pourriture, il n’y a rien à faire). Alors je suis restée silencieuse, rentrée au-dedans: plein contact avec la Présence Suprême et annulation de la personnalité extérieure (c’est d’ailleurs cette expérience – qui a duré presque une heure – qui m’a donné la clef de tout ce qui se passait ces temps derniers). Il n’y avait plus que le Suprême ici. Et alors, c’était ce Suprême LA, dans ce corps-là, mon petit, dans cet agglomérat-là et dans cette influence absolument anti-divine en apparence – c’était Sa Présence !
C’était une expérience vraiment formidable, quoique cet objet-là [la personne en question] soit petit (il est tout petit, il n’est pas d’une grande ampleur, il n’a pas une grande puissance: c’est une incarnation tout à fait mineure; mais tout de même avec des capacités pas tout à fait humaines mais tellement voilées par une toute petite personnalité humaine qu’il n’y a guère que moi qui puisse le voir).
Et alors, dans l’expérience, il n’y avait plus de différence entre le physique et l’intérieur (c’est d’ailleurs comme cela de plus en plus), mais à ce moment-là, c’était même physiquement, extérieurement, une sorte d’amour plein d’adoration, et sans même étonnement, n’est-ce pas, si spontané! Et là-dedans, il y avait un Pouvoir si formidable ! si formidable au point de vue de la terre tout entière, que... Ça a duré une heure. Au bout d’une heure, l’expérience a commencé lentement à s’estomper (pour des raisons purement pratiques, parce qu’il fallait que ça s’estompe). Et ça m’a laissée si confiante d’un changement – pas total parce que pas définitif – mais si radical que, même extérieurement et tout en bas, il y a quelque chose qui a dit : «Tiens, comment seront-elles, les méditations avec X maintenant ?» Je me suis attrapée à – pas à penser, pas «moi» : quelqu’un a pensé comme cela, quelque part, tout en bas; alors ça m’a tirée de l’expérience, je me suis dit: «Tiens ! c’est curieux, qui est-ce qui pense comme cela ?» – C’est une des personnalités7 (c’était au point de vue du travail, quand je situe toutes les actions), c’était quelqu’un tout en bas qui a eu spontanément cette impression: «Tiens ! mais ça va changer les méditations. Comment est-ce qu’elles vont être maintenant ?» Alors je suis revenue et j’ai commencé à regarder les choses avec le discernement habituel (et je me suis dit que, en effet, peut-être il y aura un changement).
Mais à ce moment-là, vraiment tout était changé: quelque chose était accompli. Et c’était la perception du Pouvoir. De ce Pouvoir qui vient de ce qui est l’Amour pour la Conscience Suprême (ça n’a aucun rapport avec ce que l’on appelle par ce mot). Et c’était... c’était simple ! rien de toutes les complications qui viennent de la pensée, de l’intelligence, de la compréhension – rien de tout cela. Tout ça était tout parti. Rien de tout cela. Une Puissance formidable ! et qui m’a fait comprendre une chose: que l’état dans lequel on me mettait (le «on», c’est le Seigneur du Yoga), c’était pour obtenir ce pouvoir qui provient d’une identité avec toutes les choses matérielles – un pouvoir qu’ont certaines gens qui ne sont pas toujours des yogis : certains médiums, par exemple. J’ai vu cela avec Madame Théon : elle voulait qu’une chose vienne à elle au lieu qu’elle aille à la chose ; quand elle voulait sa paire de sandales, au lieu d’aller la chercher, elle faisait venir sa paire de sandales à elle ; et elle faisait ça par capacité de rayonner sa matière – elle avait de la volonté sur cette matière –, sa volonté centrale agissait sur la matière n’importe où puisqu’elle était là. Mais alors, j’ai vu ce Pouvoir au point de vue méthodique, organisé : pas une chose accidentelle ou spasmodique comme dans les cas médiumniques, mais une organisation de la Matière. Et alors... on commençait à comprendre: «Mais avec ça, on a le pouvoir de mettre chaque chose à sa place !»... pourvu qu’on soit assez universel.
Alors j’ai compris. Maintenant, je sais où j’en suis.
Très loin sur le chemin, mais enfin le chemin est clair.
Et alors, si on ajoute à cette capacité matérielle d’identification et d’emploi de la volonté, si on ajoute ça, ce Quelque chose qui était là à ce moment-là, et qui est vraiment l’expression... je ne sais pas si c’est l’expression suprême mais pour le moment c’est certainement la plus haute que je connaisse (c’est très supérieur à la Connaissance, à cette pure Connaissance par identité qui fait qu’on est la chose et on sait ce qu’elle est: c’est infiniment plus puissant), c’est formidable ! Ça a le pouvoir de tout changer. Et tout changer de quelle façon !! Simplement on est Ça – une, une vibration de ça.
(silence)
Depuis cette expérience (trois-quatre jours, je crois, cinq jours, je ne sais pas), mais la multiplication des faits d’identification (c’est-à-dire qu’on est ça, par conséquent on fait ça) est constante, pour toutes les petites choses de la Matière, les plus petites choses du monde matériel.
(Mère se lève)
Mais ça prendra longtemps. Il ne faut pas s’imaginer que ça va se faire en un clin d’œil – je suis prête à passer des années là-dessus (si ça vient plus vite, tant mieux).
Mais c’est la clef. Ça, c’est la clef.
Et quand elle sera là d’une façon permanente, il faudra que les gens fassent attention à être avec moi! (Mère rit)
Mais ce Pouvoir, c’est l’Amour ?
Ou-ui: c’est l’essence de l’Amour.
C’est ce qui se traduit par l’Amour. Et je ne parle pas, naturellement, du bourbier humain matériel, je ne parle pas de ça du tout mais de l’Amour tel qu’on le conçoit le plus merveilleusement beau et pur. C’est l’origine de cet Amour-là, et c’est dans le Suprême.
(Mère s’asseoit à l’harmonium)
D’ailleurs, il a toujours été dit que c’était seulement Ça qui pouvait faire cesser les forces adverses.8
(Musique)
5 Prakriti: la Nature ou la force exécutrice, par opposition à Pourousha, l’Âme consciente qui voit, sait et crée par sa vision. Ce sont les deux principes, féminin et masculin, de l’univers.
6 Voir Agenda du 26 mars 1959, tome I, p. 301: le Titan spécialement envoyé pour attaquer le corps de Mère et qui se sert des gens de son entourage.
7 De Mère.
8 Il existe un enregistrement de la musique et de la conversation qui précède (sauf le début).
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Mère, Agenda, 15 novembre 1958
(A propos d’une expérience de Mère qui a eu lieu le 13 novembre concernant les difficultés du disciple)
A dire vrai, on n’est peut-être jamais débarrassé des forces hostiles tant que l’on n’a pas émergé dans la Lumière définitivement, au-dessus de l’hémisphère inférieur. Et là, le mot «forces hostiles» perd son sens: ce ne sont plus que des forces de progrès, pour vous obliger à progresser. Mais il faut être sorti de l’hémisphère inférieur pour voir les choses de cette manière, car, en bas, elles sont très réelles dans leur opposition au plan divin.
Il était dit dans les anciennes traditions que l’on ne pouvait pas vivre plus de vingt jours dans cet état supérieur sans quitter son corps et retourner à l’Origine suprême. Maintenant, cela n’est plus vrai.
C’est justement cet état de parfaite Harmonie au-dessus de toutes les attaques, qui deviendra possible avec la réalisation supramentale. C’est ce qui se réalisera pour tous ceux qui sont destinés à la transformation supramentale. Les forces adverses le savent bien: dans le monde supramental, automatiquement, elles disparaîtront. N’ayant plus d’utilité elles seront dissoutes sans qu’il y ait besoin de rien faire, simplement par la présence de la force supramentale. Alors elles se déchaînent avec une rage, dans une négation de tout, de tout.


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