mardi 14 août 2012

CONFRONTATION ENTRE SRI AUROBINDO ET KEN WILBER.

Cet article est une reprise de mon Carnet philosophique.

CE QUE KEN WILBER DIT DE CETTE CONFRONTATION.



On notera que Ken Wilber n'oublie jamais de mentionner Sri Aurobindo parmi ceux qui nourrissent le mouvement intégral. Dans ses schémas de développement de la conscience Ken Wilber reprend clairement les termes d'overmind (surmental) et de supramental. Ken Wilber laisse bien ouverte la perspective d'une évolution au-delà du mental et donc de ce qui caractérise notre humanité.

Mais Ken Wilber laisse sous-entendre qu'il a une vision plus claire que Sri Aurobindo du point de vue de ses quadrants extérieurs et collectifs. Il est vrai que l'évolution des mentalités chez Ken Wilber a été nourrie des travaux de Clare Graves ou de Don Beck renforcés par ceux de Piaget ou d'autres psychologues qui permettent de faire un parallèle entre développement culturel et développement psychique de l'enfant.

LA MECONNAISSANCE DE LA THEORIE DU DEVELOPPEMENT DE SRI AUROBINDO PAR KEN WILBER.

Sri Aurobindo a deux façons de considérer le développement humain et non pas une.

1 - Celle qui se rapproche de Ken Wilber est celle qui envisage un développement culturel en fonction de la taille des groupes humains : famille, tribu, ethnie, nation, fédération international comprenant des figures intermédiaires comme les empires, les royaumes, etc. qui préfiguraient ce qui se dessine. Bien sûr chaque échelle fonctionne suivant une certaine mentalité.


2- La deuxième à la fois se rapproche de celle de Wilber mais aussi s'en détache.

Ce schéma de Ken Wilber suggère que il existe des catégories d'éveil liés à différents niveaux de développement mental qu'il soit individuel puisque chacun en grandissant traverse ces étapes ou social puisque les diverses communautés ont un centre de gravité à une échelle ou l'autre de ce développement ascendant. Il y a là un point d'accord important avec les thèses de Sri Aurobindo (ou l'expérience dont il témoigne si l'on veut être précis). En effet pour Sri Aurobindo, le Nirvana peut être réalisé sur différents plans de développement qu'ils soient d'ordre vital (prémental), d'ordre mental ou surmental (intuitif). Cet éveil au Nirvana, qui en quelque sorte déréalise les phénomènes n'est pas un éveil évolutif proprement dit. On conviendra qu'un éveil évolutif nous donnerait la clé spirituelle permettant une ascension verticale des niveaux de développement dans un état de conscience non duelle. D'où le schéma que j'ai proposé en illustrant les niveaux grossiers (naturel), subtil, causal et non duel du point de vue de la vision sans tête:

Dans ce schéma, il y aurait un facteur d'éveil dans les subtilités de l'état non duel qui oeuvrerait à l'évolution des degrés de développement. On peut peut-être représenter ce facteur ainsi du point de vue de Wilber :

Et c'est sur ce point qui reste imprécis chez Ken Wilber hormis la référence à un Eros, un Telos que Sri Aurobindo nous apporte des lumières de sa propre expérience.
Mais les schémas précédents traduisent fort mal voire trahissent la vision développementale que propose Sri Aurobindo. En effet cette vision se propose d'intégrer la vision traditionnelle d'une forme de décadence des époques telle qu'on la trouve dans les textes hindous ou telle qu'un Guénon l'a formulée. Elle propose si on la traduit au niveau développemental individuel d'expliquer comment le regard si pur et si dénué de dualité du bébé se perd dans une forme d'égocentrisme lorsque se produit la mentalisation de la conscience de l'enfant. La vision développementale de Sri Aurobindo implique alors des critiques sur la vision du développement de l'enfant à l'adulte qu'a développé Ken Wilber autant qu'en ce qui concerne celui des mentalités sociales.

A ce propos ne négligeons pas les textes de Sri Aurobindo sur l'éducation qui nous donnent des indications précises sur sa théorie du développement de l'enfant et qui met toujours en jeu l'âme et l'oeuvre de descente de la Mère (ou Esprit du Monde si l'on veut préciser un peu ce que désigne le Principe Mère chez Sri Aurobindo).


Grosso modo, le mental apparaît dans la conscience sous un mode symbolique qui dans sa vigueur intuitive permet à quelques uns d'atteindre le surmental voire de prendre contact avec le supramental. C'est la thèse de Sri Aurobindo à propos des Védas. Les pionniers en Egypte aurait aussi approcher une expérience surmentale. Ces dernières années la psychologie de l'enfant a montré que ceux-ci intuitionnaient par exemple  le concept d'oiseau distinct du concept d'avion avant même de distinguer clairement une pie et un corbeau : à vrai dire parler de concept en ce qui concerne l'enfant est imprécis car il ne s'agit pas encore d'un mot mais d'un symbole intérieur. Un  Stephen Jourdain évoquait aussi à ce sujet un retour à l'enfance où il y a un vécu direct des essences dont la magie symbolique nous échappe une fois la mentalisation arrivée à l'âge adulte dans la mesure où elle a pu mettre en place l'illusion psychologique de l'ego.

Au niveau développemental de l'enfant, il y a l'idée que l'être psychique (l'âme en croissance, l'authentique principe de singularisation de la conscience) qui de vie en vie assure l'évolution dans son processus d'individualisation est présent autant à l'aube de l'humanité qu'à l'aube de l'enfance mais que l'expérience mentale augmentant cette pureté de départ s'étiole. Si on en revient à l'évolution sociale, comme le suggère Le cycle humain de Sri Aurobindo, la force intuitive de la pensée symbolique se serait de plus en plus sclérosée dans une société conservatrice et prisonnière des conventions qui lui avaient donné un certain équilibre harmonieux.
Pour Sri Aurobindo le système social qui  avait été holarchique (au sens de Wilber) est alors peu à peu devenu hiérarchique. L'âge typal est une première étape dans cette évolution : il fige des castes même si leurs membres sont tous considérés encore d'une même  dignité et que certaines sociétés mettaient encore en valeur le lien entre naturel spirituel et caste. Le cycle Humain paraît très clair à ce niveau. A vrai dire si la vision de Sri Aurobindo est juste et si comme nous le croyons il décrit la dégénérescence d'un système holarchique, la pensée de Ken Wilber qui pointe la nécessité d'un système holarchique social peut en être quelque peu ébranlée. 

Pour Sri Aurobindo, la raison est le rempart à la dérive traditionnaliste et à son effritement féodal quand déjà le pouvoir réel n'appartient plus à des chercheurs spirituels mais à des gardiens de dogmes et en général aux hommes d'armes. Là encore nouvel écart avec Ken Wilber et la spirale dynamique. Le stade égocentrique guerrier ne suivrait pas alors le stade tribal qui serait plutôt un stade héroïque et produisant la pensée symbolique la plus raffinée par l'union en cités et en royaume. Considérer un soi-disant stade égocentrique guerrier de l'enfant serait plutôt notre projection négative sur lui alors que lui doit passer par un stade héroïque où il doit dire non au risque de perdre son confort. Le fameux "stade du non" si on suit Sri Aurobindo et ses disciples ne serait peut-être pas celui de la constitution de l'égocentrisme si on veut bien y voir l'impulsion vitale du processus d'individualisation comme singularisation. Cet héroïsme qui interrompt la bonne marche du mimétisme qui jusque là prédomine est un passage décisif si on veut que l'âme ou l'être psychique de l'enfant demeure en avant. Ce serait plutôt notre incapacité d'entendre ce "non" qui se transformant en violence éducative au lieu et place d'une éducation amenant à une compréhension juste de conventions sociales respectueuses de la singularité des enfants produit des êtres à leur tour violent et développant une agressivité égocentrique. On sait maintenant que dans la cours d'école ou même la crèche celui qui a été frappé frappe, que celui qui a blessé psychiquement blesse, etc. sauf exception.

A vrai dire le processus d'individualisation n'a pas chez Ken Wilber une dimension ontologique comme chez Sri Aurobindo. Chez Sri Aurobindo, il y a une dimension de singularité préexistante qui s'individualise derrière l'apparente individualisation dans la manifestation qu'est l'ego : ceci n'a pas de réel équivalent chez Ken Wilber car cette conception implique certaines pratiques dont il n'est guère question dans les théories développementales de Ken Wilber. D'ailleurs cette ignorance conduit à produire des kits d'éveil évolutif qui seraient pertinents pour tous comme n'importe quel produit de consommation standard. Pour Sri Aurobindo, le féodalisme est l'aboutissement du traditionalisme et de l'affaiblissement de la recherche spirituelle ouverte et non pas le fait d'une mentalité centrée sur l'affirmation guerrière de soi. D'ailleurs l'importance de l'honneur est typique du féodalisme et elle n'est guère une valeur égocentrique au sens individualiste. A vrai dire le vital du guerrier est plus large dans ses possibilités que le vital étriqué du prêtre traditionaliste. Le déséquilibre du guerrier féodal va réveiller la voie spirituelle du coeur.  

Mais le coeur peut être fanatique même quand il relativise la rudesse de l'honneur. La raison est donc un sursaut dans le cercle de l'histoire mental : l'individu grâce à l'universel peut de nouveau être sa propre autorité et reprendre ses droits contre le féodalisme et les tendances fanatiques issues du traditionalisme. Ici nous avons un point de recoupement et d'accord entre Sri Aurobindo et Ken Wilber.

Mais ce qui suit ce stade consacre de nouveau une rupture entre les deux approches. Pour Sri Aurobindo, la raison n'est pas  encore la subjectivisation qui va marquer le romantisme ou l'art de vivre moderne du XIXème plus encore que les Lumières ou le rationnalisme du XVIIème. Le mental subjectiviste permet alors une expression d'une identité non pas seulement à valeur universelle mais à consonance individualisante.

Là se présente le risque identitaire dont le XXème siècle a finalement été le témoin dramatique et dont la menace dans les urnes semble persistante en ce début de XXIème siècle. Là où Ken Wilber ou d'autres défenseurs de la spirale dynamique expliquent les catastrophes nazies ou nationalistes comme des retours à la prémodernité, Sri Aurobindo pointe un danger différentialiste inhérent à ce qu'on peut appeler une forme de post-modernité vitaliste (La post-modernité est entendue ici comme subjectivisation et non comme relativisme suite à la disparition de la domination des grands récits au sens de la spirale dynamique wilberienne). La majorité morale américaine ou le Tea Party aux USA ou en France Le FN et les gens de droite ou de gauche qui en partagent de nombreuses lignes représentent aujourd'hui ce danger.

Et donc c'est la spiritualisation du subjectivisme (individuel et social) qui pourra éviter les dangers de la subjectivisation égocentrique, voire égoïste ou agressive. Si on veut bien regarder le développement des individus on verra que l'acquisition de la raison est globalement satisfaisante jusqu'à l'adolescence mais qu'alors commence un processus de subjectivisation dans nos sociétés postmodernes qui parfois ne trouve aucune issue spirituelle.
Pour Sri Aurobindo la démocratie elle-même qui est le système politique de cette mentalité de la subjectivisation se trouve prise dans une crise de croissance qui ne pourrait avoir une issue qu'avec une forme d'anarchisme mystique. 

Il envisage comme une dialectique entre des visions collectivistes (de droite communautariste voire fasciste et de gauche communiste ou socialiste) et individualistes (de droite ultralibérale et de gauche libérale) de la démocratie qui n'auront de satisfaction dans leurs exigences légitimes qu'avec un anarchisme mystique. L'ashram fonctionnait d'ailleurs en ce sens au niveau matériel puisque tout était mis en commun et redistribué en fonction des besoin de chacun. A auroville qui n'était pas autosuffisante économiquement, Mère a invité tout de même fortement à relativiser dans le même sens 1'importance de l'argent. Toute cette dialectique économique qui vise à passer d'une société centré sur l'avoir à une société centrée sur l'être semble étrangère à Wilber et ses soutiens majeurs américains dans le champ spirituel. On a souvent l'impression que la réussite matérielle est la base de la réussite spirituelle dans le mouvement intégral versus Wilber. A Auroville ou à l'ashram de Sri Aurobindo, cette réussite matérielle n'a jamais été aussi au centre. Wilber est-il conscient qu'il fait de la réussite matérielle est garante de l'intégration de la mentalité moderne ? Cette inconscience montre sa non intégration des idées de la gauche la plus radicale. A vrai dire, il est prisonnier ou victime des préjugés américains de base tels que Weber les a décrit dans L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme où au fond la réussite matérielle garantit la valeur spirituelle d'une entreprise. 

Rares aux USA ceux qui échappent à ce préjugés. En Europe, la pensée de la gauche radicale a assez souvent été proche d'une certaine recherche spirituelle : en France, on évoquera Del Vasto disciple de Ghandi chantre de la frugalité et inspirateur de nombreux gaucho-écologistes, Emmanuel Mounnier, Jacques Ellul chrétiens proches d'une gauche libertaire, et plus loin en arrière Jaurès disciple secret de Pierre Leroux, vraisemblablement le premier intégraliste complet (le premier à penser une spiritualité intégrale non religieuse car au-delà de la confrontation de diverses religions) ou encore Jean-Jacques Rousseau... 

Certes Sri Aurobindo et ses disciples seraient d'accord avec Ken Wilber et certains de ses défenseurs pour dire que il y a égale dignité mais inégalité spirituelle. Mais cette inégalité spirituelle ne sera pleinement claire que du point de vue d'une spiritualité poursuivant un processus d'individualisation abouti. En fait cette évidence de l'inégalité spirituelle ne sera pas contraire à une politique démocratique radicale. La différence spirituelle ne mettra pas en jeu l'appropriation, la reconnaissance ou la reproduction mais l'évolution biologique elle-même. D'ailleurs dans l'ashram de Sri Aurobindo tout le monde était égal avant 1926. Au départ Sri Aurobindo et Mère n'avaient pas plus de pouvoir décisionnel et de reconnaissance que les autres dans ce qui était avant tout un laboratoire de l'évolution. Ce n'est que l'écart de plus en plus évident pour tous dans l'évolution qui avait conféré un statut spécial à Sri Aurobindo et Mère. Mais ceci dit Mère ou Sri Aurobindo donnaient des conseils et des avis plus que des ordres intransigeants. Ils ne mettaient pas en avant la voie du gourou. Ils demandaient à leurs disciples de ne pas adorer mais d'évoluer en s'appuyant sur le besoin d'être de leur âme qui doit s'arracher à l'ego et se mettre en avant à travers lui et  qui selon eux est précisément le véhicule de l'évolution. Leur intransigeance ne devenait saillante que lorsque il y avait totale insincérité. Auroville qui a été fondée du vivant de Mère est clairement démocratique même si elle n'est pa encore une anarchie mystique. 

Ainsi tout se jouait et se joue certainement pour la majorité d'entre nous entre subjectivisation et spiritualité tant au niveau de notre développement individuel qu'au niveau social et politique. En l'état Ken Wilber est semble-t-il étranger à la psychisation, à la prise de conscience de l'âme individuelle qui évolue au niveau mental qui selon Sri Aurobindo et ses disciples serait la condition préalable à une spiritualisation fiable tant au niveau individuel que collectif.

LES DIFFERENCES ENTRE WILBER ET SRI AUROBINDO CONCERNANT L'EVOLUTION DE LA CONSCIENCE AU-DELA DE LA SPIRITUALISATION.

Les grandes différences d'accent développemental entre Wilber et Sri Aurobindo ne sont pas seulement au niveau individuel et collectif. Elles touchent au statut du rapport entre ce que Wilber nomme l'intérieur et l'extérieur dans ses quadrants.
Pour Sri Aurobindo et ses disciples, "Tout est conscience" (j'ai mis un extrait éloquent sur ce point dans un commentaire de ce post). Ce qui nous semble un point de vue extérieur est dû à une connaissance mentale indirecte et non à une conscience directe. L'évolution de la conscience se caractérise par une intériorisation de ce qui n'était qu'extérieur. 
Ainsi celui qui avancera sur le chemin de l'évolution distinguera de moins en moins de frontière entre son évolution et celle de toute l'humanité, entre son évolution biologique et l'évolution de la matière, etc. La connaissance par identité qui s'élargit de plus en plus abolit les frontières entre individuel et universel, entre intérieur et extérieur
De ce point de vue certaines interprétations des quatre quadrants de Wilber risquent de faire manquer la cosmicisation par intériorisation et le fondamental "TOUT est conscience".

A propos de "TOUT EST CONSCIENCE", dans ses Lettres sur le yoga, Partie 1 - Section 5, Plans et parties de l'être, Sous-section 1: La Conscience, Sri Aurobindo écrit:

"C'est donc cela la conscience: elle n'est pas composée de parties, elle est le fondement de l'être et donne elle-même une forme à toutes les parties qu'elle choisit de manifester, en les élaborant depuis le haut vers le bas dans une descente progressive depuis les niveaux spirituels vers l'involution dans la Matière, ou en leur donnant une forme au premier plan, dans un mouvement ascendant, par ce que nous appelons l'évolution. Si elle choisit de travailler en vous à travers le sentiment de l'ego, vous pensez que c'est le "je" clairement délimité qui fait tout; si elle commence à se libérer de ce fonctionnement limité, vous commencez à étendre votre sentiment du "je" jusqu'à ce qu'il éclate pour devenir infini et n'existe plus, ou vous vous en dépouillez et vous vous épanouissez pour devenir une immensité spirituelle. Évidemment, ce n'est pas là ce que la pensée matérialiste moderne appelle conscience, parce que cette pensée est assujettie à la science et ne voit la conscience que comme un phénomène qui émerge de la Matière inconsciente et qui consiste en certaines réactions de l'organisme aux objets extérieurs. Mais cela, c'est un phénomène de conscience, ce n'est pas la conscience elle-même, ce n'est même qu'une très petite partie de tous les phénomènes possibles de conscience, et cela ne peut donner aucune indication sur la Conscience, cette Réalité qui est l'essence même de l'existence.
C'est tout pour le moment. Il faudra que vous vous arrêtiez là-dessus - car c'est fondamental - avant qu'il soit utile d'aller plus loin."

A vrai dire le quadrant fournit une interprétation de l'évolution de conscience, toutefois Wilber s'inscrit dans ce qu'il appelle la postmétaphysique et n'absolutise pas ses quadrants. Car il juge qu'une expérience de conscience n'existe que relativement à une interprétation. A vrai dire puisque le contexte d'interprétation dit  autant la valeur de l'expérience que l'expérience elle-même, comment dès lors penser une expérience de conscience surpramentale, c'est-à-dire l'existence d'un niveau de conscience au-delà du mental ? Si vraiment   un être a une action dans le monde par-delà le mental, comment le contexte d'interprétation mental compterait-il encore ? La théorie de Wilber même si elle s'ouvre à un au-delà de l'homme en évoquant le supramental manque de cohérence. Cela ne signifie-t-il pas que Ken Wilber n'a jamais eu le moindre aperçu d'une conscience supramentale dans son expérience spirituelle ? Car un tel aperçu relativiserait le niveau de conscience mentale. A vrai dire le silence mental serait sans doute nécessaire pour s'avancer plus avant dans ce nouveau niveau de conscience et s'il y a une considération mentale qui demeure ce serait comme un commentaire lointain, une expression incomplète de ce qui resterait largement en dehors de sa compétence.

Wilber et sa postmétaphysique ne sont pas accordables en l'état à la fameuse citation de Sri Aurobindo : "Le supramental s'expliquera de lui-même".

Son art de penser n'est donc pas en l'état perméable à un surmental voire à un supramental. Nous avons tenté de concevoir un art de penser qui ne soit pas étanche à la venue s'un supramental dans un post précédent : Pensée totalisante et art de penser intégral.

mercredi 1 août 2012

SRI AUROBINDO : APHORISMES (EXTRAIT).

Article repris de Foudre évolutive.

En écho au post de Olivier Breteau dans son Blog Le Journal Intégral :


Quand nous avons
dépassé les savoirs
Alors nous avons la connaissance
La raison fût une aide
La raison est l'entrave

Quand nous avons

dépassé les velléités
Alors nous avons le pouvoir
L'effort fût une aide
L'effort est l'entrave

Quand nous avons dépassé les

jouissances
Alors nous avons la béatitude
Le désir fût une aide
Le désir est l'entrave

Quand nous avons dépassé

l'individualisation
Alors nous sommes des personnes réelles
Le moi fût une aide
Le moi est l'entrave

Quand nous dépasserons

l'humanité
Alors nous serons l'homme
L'animal fût une aide
L'animal est l'entrave


Commentaires :

Avertissement :
Précisons que ces commentaires ne sont pas exhaustifs. Ils tentent un éclairage à partir des données immédiates de l'éveil à Cela que par exemple la Vision Sans Tête ou l'éveil évolutif nous donne. La spiritualisation dont parle Sri Aurobindo m'est inconnue en la perfection qu'il décrit. Quant à la supramentalisation, ce n'est pour moi qu'une hypothèse que de très rares percées et mon besoin d'être m'amènent à envisager et à espérer.


La raison n'est pas la véritable connaissance qui ne peut être qu'une connaissance par identité, une conscience consciente d'elle-même. Ainsi Cela n'est connu que par Cela. Lorsque Cela est envisagé par la raison, il est représenté par des images mais Cela n'est pas connu. Cela n'est connu que par Cela c'est-à-dire sans médiation. L'ego qui est connu en Cela reste un voile de Cela qui interdit plus ou moins la prise de Conscience de Cela.  L'ego induit encore une aventure vers une connaissance de Cela par Cela sans voile. L'ego est mental, vital et physique pour Sri Aurobindo.

Nous avons tous plus ou moins des velléités de perfection. Nous aspirons de temps à autre à plus de perfection pour nous-mêmes. Mais ce but nécessite des efforts pour avoir une aspiration plus constante. Ce but exige une concentration plus profonde d'abord dans la foi pour le divin ensuite quand il y a connaissance une concentration pour s'aventurer davantage dans le divin sans l'oublier. Mais au fond cette concentration est le reflet d'une lumière, d'un feu d'aspiration tout au fond de nous-même d'abord entrevu, à peine perceptible mais qui revient entre les nuages porter son feu de gloire.Quand cela surgit de l'espace de perception à la croisée de la dimension universelle et de la dimension individuelle de cet espace alors il y a comme cette lumière dans le cœur qui brille sans effort. C'est comme un paradoxe de paix, de joie et de besoin d'être d'aspiration patiente à plus. A l'effort de la concentration succède la grâce qui exige comme un effort vers l'absence d'effort pour laisser Cela agir de lui-même.

Le désir de Cela faisait comme des jouissances. L'ego qui cherchait Cela se voyant en Cela jouit satisfait d'être l'émanation de Cela par la quelle Cela redevient conscient de Cela. Il y a comme un mouvement jouissif de va et vient entre la conscience de Cela et la conscience de l'ego par le biais de la conscience de l'ego redécouvrant Cela. Mais à vrai dire ce mouvement jouissif n'est pas la joie inhérente à la lumière de Cela à la croisée de ses dimensions transcendante, universelles et individuelles. En cette lumière de Cela par laquelle je suis individu authentiquement une émanation de Cela dans son universel et son unité, il y a une joie qui n'est pas une jouissance d'un sujet pour un objet. Pour Sri Aurobindo la jouissance qui implique un reliquat de sujet et d'objet fera place dans l'approfondissement de la vision de Cela à la joie sans objet dans laquelle Cela se manifeste. La béatitude est dans cette perspective la nature même de Cela qui se manifeste. L'individualité n'est plus qu'une ridule de l'océan de la béatitude, Cela même Qui s'auto-crée en Cela. Et c'est le désir soudain qui nous exile de cet océan de béatitude nous amenant à rejouer le jeu du sujet et de l'objet, le jeu du chercheur qui à l'occasion jouira de sa découverte de Cela, oubliant ce qu'il ne cesse d'être une ridule de béatitude dans l'océan de la béatitude.

Nous touchons donc pour Sri Aurobindo à ce moment où la lumière à la croisée de l'universel et de l'individuel n'est plus enfermée dans le reflet d'un ego qui cherche à jouir. Le moi qui était jusque là la condition nécessaire de la réalisation de CELA. Le moi qui devait vouloir et désirer s'éveiller à CELA puis qui lui ayant permis de se réaliser à travers lui devait sans cesse se rappeler de sa Présence pour le laisser rayonner à travers lui devient alors un obstacle à la réalisation de CELA. Pour Sri Aurobindo, là où il y avait un ego se sacrifiant à CELA, il ne restera qu'une individualisation de CELA, un pur instrument cristallisant consciemment la volonté de CELA. Cette individualisation n'est plus qu'une distinction sans différence de la cosmicité et de la transcendance de CELA.

Le dernier paragraphe ouvre la perspective de la supramentalisation qui succède à la spiritualisation. Selon Sri Aurobindo, la spiritualisation dans sa perfection consiste donc en ce que le chemin spirituel n'est plus mené par le moi mais par CELA seul. Cette spiritualisation s'accomplit au niveau de l'intelligence, de la volonté et de l'affection. La supramentalisation est la transformation de notre réalité pulsionnelle. Nos pulsions d'appropriation (la faim comme la recherche de possession, etc.), de reconnaissance ( la gloire aussi bien pour l'histoire que la focalisation des regards de la table voisine, l'agressivité qui va de l'irritation au surgissement de violence, etc.) et de reproduction (sexuelle, liée à la conservation du corps et à ses habitudes plus ou moins bonnes, etc.) sont les ferments inconscients de notre animalité qui ne disparaît pas avec la spiritualisation mais qui se civilisent. La supramentalisation consisterait d'abord à les transformer en une intelligence alors qu'elles sont des forces mécaniques qui souterrainement agissent et que la spiritualisation pouvait juste tenir en bride. L'homme en ce sens pourrait être fondamentalement le premier être vivant capable d'évoluer biologiquement et non seulement spirituellement consciemment. Cette vocation d'être homme serait paradoxalement le dépassement de notre réalité humaine biologique...

mercredi 25 juillet 2012

SRI AUROBINDO

Description de cette image, également commentée ci-après
Naissance 15 août 1872
Calcutta, Inde
Décès 5 décembre 1950 (à 78 ans)
Pondichéry, Inde
Nationalité Drapeau d'Inde Inde
Profession Philosophe, poète

Aurobindo Ghose ou Sri Aurobindo (15 août 1872 à Calcutta - 5 décembre 1950 à Pondichéry) est un des fondateurs principaux du mouvement militant indépendantiste indien, un philosophe, poète et écrivain spiritualiste. Il a développé une approche nouvelle du yoga, le yoga intégral.

Sommaire

  • 1 Biographie
  • 2 Bref aperçu de la pensée évolutionniste de Sri Aurobindo
  • 3 Œuvres
    • 3.1 Le Vedānta intégral
    • 3.2 Le yoga intégral
    • 3.3 Le poète
  • 4 La Mère, Satprem et Sri Aurobindo
  • 5 Le sens d'Auroville dans le yoga intégral de Sri Aurobindo
  • 6 Sri Aurobindo, Mère, Satprem et le principe du gourou
  • 7 Critiques
  • 8 Sri Aurobindo dans la culture populaire
  • 9 Notes et références
  • 10 Publications
    • 11.1 Eléments biographiques
    • 11.2 Articles connexes
    • 11.3 Liens externes

 

Biographie

Après ses études en Angleterre (1879-1893) à Cambridge, il retourne en Inde et commence à étudier les grandes traditions de son pays. Frappé par la condition de ses compatriotes qu'il avait quittés jeune pour aller étudier, il devint un nationaliste fervent convaincu que son pays devait retrouver son indépendance1.
Peu à peu il lui sembla que pour retrouver son indépendance son pays devait s'appuyer sur son héritage culturel propre qui lie intimement philosophie et recherche spirituelle2. Il entre lui-même alors dans une recherche de pouvoirs spirituels qui lui permettraient de mieux lutter pour l'indépendance de l'Inde[réf. nécessaire]. Sa rencontre avec Bhaskar Lélé, un pratiquant de yoga lui aurait permis, affirme-t-il, d'accéder à un état de conscience libre des pensées qu'il estimera être les prémisses de son Nirvāna 3.
En 1909, il sort de la prison où il a passé un an pour ses activités indépendantistes. Il était soupçonné d'avoir participé de près ou de loin à des attentats : il reconnaîtra d'ailleurs ultérieurement que sa philosophie spirituelle ne conduit pas à militer pour la non-violence comme celle de Gandhi 4. Pendant cette année de prison, il dit avoir vécu une série d'expériences spirituelles qui l'auraient conduit à expérimenter des états de conscience au-delà du Nirvana5.
Pour échapper aux Anglais (mais peut-être avec leur secret accord6), le 4 avril 1910, il finît par s'établir à Pondichéry, ville sous autorité française. Affirmant alors qu'il y a une lutte pour l'avenir de l'humanité au-delà de la lutte légitime pour l'indépendance de l'Inde, il se consacra entièrement à ses recherches spirituelles et à la composition de ses œuvres. De plus en plus de disciples commencent à venir pour vivre auprès de lui et de sa collaboratrice française, Mirra Alfassa, que lui et ses disciples nomment « Mère ». Cette dernière prendra la direction matérielle de l'âshram fondé officiellement dans les années 1920.
Il considère que le sens de son âshram est d'être un « laboratoire évolutif »7. Jusqu'en 1926, il développe sa doctrine : selon lui, l'homme n'est aujourd'hui qu'à un niveau imparfait de son évolution ; il faut pour lui reconnaître que « l'homme est un être de transition »8. Quand Charles Darwin avoue « comme confesser un meurtre » avant sa publication de l'Origine des espèces9, cela concerne le fait de reconnaître que l'humanité appartient à la même famille que les singes. Pour Sri Aurobindo, admettre l'évolution des espèces va plus loin encore. L'admettre revient à nous faire considérer la possibilité que l'être humain soit un chaînon vers une nouvelle espèce. Cette nouvelle espèce dont l'homme serait une transition ne serait pas forcément dotée d'une conscience compréhensible pour la conscience mentale humaine. Cette conscience nouvelle dont serait dotée cette nouvelle espèce pourrait être incompréhensible pour l'homme comme la conscience humaine mentale l'est pour les autres animaux. Cependant Sri Aurobindo envisage une différence évolutive importante avec les évolutions d'espèces précédentes : nous pouvons a priori la concevoir et surtout nous pourrions peut-être y collaborer consciemment.
Le chemin conscient de notre évolution est d'après lui à chercher dans le développement de nos capacités spirituelles. Un développement plus radical des capacités spirituelles déjà explorées par l'humanité aboutirait selon lui un jour à l'éveil d'une dimension encore tout à fait inconsciente. La manifestation d'une telle dimension de conscience marquerait le saut évolutif propre à la manifestation d'une nouvelle espèce.
En 1926, Sri Aurobindo entre dans une retraite pour se consacrer exclusivement à la manifestation terrestre du supramental. Il ne sort de sa retraite que rarement : soit pour retrouver des fidèles réunis, soit pour intervenir dans la vie politique indienne. Le reste du temps, il communique par écrit avec ses disciples.
Il a écrit beaucoup de livres sur les écritures sacrées indiennes qui seront pour beaucoup d'Occidentaux à la suite de ceux de Vivekananda un véritable porte d'entrée vers l'hindouisme et sa philosophie. Il meurt dans son âshram en 1950.

 

Bref aperçu de la pensée évolutionniste de Sri Aurobindo

La conception de l'évolution que propose Sri Aurobindo n'est donc pas seulement matérialiste comme celle de la plupart des héritiers de Charles Darwin. Sri Aurobindo ne nie pas l'approche matérialiste mais il signifie sa limite:
« Tout le monde sait maintenant que la Science n'est pas un énoncé de la vérité des choses mais seulement un langage pour exprimer une certaine expérience des objets, leur structure, leur mathématique, une impression coordonnée et utilisable de leurs processus - rien de plus. La matière elle-même est quelque chose (peut-être une formation d'énergie ?) dont nous connaissons superficiellement la structure telle qu'elle apparaît à notre mental et à nos sens et à certains instruments d'examen (dont on soupçonne maintenant qu'ils déterminent largement leurs propres résultats, la Nature adaptant ses réponses à l'instrument utilisé), mais nul savant n'en sait davantage ou ne peut en savoir davantage 10 ».
À partir de ce constat, Sri Aurobindo affirme que la science n'interdit pas un point de vue spiritualiste sur l'évolution. Pour lui, l'inconscient n'est pas seulement de nature subconsciente comme l'affirment les Freudiens et tous les psychologues matérialistes 11, mais l'inconscient a aussi une nature spirituelle où la conscience est élargie, se dépassant elle-même en supra-conscience. Certes on peut considérer à un certain niveau que le subconscient est comme un ensemble de pulsions qualitatives traduisant un jeu de forces matérielles que la Science estime quantitatives et qui seules assureraient l'évolution. Mais pour Sri Aurobindo découvrir que l'inconscient est aussi de nature supraconsciente apporte un éclairage supraconscient jusqu'au fond du subconscient qui montre que le regard scientifique passe forcément à côté de la conscience cachée au cœur de la matière 12.
Sri Aurobindo caractérise la conscience humaine comme une conscience mentale :
« Dans la terminologie de notre yoga, le substantif « mental » et l'adjectif « mental » sont utilisés pour désigner spécialement la partie de la nature qui a rapport avec la cognition et l'intelligence, avec les idées, les perceptions de l'esprit ou la pensée, les réactions provoquées par les objets sur la pensée, les formations et les mouvements vraiment mentaux, la vision et la volonté mentales, etc 13 ».
La conscience mentale humaine englobe selon lui une conscience vitale héritée des animaux et une conscience physique héritées des premières formes de vie.
Au-delà des plus hautes cimes supraconscientes de la conscience mentale, Sri Aurobindo affirme qu'il nous est possible d'expérimenter un « supramental », qui est une connaissance directe de la vérité aujourd'hui connaissable indirectement et partiellement par notre intelligence mentale :
« Par supramental, j'entends la Conscience de vérité... par laquelle le Divin connaît non seulement sa propre essence et son être propre, mais aussi sa manifestation14 »
mais ailleurs il précise :
« une description mentale de la nature supramentale ne pourrait que s'exprimer soit en termes trop abstraits, soit en images mentales qui pourraient la transformer en tout autre chose que sa réalité15 ».
Le yoga intégral élaboré par Sri Aurobindo voudrait permettre la progression spirituelle individuelle et collective vers ce nouvel état.
L'innovation de Sri Aurobindo dans le domaine spirituel tient surtout au fait que pratiquer son yoga intégral permet non seulement d'aller vers le Divin, mais aussi d'accueillir en soi l'énergie divine, dans le but de manifester pleinement la conscience divine dans la matière : le mysticisme de Sri Aurobindo est actif, car il cherche à modifier dès à présent notre monde sur le plan matériel de son évolution. Il prône une certaine ascèse, mais à l'encontre d'un rejet du corps matériel16, il cherche à nous faire prendre conscience d'« une même loi supérieure [qui] gouverne la matière et l'esprit ».

 

Œuvres

 

Le Vedānta intégral

Selon Sri Aurobindo, la philosophie spirituelle est une des quatre voies de l'évolution comme l'occultisme, la pratique des yogas (l'expérience spirituelle) et la religion17. En tant que telle, elle ne consacre qu'une ouverture du mental à toutes les possibilités y compris celles qui le dépassent18.
La production philosophique spirituelle de Sri Aurobindo peut se décrire comme un védanta intégral. Il emprunte d'ailleurs un chemin déjà défriché par Ramakhrisna et Vivékananda qui utilisaient ce terme. Les quatre voies que sont la philosophie, l'occultisme, la pratique des yogas et la vie religieuse coexistent déjà à l'évidence dans les textes védantiques. L'ouvrage de Sri Aurobindo La Vie divine qui expose ses conceptions métaphysiques s'appuie en effet en priorité sur cette tradition philosophique de l'Inde : chaque chapitre de La Vie Divine est introduit par des citations des textes sacrés de l'Inde dont le chapitre qui suit s'avère une explicitation ou une interprétation implicite. Des ouvrages plus sociologiques ou politiques comme Le cycle humain ou L'idéal de l'unité humaine s'appuient, eux, davantage sur la pensée occidentale. Par exemple la psychologie du développement social dans Le cycle humain est charpentée sur le système psychohistorique de l'historien allemand Karl Lamprecht. Son étude sur Héraclite reste peut-être une exception marquante dans sa production philosophique.
Sa philosophie spirituelle toutefois a pu être qualifiée de néovédantisme tant elle renouvelait radicalement les interprétations jusque là en vigueur du Védanta.
La Vie divine est certainement son ouvrage le plus philosophique. Sri Aurobindo l'a réélaboré au fil de sa vie et sa lecture fut toujours vivement recommandée à ceux qui se voulaient ses disciples. Il commence par y exposer ce qui lui semble deux dénis complémentaires. Ces deux dénis ne sont pas seulement deux erreurs. Ce sont aussi deux demi-vérités puisque toute erreur puissante recèle un aspect de vérité qui cherche à s'imposer19. D'une part il y a le déni matérialiste qui nie l'importance de la conscience et ne considère l'évolution que comme une évolution matérielle. D'autre part il y a un déni spiritualiste de la valeur de la vie présente en considérant qu'elle n'est qu'une manifestation ou une évolution illusoire 20. Cette approche spiritualiste implique que la matière ne soit qu'une illusion grossière, une force d'inertie à toute libération spirituelle : Sri  Aurobindo s'oppose donc à l'interprétation dominante de la pensée védantique en Inde . Sri Aurobindo ne nie pas cependant la valeur des expériences spirituelles même si elles véhiculent cette interprétation totalement étrangère à la part de vérité inhérente au matérialisme : il estime cependant que les expériences spirituelles dont il est question doivent être réexaminées, approfondies et dépassées pour devenir une authentique connaissance psychologique au service de l'évolution métaphysique de la Nature 21. Cette psychologie spirituelle au service de l'évolution métaphysique de la Nature vise ultimement à dépasser la conscience mentale humaine non pas en la niant mais en la dépassant. Cette conscience mentale à travers la lecture de La Vie divine est appelée à comprendre le sens de l'évolution qui pour Sri Aurobindo est d'abord un évolution divine : "Le but du yoga est de pénétrer dans la présence et conscience divine et d'être possédé par elle [...] Le divin seul est notre but", précise-t-il dans ses Lettres sur le yoga. La Vie Divine prend donc le point de vue de l'évolution du divin lui-même : en terme plus proche de la terminologie de la pensée védantique, l'évolution du divin lui-même est appelée manifestation divine. L'enjeu de l'évolution ou de la manifestation divine est d'abord de manifester "la félicité d'être" divine elle-même au niveau humain mental qui ressent souffrances, douleurs et vit le drame de la mort 22. D'après Sri Aurobindo cette Vie Divine de plus en plus manifeste se manifesterait au niveau de la conscience humaine comme l'émergence d'une harmonie entre individu et collectif capable de refléter la venue d'une nouvelle réalité métaphysique divine au-delà de la conscience mentale :
" Ce n'est que lorsque le voile est déchiré et le mental divisé dominé, silencieux et passif sous l'action supramentale, que le mental lui-même retourne à la Vérité des choses. Là nous trouvons une mentalité réflectrice, lumineuse, qui obéit et sert d'instrument à l'Idée-réelle divine. Là nous percevons ce qu'est réellement le monde ; nous savons de toutes les manières que nous-mêmes sommes en autrui, qu'autrui est nous-mêmes et que nous sommes tous l'Un universel qui s'est multiplié. Nous perdons la position individuelle rigoureusement séparée qui est la source de toute limitation et de toute erreur 23".
Plus ambitieusement encore, le divin veut d'après Sri Aurobindo que la venue de cette nouvelle réalité métaphysique au-delà du sommet de la conscience mentale révèle dans la matérialité humaine sa félicité, sa perfection, sa puissance, son immortalité, etc. Cette révélation s'accomplirait à travers la supramentalisation de nos corps humains comme auparavant dans l'évolution la matière avait été dynamisée, vivifiée et mentalisée.
Selon Sri Aurobindo, cette réalité métaphysique supramentale non encore manifestée sur le plan terrestre a déjà été aperçue par les Rishis védiques. Et son védanta intégral vient achever le chemin qui avait été frayé par les Rishis puis laissé en friche pour développer la conscience mentale. Il constate que l'évolution terrestre et humaine s'est centrée sur l'évolution de la conscience mentale :
"L'âge de la connaissance intuitive, représenté par l'ancienne pensée védântique des Upanishads a... dû faire place à l'âge de la connaissance rationnelle ; l'Ecriture inspirée a cédé le pas à la philosophie métaphysique, comme ensuite la philosophie métaphysique a dû céder le pas à la science expérimentale... La raison humaine tient à avoir satisfaction par sa propre méthode24."
Le supramental n'est pas compréhensible du point de vue d'un horizon mental : d'après Sri Aurobindo, il se situe au-delà de toute compréhension intellectuelle même s'il peut se concevoir intellectuellement25 car :
"La vie échappe aux formules et aux systèmes que notre raison s'efforce de lui imposer ; elle s'avère trop complexe, trop pleine de potentialités infinies pour se laisser tyranniser par l'intellect arbitraire de l'homme... Toute la difficulté vient de ce qu'à la base de notre vie et de notre existence, il y a quelque chose que l'intellect ne pourra jamais soumettre à son contrôle : l'Absolu, l'infini26".
Il nous appartient donc pour Sri Aurobindo de mieux comprendre les limites inhérentes à une conscience mentale pour envisager de plus près la possibilité d'une conscience supramentale. Outre son échec face à l'infini, la conscience mentale usuelle au mieux s'exerce dans des raisonnements conduits par des règles logiques diverses, des concepts de différentes natures : le mental peut ainsi opposer aisément à n'importe quel point de vue un autre point de vue en apparence contradictoire 27. Une conscience mentale ne peut donc qu'approximer la réalité en en donnant une suite de points de vue partiels.
Une autre façon d'approcher le supramental est de considérer l'existence de niveaux de conscience mentale supérieurs encore inconscients mais davantage concevables et compréhensibles pour notre conscience mentale : les envisager permet d'approcher encore d'un peu plus près une possibilité supramentale. Face à deux points de vue mentaux contraires, face à une énigme, face à telle situation inconnue, nous connaissons parfois un saut dans la qualité de notre conscience mentale : on parle d'illumination, d'intuition, d'idée géniale, etc. Un tel genre de phénomène supraconscient est sans doute celui que Platon voulait transmettre et rendre plus courant avec sa méthode d'ascension dialectique vers le monde des formes intelligibles. Pour Sri Aurobindo, cette expérience peut devenir plus fréquente, plus dense et plus constante et avoir une portée non seulement intellectuelle mais aussi émotionnelle, sensorielle, etc. car notre conscience tout entière peut être élevée selon lui surmentalement. Le surmental, le plan de conscience de cette sorte le plus élevé selon Sri Aurobindo œuvrerait comme un flux de visions intuitives, instantanées et globales capables d'embrasser les points de vue mentaux les plus étrangers. Pour imaginer la conscience surmentale nous pouvons imaginer les éclairs de génie de l'artiste (le beau), du penseur (le bien) ou du scientifique (le vrai) devenus constants et s'éclairant mutuellement et s'incarnant non seulement dans une philosophie mais aussi et surtout dans un art de vivre sa matérialité physique. Plus inimaginable encore qu'un état de conscience surmental, un état de conscience supramental pour Sri Aurobindo ne doit donc pas être conçu comme un super-mental et donc il doit être envisagé comme une dimension de conscience au-delà d'une éventuelle dimension surmentale de la conscience. Son poème Savitri propose un raccourci suggestif pour nous faire concevoir une conscience supramentale : "Un unique regard innombrable"28. Le surmental comme flux de visions intuitives reste pour Sri Aurobindo une connaissance prisonnière du pluriel, de regards divisés et donc partiels : par exemple, selon lui les grandes religions furent fondées par des êtres humains capables d'un tel regard mais leur regard surmental a impliqué des différences d'accents spirituels. Les écrits de Vivekananda et de Ramakrishna souvent affirment que toutes les religions peuvent conduire à une même réalité divine ultime par des moyens spirituels divers. Sri Aurobindo nuance leur propos en disant qu'il y a une réalité divine ultime unique aperçue par les grands spirituels des diverses religions mais que les diverses religions ne dépassant pas le surmental, ces grands spirituels ne peuvent que percevoir un aspect partiel de cette réalité ultime, comme les contradictions théologiques et philosophiques entre les écrits spirituels des religions le montrent clairement. Le supramental est selon Sri Aurobindo une connaissance véritablement intégrale du divin : c'est une connaissance divine de toute la réalité qui se révèle n'être que le divin sous diverses formes, c'est une connaissance du divin par lui-même. Dans ses Lettres sur le yoga, il écrit ainsi : "Les grands Dieux appartiennent au plan surmental. Dans le Supramental ils sont unifiés en aspects du Divin, dans le surmental ils apparaissent comme personnalités distinctes".
Une dernière façon d'envisager cette possible connaissance supramentale est de voir qu'elle induit pour Sri Aurobindo une possible action directe et consciente sur la matière qui est elle aussi une forme du divin. Notre action sur la matière la plus efficace reste aujourd'hui celle de la technologie. Le yoga qui inclut des pouvoirs occultes, des siddhis peut sans doute amener des effets matériels extraordinaires mais la technologie nous donne des pouvoirs équivalents sans les payer d'une ascèse prolongée et incertaine quant à son succès. Cependant toute technologie a un défaut majeur, elle peut tomber en panne, elle peut induire des effets incontrolables. Le train déraille, l'ordinateur bogue, etc. Ceci tient au fait que toute action technologique sur la matière reste indirecte du point de vue de la conscience : lorsque je roule en voiture, je n'ai pas conscience de ce qui se passe dans son moteur. Une conscience supramentale selon Aurobindo dans son action matérielle échapperait à cette limite propre à toute action mentale voire surmentale sur la matière. L'action supramentale sur la matière ne serait pas une action indirecte. Une telle conscience permettrait d'envisager la perfection divine de nos corps et de la terre  :
"La manifestation d'une conscience-de-vérité supramentale sera donc la réalité capitale qui permettra la vie divine. [...] Le Divin est déjà ici, immanent en nous, nous sommes Cela en notre réalité profonde, et c'est cette réalité que nous devons manifester - c'est elle qui nous pousse à une existence divine et rend nécessaire la création de la vie divine au sein même de cette existence matérielle 29".
Sri Aurobindo souligne que son interprétation n'est pas étrangère au védanta lui-même contrairement à ce que suggèrent les interprétations tardives et discutables comme celle de Shankara 30. Chaque chapitre est introduit par une citation significative, par exemple contre l'interprétation Advaïta védanta héritée de Shankara Sri Aurobindo nous donne à lire une Upanishad qui affirme : "la Matière est le Braham"31; c'est-à-dire que la matière elle-même est divine.

 

Le yoga intégral

Le yoga intégral de Sri Aurobindo est exposé essentiellement dans sa Synthèse des yogas, dans ses Lettres sur le yoga, dans Le Guide du yoga, dans les derniers chapitres de La Vie divine mais aussi et surtout dans son œuvre poétique Savitri.
Sri Aurobindo utilise le terme yoga qui le situe à l'évidence du côté des traditions spirituelles indiennes. Cependant il affirme que "Toute la Vie est un Yoga"32.Cette formulation implique que la Nature entière suit une évolution spirituelle à laquelle tous nous participons en dehors même de toute affiliation spirituelle proclamée ou contre certaines de nos croyances spirituelles qui vont à l'encontre de ce Yoga, de cette évolution de la Nature. Elle implique aussi qu'une recherche spirituelle authentique est une accélération ou une concentration du Yoga de la Nature33.
Les méthodes de Yoga ont souvent pour but de réaliser le divin sur certains plans d'être, de libérer telle faculté de la conscience de ce qui lui occulte la réalité divine. Elles se détournent donc pour la plupart du reste de la Nature en n'y voyant pas sa consistance divine. Les méthodes de yoga doivent donc être synthétisées au service d'une purification d'ensemble de la conscience humaine afin de vraiment travailler à une concentration de l'évolution de la Nature.
Le Yoga des œuvres qui en Inde est connu comme le Karma yoga sera réinterprété dans le sens d'une purification de la volonté d'agir jusqu'à ce que seule la volonté divine agisse à travers l'individu qui suit le Yoga intégral34. Chacun d'entre nous a l'impression d'être l'auteur de ses actes et cherche à agir dans le but de recueillir les fruits positifs de ses actes. Le karma yoga cherche à purifier notre volonté pour en faire la seule volonté divine au service de l'évolution de la Nature. Il s'agira d'offrir ses actes au divin, de ne plus chercher égoïstement leurs fruits. Peu à peu il s'agira de voir que le divin lui-même agit et que nous en sommes que l'instrument. Faire la volonté divine rejoint le fait de constater que le divin est le seul authentique acteur : en tant qu'individu authentique nous sommes la projection individualisée de l'action divine. Sacrifier authentiquement son action afin de se soumettre à la volonté divine est un aspect central du yoga que le karma yoga est le plus apte à produire. Le karma yoga entend purifier la conscience en la purifiant des désirs et volitions égocentriques qui sont confondus avec une volonté authentique. Si comme l'affirme Sri Aurobindo notre véritable volonté est divine, se soumettre au divin ne signifierait pas autre chose que découvrir derrière la confusion de nos désirs et volontés égocentriques notre authentique volonté qui serait divine35.
Le Yoga de la connaissance qui en Inde est connu comme le Jnana yoga36 sera réinterprété dans le sens d'une purification de l'intelligence humaine jusqu'à ce qu'elle devienne l'intelligence divine s'exprimant sans voile dans la conscience de l'individu qui suit le Yoga intégral 37. Ce Yoga consiste à découvrir dans sa conscience un soi Témoin non engagé dans ce qui se passe. Ce pôle Témoin n'est pas seulement non engagé il se découvre aussi comme un pouvoir d'intervenir dans les déterminismes de notre conscience. Il a le pouvoir de rejeter certaines déterminations 38. Le Jnana yoga clarifie alors la conscience en produisant le silence mental et la paix vitale.
Le Yoga de l'Amour connu en Inde comme le Bhakti yoga sera réinterprété comme purification des émotions jusqu'à ce qu'elles expriment l'Amour du divin venant du divin39. Il s'agit d'aspirer à travers toutes nos émotions et nos désirs à l'amour authentique du divin afin de réaliser que notre amour le plus passionné, notre aspiration la plus pure pour le divin constitue l'amour même du divin.
Cette purification des facultés humaines aura lieu non pas successivement mais selon le mouvement individuel de divinisation. Elle entraînera donc un sens de plus en plus prononcé de notre individualité authentique. Notre personnalité égocentrique n'apercevait pas sa confusion entre l'activité mentale, vitale et physique de notre véritable individualité et les activités mentales, vitales et physiques mécaniques universelles. Le Yoga en nous divinisant dégage notre véritable individualité de l'inconscient universel et il révèle son lien avec la transcendance et l'action universelle supraconsciente:
"En fait, cependant, il y a en nous une âme ou terme psychique double, comme est double tout autre principe cosmique en nous. Car nous avons deux instruments mentaux : d'une part le mental de surface de notre ego exprimé et en évolution [...] : d'autre part un mental subliminal qui n'est pas entravé par notre vie mentale présente et ses limitations [...]. De même nous avons deux vies, l'une extérieure engagée dans le corps physique [...] qui vit, qui est née et qui mourra, l'autre une force de vie subliminale qui n'est pas confinée dans l'espace étroit borné par notre naissance et notre mort physiques, mais qui est notre véritable être vital [...]. Même en la matière de notre être se trouve cette dualité ; car derrière notre corps est une existence matérielle plus subtile [...]. De même, il y a en nous une double entité psychique, l'âme de désir superficielle [..] et une entité psychique subliminale, pure puissance de lumière, d'amour, de joie, essence d'être épurée qui est notre âme véritable derrière cette forme extérieure d'existence psychique que si souvent nous honorons de ce nom. C'est quand un reflet de cette entité psychique plus vaste et plus pure paraît à la surface que nous disons d'un homme qu'il a une âme[...]40".
L'égocentrisme est donc d'abord rejeté sous ses formes mentales, émotionnelles et volontaires mais en un autre sens il est donc aussi simultanément élargi et dépassé41. Ceci commence alors à faire surgir notre authentique individualité, notre véritable essence individuelle intégralement tournée vers le divin et la divinisation puisqu'elle en est la manifestation individualisée : Sri Aurobindo parle en ce sens précis de psychisation42.
Cette psychisation divine s'étend aussi dans sa purification au physique nerveux qui est l'objet traditionnel du Hatha Yoga. Le Hatha Yoga seul ne parvient à obtenir des résultats significatifs que par des méthodes astreignantes dont les exigences ne laissent guère le temps de purifier les autres facultés. La psychisation des autres facultés laisse apparaître les limites corporelles de son avènement : elle reste instable à cause de mauvaises habitudes sensorimotrices subtiles. Face au subconscient, les lumières de l'égo mental sont jugées très partielles par Sri Aurobindo, la psychisation permet de découvrir le caractère universel du subconscient et non plus seulement la partie qui sert de soubassement à l'ego. La psychanalyse de Freud n'est pas déclarée nulle et non avenue par Sri Aurobindo puisque lui-même reconnaît que les maladies par exemple sont pour la plupart des psychosomatisations mais la psychanalyse est jugée comme une connaissance partielle de processus qui risquent de dépasser celui qui s'y adonne voire de l'égarer faute de lumière spirituelle.
Face à ce défi posé par la découverte du subconscient, la psychisation de la conscience plus ou moins achevée aspire alors aussi à une véritable spiritualisation purifiant le mental et le vital jusqu'à ce qu'ils s'illuminent sur-mentalement. Cette illumination sur-mentale n'est plus religieusement axée dans le but de trouver un salut loin du subconscient terrestre comme par le passé. Cette spiritualisation surmentale a pour but de voir consciemment les phénomènes subconscients corporels qui restent peu saisissables et maîtrisables pour une conscience mentale et vitale usuelle même psychisée. Là où la psychisation découvre notre individualité divine authentique, la spiritualisation découvre de plus en plus notre transcendance et universalité divine. La spiritualisation de la conscience qui parachève sa psychisation pointe de plus en plus consciemment vers les samadhîs des hauteurs mentales que le Raja Yoga décrit et dont Patanjali a donné la description la plus connue. Mais pour Sri Aurobindo le Raja Yoga n'atteint le plus souvent que temporairement et rarement en pleine conscience un samadhi. Le Raja Yoga mené par notre être psychique est une authentique spiritualisation de notre être car les divers samadhis du Raja Yoga vécus de plus en plus consciemment se réinvestissent d'eux-mêmes dans la spiritualisation des autres facultés humaines et dimensions de sa conscience : Sri Aurobindo cherche par son Yoga intégral à accroître les pouvoirs ou siddhis de la conscience accrus au service d'une évolution de la conscience terrestre. La spiritualisation de notre être par l'ascension de l'être psychique dans les niveaux supérieurs du mental en relevant le défi subconscient à partir d'une exploration sur-mentale consciente dépasse alors de loin la méthode de purification partielle du physique et du mental qu'est usuellement le Hatha Yoga tel que nous le connaissons en Occident.
Cette psychisation et cette spiritualisation peuvent s'entrecroiser et pas forcément se succéder. Le tantrisme est ainsi une spiritualité où il s'agit de s'identifier au mouvement de spiritualisation de la Nature pour s'unir individuellement au divin et n'en être qu'une expression individuelle plus concentrée au niveau de la Nature. Mais pour Sri Aurobindo le mouvement d'ascension et de montée doit aller plus loin que ne le laisse penser le tantrisme, il doit parvenir à révéler le divin involué dans la manifestation matérielle la plus grossière. La descente dans le tantrisme est liée entre autres à la découverte des centres de conscience qui sont liés aux divers plans de la conscience : les chakra. Chaque centre de conscience est un faciliteur de maîtrise des forces qui jouent sur son plan de conscience. La montée est liée à l'union des plans de conscience supérieur à la force de conscience qui se tenait endormie dans le plan de conscience le plus bas : cet aspect est celui du Kundalinî Yoga. Le disciple du yoga intégral sent comme une force conscience descendre d'au-dessus de sa tête et agir sans qu'il sache bien comment au début pour découvrir les centres de conscience, les chakras propre à chaque plan de conscience. Ayant découvert chaque centre de conscience, le disciple du yoga intégral a l'impression que cette force conscience descendante réveille la force conscience propre au Kundalinî Yoga 43. Mais ce jeu de descente et de montée ne s'arrête pas là. Le tantrisme contemporain limite le plus souvent sa compréhension de la manifestation la plus grossière à celle du sexe, parfois à celle de la nourriture. Le tantrisme régénère rarement les manifestations grossières liées aux pulsions d'appropriations dont l'argent est aujourd'hui le vecteur principal ou celles liées à la recherche de reconnaissance dont le pouvoir ascendant sur les autres reste la cause d'une absence d'harmonie entre l'individuel et le collectif. Pour Sri Aurobindo, plus radicalement, "Le subconscient contient toutes les réactions au stimuli de la vie, qui luttent pour émerger sous la forme d'une conscience qui évolue et se formule peu à peu ; il les contient non pas comme des idées ou des perceptions ou des réactions conscientes, mais comme la substance fluide de ces choses. [...] C'est principalement à cause du subconscient que tout va se répétant et que jamais rien ne change, sauf en apparence. C'est à cause de lui qu'il est dit que le caractère humain est immuable; il est également responsable de la constante recrudescence des difficultés que l'on espérait avoir éliminer de soi. Tout y est contenu en germe, y compris tous les samskara [empreintes] du mental, du vital et du corps; c'est la principal soutien de la mort et des maladies, et l'ultime forteresse (apparemment imprenable) de l'Ignorance. Tout ce qui est réprimé sans être complètement éliminé, s'y enfonce et y séjourne à l'état de semence, prêt à surgir à la surface ou à germer à la moindre occasion 44". Au final, la matière la plus grossière en deçà de la reproduction consciente des semences subconscientes qui régulièrement se manifestent sur les plans vitaux et mentaux n'est pas considérée comme spiritualisable par les tantras. Ainsi la mortalité du corps matériel grossier n'est pas considérée comme dépassable par les tantras.
La science matérialiste nous montre même si elle n'en perçoit pas la divinité que la matière est la première manifestation spatio-temporelle. Les dimensions mentales et vitales de la conscience dans leur manifestation sont issues spatio-temporellement cette première manifestation. Au-delà des plans sur-mentaux dont le plus haut est le Surmental et en deçà du subconscient matériel où s'inscrit le jeu de la vie et de la mort corporelle, Sri Aurobindo veut par son Yoga révéler le plan supramental divin. La première manifestation divine spatio-temporelle n'est donc pas selon lui la matière estimée faussement comme la plus grossière : elle est une manifestation matérielle supramentale. Cet acte supramental qu'est la manifestation matérielle spatio-temporelle demande cependant à s'individualiser et à s'universaliser au sein de l'évolution de l'univers matériel qui s'est rigidifiée dans ses lois lorsqu'elle a manifesté le vital puis davantage peut-être lorsqu'elle manifeste le monde mental. La psychisation et la spiritualisation prépare donc une supramentalisation qu'ont pressentie les Védas selon l'interprétation novatrice qu'en donne Sri Aurobindo. En parlant de "puits de miel couvert par le roc45", les Védas évoquent selon Sri Aurobindo les premiers une conscience de la matière fluide et de pure félicité, une conscience libre de la dureté et de l'inflexibilité des soi-disant lois spatio-temporelles de la matière. Les Rishis de ces temps immémoriaux sont morts et leurs intuitions n'ont plus été entendues. À vrai dire ils n'avaient pas les moyens d'universaliser ce pressentiment. Le mental devait aller au bout de son expansion pour que la supramentalisation puisse pleinement prendre pied partout dans la manifestation à travers l'évolution concentrée de quelques uns. Il devait encore évoluer suffisamment pour permettre partout une évolution de plus en plus consciente de la conscience.

 

Le poète

Comme Mirra Alfassa que Sri Aurobindo nomma Mère de son ashram le rappelle dans ses entretiens de 1957-1958, la profondeur spirituelle garantit rarement le génie poètique ou artistique en général.
Cependant dans La poèsie future Sri Aurobindo établit un lien entre poèsie et spiritualité très intime en rappelant la tradition indienne du mantra  :
"Le mantra, comme j'ai tenté de le décrire dans The Future Poetry, est un mot chargé de lumière et de pouvoir qui provient de l'inspiration surmentale ou de quelque plan très élevé de l'Intuition. Il se caractérise par un langage infiniment plus signifiant que ne le suggère le sens superficiel des mots ; par un rythme plus signifiant encore qui naît de l'Infini et se dissout en lui, et qui a le pouvoir de transmettre non seulement le contenu, les suggestions ou les valeurs mentales, vitales ou physiques de la chose exprimée, mais son sens et sa forme dans une conscience originelle et fondamentale qui se trouve derrière ces choses et les dépasse46."
Le mantra lorsqu'on le prononce n'a pas donc seulement un effet du point de vue de sa signification spirituelle. C'est un objet sonore musical, rythmique exprimant une intensité d'être et de conscience : le prononcer intérieurement a donc des effets sur le niveau de conscience mentale. Cette conception du mantra est mise en œuvre en Inde le plus souvent par exemple dans le Hatha Yoga, le tantrisme et le Bhakti yoga. D'autres traditions spirituelles utilisent des procédés équivalents. En Inde le recours à des mantras semblent dater au moins du Rig-Veda. Prononcer un mantra à haute voix dans telle situation ou intérieurement dans telle partie de notre être est censé produire des effets occultes. N'importe qui toutefois peut déjà ressentir en prononçant à haute voix telle phrase des effets physiques puisque les vibrations sonores dues à l'articulation des mots se répandent dans telle ou telle partie de notre corps. Nous avons connu ou connaissons des circonstances où tels mots ont eu un impact psychologique forts en se gravant dans notre conscience. Le poète qui a du génie qu'il le veuille ou non, qu'il s'intéresse ou non à une recherche spirituelle manifeste dans sa poèsie des expressions qui ont des propriétés mantriques. Les mots d'un grand poète ravissent notre conscience : ils nous réjouissent en captant notre attention, ils dirigent notre attention vers eux, ce ne sont plus de simples objets de notre attention, ils l'inspirent.
Le Yoga de Sri Aurobindo n'implique pas qu'on soit artiste 47comme il le rappelle dans ses Lettres sur le Yoga mais lui-même constate que parmi ses disciples il y a de nombreux artistes48.
L'exploration des couches supérieures du mental consiste dans une recherche d'inspiration plus dense, plus profonde. Cette exploration spirituelle dont le but est de faire du mental un instrument parfait d'une conscience surmentale puis supramentale (cf les paragraphes précédents védanta intégral et Yoga intégral) peut trouver dans l'art poétique entre autres arts une expression de soi.
Sri Aurobindo conçoit la lecture de sa poésie et plus particulièrement la lecture sincère de son œuvre poétique majeure Savitri comme une façon d'exposer sa conscience usuelle à une pression supraconsciente même si elle n'est pas immédiatement perceptible49.
Il affirme que le lecteur ne comprendra pas la portée de son épopée dès lors qu'il la lira à un niveau de conscience ordinaire50, mais comme mère l'indique dans un entretien avec peu à peu cette lecture suivie de relecture par ses effets mantriques n'agira-t-elle pas sur sa conscience 51. Nous savons qu'une relecture d'un texte riche de sens apporte toujours une meilleure compréhension analytique de la signification de son propos et qu'elle peut contribuer à faire évoluer notre système d'interprétation spontanée du monde si on adhère aux propos ainsi compris. Nous savons aussi que des propos compris plus intensément passant l'épreuve du réel quotidien révèlent le sens d'autres propos d'un texte puissant compris initialement moins intensément. Si le texte lu est très riche de sens, une nouvelle vision mentale peut alors se constituer qui nous libère de la vision mentale précédente plus limitée. Mais ici il ne s'agit plus seulement d'une interprétation du monde qui libère notre vision mentale de son étroitesse, il est question de commencer à voir le mental depuis un horizon sur-mental, il est question de briser l'hégémonie de la vision mentale dans nos vies.
Lisant Savitri de manière sincère comme on écoute quelqu'un jusqu'au point de laisser ses paroles devenir ce qui explore notre propre conscience de façon plus vraie que nous-mêmes ne l'avions fait jusque là, pouvons-nous au fil des relectures voir se développer une évolution consciente de la conscience transperçant notre forteresse mentale ? Des choses qui se veulent aussi belles et bonnes à imaginer que possible peuvent-elles nous faire faire une expérience de conscience plus consciente et donc plus vraie ?

 

La Mère, Satprem et Sri Aurobindo

Comment situer « Mère » (Mirra Alfassa) par rapport à l'enseignement d'Aurobindo ? Du vivant même de Sri Aurobindo, certains opposaient les paroles de Sri Aurobindo et de Mère alors qu'ils étaient sans cesse en contact. Mère lorsque Sri Aurobindo se retira de tout contact avec les disciples hormis par ses Lettres fût l'une des rares à le voir quotidiennement et à lui parler directement. Sri Aurobindo écrit à ce propos :
"Il n'y a pas de différence entre le chemin de la Mère et le mien ; nous avons et avons toujours eu le même chemin, le chemin qui conduit au changement supramental et à la réalisation divine ; non seulement à la fin mais dès le début c'était le même 52."
Après la mort de Sri Aurobindo, elle ne cessa de commenter les œuvres de Sri Aurobindo lors de classes du centre d'éducation fondé dans les années 1950 ou dans le bulletin de l'ashram.
Dans les Entretiens qui couvrent les années 1950 à 1958, elle détaille les deux phases du Yoga intégral que sont la psychisation et la spiritualisation. Elle affirme que la supramentalisation en 1956 a atteint une nouvelle étape décisive mais même si son action est collective, il semble selon ses dires que rares sont les disciples qui en prennent conscience individuellement et y participent consciemment.
Dans L'Agenda de Mère, (en 13 volumes) elle a laissé un important témoignage spirituel portant sur le « Yoga intégral » quand il atteint le « Supramental ».
Cet héritage a été recueilli par le français Satprem. Ce dernier essaie de l'éclairer à l'encontre de l'apparent échec de Sri Aurobindo puis de Mère puisqu'ils sont morts malgré leur tentative affirmée de supramentalisation du corps. Leurs morts pour Satprem ne semblent pas un échec de la divinisation de notre espèce. Dans ses divers livres de témoignage, Satprem affirme que cet échec n'est qu'apparent, ils ont laissé selon lui le chemin ouvert et continuent de l'autre côté de notre vie mortelle leur œuvre de supramentalisation de la conscience terrestre :
"Tout le travail, le vrai travail de Mère et de Sri Aurobindo, cela a été d'ouvrir la conscience des cellules, d'ouvrir cette forteresse-là. [...] Le Miracle cellulaire, physiologique. Parce que Sri Aurobindo et Mère ont ouvert le chemin. [...]Mère n'est pas morte ! Elle vit, Elle rit, Elle est là, Elle attend que nous sortions de notre idiotie - ce n'est pas Elle qui a besoin d'en sortir ! C'est nous53".
Comment situer le Yoga des cellules de Mère par rapport au Yoga intégral de Sri Aurobindo qui vise une supramentalisation de la matière à travers celle du corps humain ?
Satprem fut en désaccord avec certains des plus proches et anciens collaborateurs de Sri Aurobindo et de Mère, ce qui aboutit à son départ de l'ashram. D'après certains témoignages, il n'aurait été qu'un disciple comme les autres. Il publia pourtant L'Agenda de Mère et a écrit et publié auparavant deux ouvrages profondément approuvés par Mère : Aurobindo ou l'aventure de la conscience et La Genése du surhomme. Tout indique qu'il avait une relation étroite avec Mère sur le plan spirituel : Kireet Joshi affirme que Mère affirmait qu'il permettrait au supramental de vraiment s'ancrer dans l'évolution du corps et de la conscience humain.
Satprem résume fréquemment la spiritualisation du yoga intégral de Sri Aurobindo à une clarification des diverses couches de conscience qui séparent le supramental de la matière pour qu'enfin il s'y révèle. On trouve ce résumé dans La Genèse du surhomme écrit sous l'œil attentif de Mère mais aussi dans des ouvrages cherchant l'essence du travail spirituel de Mère comme Le mental des cellules, ou plus récemment dans des ouvrages comme Evolution II quand il rappelle le travail de Sri Aurobindo et de Mère afin de décrire le sien. Il s'agit d'obtenir un authentique silence mental ce qui caractérise chez Sri Aurobindo le Jnana Yoga ; puis il s'agit de pacifier le vital émotif et désirant ce qui caractérise chez Aurobindo le Bhakti Yoga et Le karma Yoga ; ensuite on absorbe les sensations physiques qui sont aussi l'objet d'une neutralisation dans le Yoga intégral de Sri Aurobindo et enfin après cette spiritualisation peut alors commencer la supramentalisation du physique. Il faut que la psychisation que Satprem aime à résumer comme la croissance d'un feu de besoin (Sri Aurobindo l'évoque entre autres comme le feu d'Agni dans Savitri), d'un CRI se fasse et mène la spiritualisation ainsi résumée pour permettre au supramental de traverser les couches qui le séparent individuellement et collectivement du physique corporel afin d'y œuvrer.
Enfin Aurobindo lui-même dans Savitri, livre II, chant XII (p. 244-245 dans la traduction de Satprem), n'évoque-t-il pas déjà un yoga des cellules quand il écrit :
« Une immobilité de feu éveille les cellules assoupies,
Une passion de la chair devenue esprit,
Et finalement, merveilleusement, s'accomplit
Le miracle pour lequel notre vie fut faite.
Une flamme dans une blanche coupole silencieuse
Apparaît, les faces de la lumière immortelle,
Les membres radieux qui ne connaissent ni la naissance ni la mort,
La poitrine qui allaite le premier-né du soleil
Les ailes qui battent dans les silences ardents de la Pensée,
Les yeux qui plongent dans l'Espace spirituel.
Les centres cachés de notre force divine
S'ouvrent comme des fleurs dans une atmosphère céleste ;
Le mental s'arrête, saisi par le Rayon suprême,
Et même ce corps éphémère, alors, peut sentir
L'amour idéal et le bonheur sans ombre [...] »

 

Le sens d'Auroville dans le yoga intégral de Sri Aurobindo

Sri Aurobindo et « Mère » sont les inspirateurs de la communauté internationale d'Auroville près de Pondichéry. Elle doit incarner la philosophie de Sri Aurobindo car "[...] la question la plus importante de toutes, c'est de savoir si la société sera basée sur la compétition ou la coopération, sur l'individu ou la communauté". Auroville cherche à devenir la cité idéale, où les résidents se préparent sincèrement à l'émergence de l'homme nouveau, à la manifestation de la conscience supramentale. Auroville en l'état est la réalisation concrète d'une utopie qui témoigne au moins du courage et de la volonté de ses habitants puisque 40 ans après ses débuts elle continue de grandir (lentement). La relative autarcie d'Auroville s'explique par son ambition d'être une ville où l'argent ne devrait plus avoir un rôle central 54 mais cela ne signifie pas qu'elle n'ait pas vocation à communiquer avec le reste du monde55.
Cependant cette cité subit diverses critiques. On peut s'interroger quant à la qualité de son ouverture vers l'extérieur. Que valent les relations des Aurovilliens avec les Tamouls locaux malgré leur aide apportée par exemple lors du tsunami ? Que font les Aurovilliens pour faire briller dans le monde le fait qu'il est possible de dépasser une vie sociale et politique centrée sur une quête de richesses financières et non humaines, sur les mensonges du pouvoir qui nourrit volontiers l'ignorance et qui use les ressources écologiques ?
Mais à vrai dire une harmonie de l'individuel et du collectif est-elle possible, est-elle à notre portée avant que le pire ne se produise de façon irréversible et nous y contraigne ?
À l'heure actuelle, en dépit des efforts de certains (rares) anciens Aurovilliens qui étaient présent dès la creation de la ville pour préserver l'esprit originel, certains constatent que la majorité des habitants, malgré les conditions relativement strictes à satisfaire pour s'installer à Auroville, seraient des européens nostalgiques des années hippies, souvent de nouveaux riches profitant du moindre coût de la vie en Inde pour couler des jours paisibles dans une ambiance baba-cool. Toutefois il faut reconnaître que Mère n'était pas insensible à l'esprit libéré des années 1960... Que dire de leurs enfants qui n'ont absolument aucune notion des enseignements de Sri Aurobindo et qui d'ailleurs suivent leur scolarité à Pondicherry ? Ce choix ne peut-il pas être vu comme une ouverture d'esprit : le souci des parents de ne pas imposer une pensée plus qu'une autre ? L'esprit d'Auroville est-il perdu ?
Aurobindo espère qu'un tel idéal puisse être atteint consciemment. Sri Aurobindo estime qu'un tel idéal n'est pas impossible et qu'il est l'aboutissement du développement de l'anarchisme croisant le développement de la recherche spirituelle. Ainsi il écrit dans Le cycle humain, p. 331 et suivantes:
" Bien qu'elle n'ait pas encore trouvé la forme sûre, la pensée anarchiste ne peut manquer de se répandre à mesure que grandira la pression de la société sur l'individu, car cette pression opprime abusivement un élément nécessaire à la perfection humaine. Nous n'attacherons pas ici beaucoup d'importance à l'anarchisme grossier, vitaliste ou violent [...]. Pour assurer la coordination et prévenir les heurts et les conflits au milieu de ces contacts constants, un autre pouvoir que celui de l'intellect éclairé est nécessaire. La pensée anarchiste trouve cet autre pouvoir dans une sympathie humaine naturelle qui, si on lui donne le champ libre et les conditions qu'il faut, devrait garantir une coopération naturelle [...]. Une libre égalité fondée sur une coopération spontanée, et non sur la force gouvernementale ni sur la contrainte sociale, tel est l'idéal anarchiste le plus haut.[...]Mais la nature humaine est une nature de transition [...] nous sommes finalement contraints de viser plus haut et d'aller plus loin. Un anarchisme spirituel ou spiritualisé pourrait sembler plus proche de la vraie solution, ou du moins la pressentir de loin.[...] si l'on tient compte de l'impuissance d'aucun "isme" à exprimer la vérité de l'Esprit qui dépasse tous ces compartimentages [...]La solution ne se trouve pas dans la raison, mais dans l'âme de l'homme, dans ses tendances spirituelles. Seule une liberté spirituelle et intérieure peut créer un ordre humain parfait. Seule une illumination spirituelle plus haute que les lumières rationnelles peut éclairer la nature vitale de l'homme et imposer l'harmonie à ses recherches égoïstes, à ses antagonismes et ses discordes. "
Des penseurs intégralistes de plus en plus nombreux comme Ken Wilber 56et ceux qui s'y réfèrent semblent croire que nous avons les possibilités de nouveaux niveaux de conscience individuelle et collective. De ce point de vue les consulter peut sans doute être utile dans la compréhension mentale du chemin spirituel à parcourir pour incarner cette étape... Toutefois ces penseurs ne semblent pas souvent se référer positivement à l'héritage politique anarchiste57. Et surtout sur le plan spirituel ils ne semblent pas accepter mentalement (ou même surmentalement) la spécificité du supramental d'Aurobindo en négligeant l'hypothèse que les œuvres de Mère et de Satprem en éclairent peut-être l'originalité.
Dans la pensée de Mère, il y a sans aucun doute une nécessité sociologique d'Auroville qui consiste à offrir une niche écologique humaine favorable à la démultiplication des êtres surmentaux et supramentaux58. Dans ce contexte il faut des êtres humains d'une cité qui ne sacrifie aucune individualité au collectif car le renégat d'aujourd'hui, l'insignifiant ou le quelconque ont tous une dignité divine. Il faut aussi un collectif qui ait une organisation suffisamment fluide pour ne pas se dissoudre faute de ne pas servir les inspirations spirituelles surmentales voire supramentales qui l'animeront et qui n'est pas semblable à ce qui l'anime aujourd'hui. Il faut donc constituer un collectif d'hommes produisant sans mal un groupe d'authentiques surhommes (qui ne seront pas des super-egos) à leur tête. Il faut un collectif capable de relever et d'élever tout homme c'est-à-dire sutout un collectif capable d'accueillir et de se laisser élever dans la conscience par tout être supramental au-delà de l'homme mental et surmental.
En effet en l'état l'homme est-il prêt à envisager qu'il n'est qu'"un être de transition", un chaînon intermédiaire vers un être supérieur alors qu'il refuse bien souvent l'idée mentale de descendre d'un ancêtre du singe 59? Satprem affirme que les disciples de Mère l'ont tuée plus ou moins consciemment préférant fabriquer une nouvelle religion plutôt que de supporter la vision contagieuse de quelqu'un faisant le saut vers la prochaine espèce 60. Satprem lui-même affirme préférer évoluer loin des foules humaines et ne laisse l'approcher que ceux qui supportent (dans tous les sens du terme) cette vision concrète dans leur propre corps tout en ne la voilant pas avec leurs difficultés propres : il dit espèrer atteindre un stade où la présence de n'importe qui à proximité ne pourra plus perturber sa démarche et surtout il espère atteindre un état où personne ne pourra plus rien contre le fait alors établi d'une nouvelle espèce au-delà de l'homme61. Il dit espèrer atteindre pour nous tous ce point où nos mouvements les plus intimes et les plus inconscients contre cette évolution seront retournés en ce qui inexorablement ne peut que la précipiter62. Il dit espèrer paradoxalement que l'humanité atteindra ce point d'asphyxie globale où dans sa totalité elle éprouvera le besoin d'un autre "air" de conscience non seulement surmental, mais celui qui conduit à accepter physiquement la nécessité d'un saut évolutif supramental.
Vu l'apparente difficulté de cristalliser à Auroville ou chez ceux qui se réfèrent à Wilber un surhomme capable d'une perfection dans l'harmonie de l'individuel et du collectif, peut-on croire intellectuellement à la constitution d'un être supramental encore plus improbable? Si fondamentalement on n'en éprouve pas le besoin comme certains éprouvent le besoin de croire dans une religion rassurante, tout ceci ne paraît-il pas fumeux ? Comment en effet adhérer à une possibilité supramentale sans défier notre bon sens habituel puisque celui qui affirme comme Satprem conduire pour nous l'expèrience au-delà du mental et du surmental fait connaître son expérience seulement par des mots de la conscience mentale ?
Seul un besoin d'y croire concomitant à l'exploration rigoureuse de notre conscience individuelle et collective peut éventuellement nous permettre d'approfondir sincèrement l'énigme que Sri Aurobindo nous a léguée et qui se prolonge à travers les témoignages de Mère et de Satprem. On pourrait alors donner une réponse à ces questions sans participer à l'édification d'une nouvelle religion. Car répondre mentalement même positivement, n'est-ce pas encore nourrir la forteresse mentale dont la pensée de Sri Aurobindo se veut un instrument de déconstruction ?
À propos de l'Auroville actuel, on peut noter que la communauté a eu un rôle actif dans l'aide locale après le Tsunami de décembre 2004 et est partenaire de programmes de reforestation avec le gouvernement indien.

 

Sri Aurobindo, Mère, Satprem et le principe du gourou

Satprem dans Sept jours en Inde écrit à propos des gourous p. 73 :
"Les gourous... Moi je les trouve épouvantables, les gourous. Je ne peux pas vous dire autre chose. Et encore... évidemment c'est une façon de dire. Parce que, en fait, tout est le Gourou. Chaque instant, chaque chose, chaque rencontre, chaque accident, chaque événement, c'est le Gourou. [...] Mère disait cela très bien : "C'est la Paresse... C'est la paresse qui vous fait adorer. Ce qu'il faut, c'est devenir." Seulement, il faut du courage pour devenir."
Sri Aurobindo affirme lui qu'on peut même retirer un progrès spirituel d'un faux gourou si on est sincère (Lettres sur le yoga, tome 3) et il défend souvent le principe du gourou humain. Dans le Guide du yoga, Albin Michel Spiritualités, il écrit p. 228 :
"Jusqu'à présent, aucun homme libéré n'a eu d'objection au gourou-vâda [le culte du gourou] ; en général ce sont seulement les gens qui vivent dans le mental ou le vital et qui ont l'orgueil du mental ou l'arrogance du vital qui trouvent incompatible avec leur dignité de reconnaître un gourou."
Faut-il voir un point de désaccord éventuel entre Sri Aurobindo, Mère et Satprem ?
Satprem et tous ceux qui aujourd'hui essaient de poursuivre le travail de Mère et de Sri Aurobindo ne rejoignent-ils pas davantage sur la question du gourou quelqu'un comme Krishnamurti qui, bien que reconnu pour son enseignement spirituel, a toujours critiqué le principe du gourou humain ? Cependant il y a une contradiction chez Krishnamurti entre sa critiqu du gourou et le rôle d'enseignant qu'il se donne qui avvait fait dire à Ma Ananda mayai qu'il se présentait au fond comme le gourou des gourous. Sri Aurobindo, Mère ou Satprem évitent-ils cette impasse ?
Le rapport entre Satprem et l'ashram de Mère après son départ mais aussi le sentiment de Mère vis-à-vis de ses disciples qui voulaient transformer l'évolution supramentale en religion conduit logiquement Satprem à ne plus vouloir de disciple. Des disciples finissent toujours par adorer leur gourou soi-disant surhumain sans réaliser eux-mêmes le surhumain. À partir de là, se proclamer gourou rend donc tout gourou humain complice de disciples qui l'adorent et, de ce fait, n'évoluent pas eux-mêmes vers le supramental. Mais dans Sept jours en Inde Satprem affine aussi sa position puisqu'il estime comme Sri Aurobindo que certains, faute de trouver en eux le Gourou en tout ou de se satisfaire d'une figure divine humaine telle le Christ, Bouddha, Krishna, 63etc., recourront à des gourous humains64. Le gourou humain est alors une concession, mais il s'agit pour le disciple de chercher le divin au-delà des limites humaines de son gourou humain, il s'agit d'en retirer l'expérience divine puis de suivre son Gourou intérieur qui parlera alors à travers tout (Ceci résume d'ailleurs la relation entre Sri Aurobindo et le gourou Lélé qui rapidement perçut que l'expérience spirituelle d'Aurobindo lui échappait). Malheureusement rares sont les disciples capables de considérer ainsi le gourou humain. Satprem rejoint ainsi Sri Aurobindo dans ce que montre sa propre évolution spirituelle mais aussi dans ce que Sri Aurobindo affirme dans ses lettres ou la Synthèse des yogas. Sri Aurobindo en effet écrit dans les Lettres sur le yoga, tome 3, Buchet Chastel, p. 130 :
"La relation entre Gourou et disciple n'est que l'une des nombreuses relations que l'on peut avoir avec le Divin et dans notre yoga, où le but est une réalisation supramentale, il n'est pas habituel de lui donner ce nom; le Divin est plutôt considéré comme la Source, le vivant soleil de lumière, de Connaissance, de Conscience et de réalisation spirituelle, et tout ce que l'on reçoit, on le sent venir de là, on sent que tout l'être est remodelé par la main divine. C'est une relation plus grande et plus intime que la relation entre gourou humain et disciple qui relève d'un idéal plus limité. Néanmoins si l'intellect a encore besoin de cette conception mentale, qui lui est plus familière, elle peut être conservée tant qu'elle est nécessaire; seulement ne permettez pas à l'âme de s'y attacher, ne laissez pas cette conception mentale restreindre l'afflux d'autres relations avec le Divin et de formes d'expériences plus vastes."

 

Critiques

Comme tout enseignement original, l'œuvre de Sri Aurobindo a été diversement appréciée par certains autres sages et enseignants spirituels. Swami Prajnanpad le maître d'Arnaud Desjardins affirme sévèrement65 :
« Aurobindo était totalement à l'intérieur de son mental. Lire une page c'est lire les milliers de pages qu'il a écrites... c'est toujours pareil... Et l'erreur d'Aurobindo est là. Il voulait faire descendre le supramental... Oh ! C'est toujours mental. Ce n'est pas au-delà du mental. Aussi grand qu'il ait été, il est resté dans le domaine du mental. Il n'était pas libre du mental. Il n'était pas libéré. »
Alain Daniélou, un indianiste respecté vécut à Pondichéry et visita plusieurs fois l'ashram d'Aurobindo. Il écrit dans Le chemin du Labyrinthe, Robert Laffont, p. 224 :
«  L'ashram d'Aurobindo a été l'une des principales entreprises utilisées pour déformer le message de l'Inde et pour exploiter la bonne volonté de beaucoup de gens sincères à la recherche d'une vérité "autre". L'ashram était d'autant plus pernicieux qu'il a été créé par des gens remarquablement intelligents et probablement sincères avec ce fanatisme irresponsable qui caractérise beaucoup d'anarchistes et fait leur force. »
Le témoignage d'Alain Daniélou est plus concret. Pourtant, lui comme Prajnanpad sont deux penseurs qui restent proches de l'interprétation illusionniste de l'advaïta védanta tel qu'elle a été formulée par Shankara. Ils ignorent la réinterprétation du Rig véda et des Oupanishads proposée par Sri Aurobindo. Alain Daniélou se présente comme un défenseur de la tradition indienne et de ce fait fustige la pensée "anarchiste" de l'ashram d'Aurobindo. Il dénonce une société sans argent comme forcément une société d'exploitation. Il s'interroge sur l'éducation apportée aux enfants dans cet ashram, mais l'un des artisans de cette éducation, Kireet Joshi, est internationalement reconnu comme un avant-gardiste du domaine éducatif. Reste le témoignage selon lequel il aurait aidé des gens à fuir cette vie de l'ashram.
Quant au corps de Sri Aurobindo après qu'il l'eut quitté, beaucoup témoignent de phénomènes mystérieux qui l'ont entouré. Printhwindra Mukherjee, indianiste au CNRS écrit dans sa biographie, Sri Aurobindo, Desclée de Brouwer, p. 192 :
« Le 5 décembre 1950, à 1h26 du matin, Sri Aurobindo rendit son dernier souffle.Auréolé d'une "teinte d'or pourpre, fraîche, éclatante" - contemplé et attesté par des milliers de personnes, le corps de Sri Aurobindo ne donna aucun signe d'altération jusqu'au soir du 9 décembre. »
Il y a aussi des critiques venues de la part de ceux qui défendent une spiritualité de l'évolution de la conscience. La revue Éveil et Évolution dirigée par Andrew Cohen 66 et liée à la pensée de Ken Wilber juge de façon implicite dans son numéro sur le mystère de l'Évolution que Satprem et Mère ne sont pas fidèles à la pensée intégraliste d'Aurobindo67. Ils sont considérés comme des évolutionnistes ésotériques "répondant à des schémas cachés qui se développent dans la conscience et dans la matière [...]. Ces traits les distinguent de certaines conceptions récentes de l'évolution, comme celles de Alfred North Whitehead ou de Ken Wilber qui insistent sur l'imprévu et la créativité, laissant plus de champ à la surprise et à la nouveauté dans le processus de l'évolution". Ken Wilber dans son dernier livre Integral Spirituality estime avoir dépassé la pensée intégrale d'Aurobindo qui, selon lui, n'a jamais vraiment produit une véritable spiritualité intersubjective. Une lecture du Cycle humain ou des derniers chapitres de La vie divine de Sri Aurobindo relativise cette critique : Sri Aurobindo a fondé avant que Satprem n'en forge le terme une "sociologie du surhomme"68. Considérons le contenu précis de la critique de la revue Eveil et évolution qui porte sur Mirra Alfassa et Satprem et qui implicitement les juge infidèles à Sri Aurobindo. Premièrement, Sri Aurobindo, Mirra Alfassa et Satprem parlent tous trois d'une aventure dont l'aboutissement le plus lointain est inconnaissable du point de vue mental tout comme Whitehead et Ken Wilber mais aussi et surtout du point de vue supramental dont ils se veulent les instruments69. Deuxièmement, Satprem ou Mère n'ont jamais affirmé à l'encontre de ce qu'on sous-entend çà et là qu'ils ne quitteraient pas leur corps en chemin même si leur ambition était de vaincre dans la conscience la mort physique plutôt que les seules maladies 70. Troisièmement sur la question de l'occultisme, sri Aurobindo lui-même en parle dans La vie divine comme l'un des quatre piliers de l'évolution avec les yoga, la religion et la philosophie. À vrai dire cette aventure qu'ils disent être une aventure dans l'inconnu semble leur avoir donné une faculté occulte troublante d'annoncer à l'avance des événements inattendus pour beaucoup. Satprem dans Sept jours en Inde en 1980 affirme que les habitants de l'Union soviétique cherchaient à sortir du communisme sans bien savoir comment71 ou encore en 1995 dans La tragédie de la Terre, Robert Laffont, p. 94, il écrit de façon poétique que les Cathédrales new-yorkaises crouleront. Ce paradoxe entre pratique philosophique de la docte ignorance et développement de facultés occultes de prédiction rejoint à l'évidence les affirmations de Sri Aurobindo sur le déterminisme et la liberté :
"Liberté et détermination sont les deux faces de la même chose, car la vérité fondamentale est l'autodétermination du cosmos, et, en elle, une secrète autodétermination de l'individu72".
Par cette citation Sri Aurobindo lui-même invite à ne plus opposer les diverses formes de déterminismes et la liberté de l'évolution. Pour lui cette non opposition se déduit de l'expérience que rien n'existe hormis la conscience divine et qu'en somme l'évolution est la manifestation de la conscience divine au sein d'elle-même dans ce qu'elle est de toute éternité. Raimon Panikkar un théologien chrétien parle de tempiternité, un point de vue où se fond l'éternité par définition hors du temps et le temps lui-même. Ou encore Spinoza qui surement inspire à Aurobindo cette idée d'autodétermination évoque sans cesse un point de vue sur le temps sub specie aternitatis (d'un point de vue éternel). Mais là où théologien et philosophe inspirent juste une synthèse philosophique, Sri Aurobindo acquiert une faculté occulte d'appréhender le temps de l'évolution. Car lui aussi a eu sur l'avenir un regard pour le moins troublant : il écrit par exemple en mai 1916 L'idéal de l'unité humaine qu'il publie dans sa revue Arya et sa lucidité lui permet d'y annoncer que :
" L'Allemagne a abattu l'esprit napoléonien en France, en 1813, et brisé les restes de l'hégémonie française en Europe en 1870 ; cette même Allemagne est devenue l'incarnation de ce qu'elle avait abattu. Le phénomène peut aisément se renouveler à une échelle plus formidable 73".
Quant à la philosophie de Ken Wilber qui a l'ambition d'intégrer et de dépasser celle d'Aurobindo, sur la question du supramental elle peut paraître très peu convaincante. Les critiques de la philosophie de Wilber venant de défenseurs de la pensée de Sri Aurobindo comme Alan Kazlev 74ou Rod hemsell 75 montrent qu'on cherche en vain dans son œuvre un passage rigoureux sur ce sujet précis : la conception de l'évolution de la conscience selon Ken Wilber semble rester surmentale76.

Notes et références

  1. Sri Aurobindo, Autobiographical Notes and Other Writings of Historical Interest (en anglais), page 32, dans le Volume 36 de la collection "THE COMPLETE WORKS OF SRI AUROBINDO" éditée par Sri Aurobindo Ashram Publication Department en 2006. ouvrage consultable ici [archive].
  2. Sri Aurobindo, Métaphysique et psychologie, textes groupés par Jean Herbert, Albin Michel Spiritualités Vivantes, § 88,p.50 : « En Orient, et plus particulièrement dans l'Inde... tout philosophe fondateur [d'une école] et ceux qui ont poursuivi son œuvre ont été à la fois des penseurs métaphysiciens et des yogins.»
  3. Satprem, Sri Aurobindo ou l'aventure de la conscience, Buchet Chastel, p.55-56, écrit citant Aurobindo sur lui-même : « Tous les êtres mentaux développés [...] doivent [...] séparer les deux parties de leur mental : la partie active, qui est une usine de pensées, et la partie réservée, maîtresse, à la fois Témoin et Volonté, qui observe, juge, rejette, élimine ou accepte les pensées[...]. Mais le yogi va encore plus loin [...]. Pour lui, l'image de l'usine de pensées n'est plus valable, car il voit que les pensées viennent du dehors, du Mental universel ou de la Nature universelle, parfois formées et distinctes, parfois sans forme, puis elles reçoivent une forme quelque part en nous. [...] J'ai une grande dette envers Lélé pour m'avoir montré ce mécanisme [...]. En trois jours, j'étais libre. À partir de ce moment, l'être mental en moi devint une intelligence libre, un Mental universel. Ce n'était plus un être limité au cercle étroit des pensées personnelles, comme un ouvrier dans une usine de pensées [...].» puis p.175 « Le premier résultat [...]fut une série d'expériences formidablement puissantes et de changements de conscience radicaux que Lélé n'avait jamais eu l'intention de me donner [...] elles me firent voir le monde, avec une prodigieuse intensité, comme un jeu cinématographique de formes vacantes dans l'universalité impersonnelle de l'Absolu [...]. »
  4. Sri Aurobindo, Autobiographical Notes and Other Writings of Historical Interest (en anglais), page 8, dans le Volume 36 de la collection "THE COMPLETE WORKS OF SRI AUROBINDO" éditée par Sri Aurobindo Ashram Publication Department en 2006. ouvrage consultable ici [archive].
  5. Satprem, Sri Aurobindo ou l'aventure de la conscience, Buchet Chastel, p. 177, écrit citant Aurobindo sur lui-même : « Je vécus jour et nuit dans ce Nirvana avant qu'il ne commence à admettre autre chose en lui ou à se modifier tant soit peu... puis il commença à disparaître dans une Supraconscience plus grande, en haut... L'aspect illusoire du monde cédait la place à un autre aspect où l'illusion n'était plus qu'un petit phénomène de surface, avec une immense réalité divine par derrière, une suprême Réalité divine au-dessus et une intense Réalité divine au cœur de toutes les choses qui, tout d'abord, m'étaient apparues comme des formes vides ou des ombres cinématographiques.»
  6. 20 mars 1909: Et si la France accueillait Aurobindo? [archive]
  7. Satprem, Mère, Robert Lafont, tome 1, p.382 sq.
  8. Satprem, Luc Venet, La vie sans mort, Robert Lafont, p.25 traduit un passage de The Hour of God d'Aurobindo : « L'homme est un être de transition ; il n'est pas ultime. Car, dans l'homme et bien au-dessus de lui, s'élèvent les degrés radieux qui mènent à une surhumanité divine. C'est là que résident notre destinée et la clef qui nous libèrera de notre existence mondaine, pleine de promesses, mais inquiète et limitée... Une surhumanité gnostique est la prochaine étape évolutive évidente et triomphante que doit atteindre la Nature terrestre. Le passage de l'homme au surhomme est la prochaine réalisation imminente de l'évolution terrestre. Ce passage est inévitable parce qu'il est à la fois l'intention de l'Esprit intérieur et la logique du processus naturel.»
  9. Darwin cité par Satprem dans Evolution II, Robert Lafont
  10. Satprem, Luc Venet, La Vie sans mort, Robert Laffont, p.22 cite Aurobindo dans ses Lettres sur le yoga
  11. Satprem, Sri Aurobindo ou l'aventure de la conscience, Buchet Chastel, p. 271-276 traite ce point en détail
  12. Sri Aurobindo, Métaphysique et psychologie, textes groupés par Jean Herbert, p.132 : « 539. - En chaque particule, atome, molécule, cellule de la Matière vivent cachées et œuvrent inconnues toute l'omniscience de l'Eternel et toute l'omnipotence de l'Infini. [Hour of God] * 540. - L'état matériel... n'est-il pas plutôt un sommeil de la conscience ? [La Vie divine] »
  13. Sri Aurobindo, Métaphysique et psychologie, textes groupés par Jean Herbert, § 1.201. p.262
  14. Lettres sur le Yoga, Buchet Chastel, tome 2
  15. La Vie Divine, Albin Michel Spiritualités Vivantes
  16. Satprem, Luc Venet, La Vie sans mort, Robert Laffont, p.30-31 cite deux passages d'Aurobindo : « Autrefois le corps était considéré par les chercheurs spirituels comme un obstacle, quelque chose qui devait être vaincu, rejeté, et non comme un instrument de la perfection spirituelle et le terrain même du changement spirituel. » et plus loin « c'est seulement en développant un corps, ou du moins un fonctionnement de l'instrument physique capable de recevoir et de servir une illumination plus haute encore qu'il pourra s'élever au-dessus de lui-même et réaliser, non seulement dans sa pensée et dans son être intérieur mais dans la vie, une humanité parfaitement divine ».
  17. La Vie divine, Albin Michel Spiritualités vivantes, tome 4, II La Connaissance et l'Evolution spirituelle, Chap 52, p.24
  18. De La Grèce à l'Inde, Albin Michel Spiritualités vivantes, p.94 : "L'impossibilité n'est qu'un ensemble de plus grandes possibilités non réalisées [...]. La pensée n'est pas essentielle à l'existence et n'en est pas la cause, mais c'est un instrument du devenir : je deviens ce que je vois en moi-même."
  19. La Vie divine, Albin Michel Spiritualités vivantes, tome 1, p.30 : "Dans notre monde, l'erreur est constamment la servante de la Vérité et lui ouvre la voie ; car l'erreur est en fait une demi-vérité que font trébucher ses limitations; souvent elle est la Vérité qui revêt un masque pour approcher de son but sans que qu'on l'aperçoive."
  20. La Vie divine, Albin Michel Spiritualités vivantes, tome 1, chap 2 et 3
  21. La Synthèse des yogas, Buchet Chastel, tome 1, p.5 : " Toutes les méthodes groupées sous le nom commun de "yoga" sont des procédés psychologiques spéciaux fondés sur vérité établie de la Nature et qui font apparaître, à partir de fonctions normales, des pouvoirs et des résultats qui étaient toujours là, latents, mais que les mouvements ordinaires de la Nature ne manifestent pas facilement ni souvent."
  22. La Vie divine, Albin Michel Spiritualités Vivantes, tome 1, chap.11, La félicité d'être: le problème et chap. 12, la félicité d'être : la solution
  23. La Vie divine, Albin Michel Spiritualités vivantes, tome 1, p.226
  24. La Vie divine, tome 1
  25. La distinction tirée des Méditations métaphysiques de Descartes entre concevoir et comprendre est ici utile. On peut concevoir intellectuellement l'infini mais on ne peut pas le comprendre dans le sens où notre entendement ne peut le saisir dans le détail en une fois.
  26. Le parallèle avec Descartes peut être légitimé par la lecture de cette citation d'Aurobindo, Le cycle Humain, extraite de Satprem, Sri Aurobindo ou l'aventure de la conscience, p. 258. En effet Descartes utilise sa distinction entre concevoir et comprendre pour pointer la spécificité de l'idée d'Infini (déjà repérée par Anselme de Cantorbéry). Cependant en tire-t-il toutes les conséquences ? A savoir que la raison est incapable de nous donner une puissance Infinie...
  27. Satprem, Sri Aurobindo ou l'aventure de la conscience, Buchet Chastel, p.33-34 cite Aurobindo : " La période décisive de mon développement intellectuel survint [...] lorsque je pus voir clairement que ce que l'intellect disait, pouvait être à la fois exact et pas exact, que ce que l'intellect justifiait, était vrai et que le contraire était vraiaussi. Je n'admettais jamais une vérité dans le mental, sans admettre simultanément son contraire... Résultat, le prestige de l'intellect était parti."
  28. Cité par Satprem, dans Sri Aurobindo ou l'aventure de la conscience, Chap. XV, p.296
  29. Sri Aurobindo, La manifestation Supramentale sur la terre, Buchet Chastel, p.91
  30. Sri Aurobindo, Pensées et aphorismes, tome 2, p.33 : "307 - Trois fois Dieu a ri de Shankara : d'abord, quand il est revenu brûler la dépouille de sa mère ; ensuite quand il a commenté l'Îsha Oupanishad ; enfin quand il a traversé l'Inde en tempête pour prêcher l'inaction" ; Mère commente ainsi cet aphorisme : " Le Seigneur a ri quand cet homme, qui se croyait si sage, a obéi aux conventions, a écrit des paroles inutiles et a donné l'exemple de la suractivité pour prêcher l'inaction" ; une note précise qu'"Il a commenté l'Isha Upanishad en lui faisant dire le contraire de ce qu'elle signifiait pour justifier sa théorie illusionniste, car l'Îsha prêche la réalité de Dieu et de l'action." On pourra se reporter à Sri Aurobindo, Trois Upanishads, Isha, Kena, Mundaka, Albin Michel Spiritualités Vivantes où la traduction de Shankara est mise en cause philologiquement par Aurobindo.
  31. Taittirîya Upanishad. III, 1
  32. La Synthèse des yogas, Buchet-Chastel, Introduction, tome 1.
  33. La Synthèse des yogas, Buchet Chastel, tome 1, p.6 : "En fait, quand un homme tourne sa vision et son énergie vers l'intérieur et qu'il entre sur le chemin du yoga, on le suppose inévitablement perdu pour le grand courant de notre existence collective et pour l'effort séculier des hommes. Cette idée est si fortement répandue, elle a été tellement soulignée par les philosophies et les religions régnantes que, désormais, la fuite de la vie est généralement considérée, non seulement comme la condition nécessaire du yoga, mais comme son objet général. Aucune synthèse des yogas n'est satifaisante si son but ne réunit pas Dieu et la Nature dans une vie humaine libérée et parfaite".
  34. La Bhagavad-Gîtâ qui a été commenté par Aurobindo est le texte sacré hindou le plus célèbre qui introduit le karma yoga
  35. Certains aspects de ces affirmations ne sont pas sans rappeler celles de la cinquième partie de L'Ethiquede Spinozaqui affirme que l'amour intellectuel de Dieu est en nous l'amour de Dieu (ou la Nature) pour lui-même.
  36. Ce yoga est présenté dans l'article yoga de Wikipédia et l'Advaïta védanta s'y rattache. bien qu'Aurobindo relativise la valeur de l'Advaïta védanta dans ses conclusions sur la valeur de la vie terrestre, il en intègre des éléments significatifs
  37. La Synthèse des yogas, Buchet Chastel, tome 3, p.3 : "Ainsi la voie de la connaissance choisit la raison et la vision mentale, et, par la purification, la concentration et une certaine discipline de recherche de Dieu, s'en sert comme moyen d'atteindre à la connaissance et à la vision suprême : connaissance de Dieu et vision de Dieu."
  38. Ce point n'est pas sans faire penser à la conception de Descartes de la liberté qui s'appuie sur le doute hyperbolique et donc sur une volonté infinie de la conscience capable de se détacher de tous ce qui se présente dans la conscience.
  39. La Synthèse des yogas, Buchet Chastel, tome 3, p.3 : " La voie de la dévotion choisit les pouvoirs émotifs et esthétiques de l'âme, et, les tournant totalement vers le Divin dans une pureté et une intensité parfaites, avec une infinie passion dans sa quête, elle s'en sert comme moyen de posséder Dieu par une ou plusieurs relations d'unité avec l'Être Divin."
  40. La Vie divine, Albin Michel Spiritualités vivantes, tome 1, chap.23, L'âme double en l'homme, p.289-290
  41. Sri Aurobindo, Métaphysique et psychologie, Albin Michel Spiritualités Vivantes, textes groupés par Jean Herbert, p.183 sq, §797-816, nous lisons par exemple : "§ 803. - L'ego n'existe que par ses limites et il périt par la perte de ses limites" ou "§ 815. - [...] Il est nécessaire au premier travail de l'homme, qui est de découvrir sa propre personnalité et de la dégager du subconscient [...]. L'homme en tant qu'individu doit affirmer et distinguer sa personnalité par opposition à la Nature, être lui-même puissant, acquérir toutes ses facultés humaines de force, de connaissance et de jouissance, afin de pouvoir les retourner vers la Nature [...]. Son égoïsme discriminateur lui est donné comme un moyen à utiliser pour atteindre ce premier but." et enfin p.193 "§ 853. - L'homme doit apprendre, non pas à se supprimer ni à se mutiler, mais à s'accomplir lui-même dans l'accomplissement de l'humanité, de même qu'il doit apprendre, non pas à mutiler ou à détruire son ego, mais à le compléter en l'élargissant et en le faisant sortir de ses limites pour le perdre en quelque chose de plus grand [...]."
  42. La pratique du yoga intégral, Albin Michel Spiritualités vivantes, textes groupés par Jean Herbert,p.159, § 212 : "Je n'ai jamais parlé d'une "transformation du psychique" ; j'ai toujours parlé d'une "transformation psychique" de la nature, ce qui est tout autre chose. J'en ai parfois parlé comme d'une psychisation de la nature."
  43. Lettres sur le yoga, Buchet Chastel, tome 1, p.88 : "Dans le Tantra les centres sont ouverts et koundalini est éveillée par un processus spécial, son action ascendante est ressentie dans la colonne vertébrale. Dans notre yoga c'est une pression de la force au-dessus qui l'éveille et ouvre les centres. Il y a une ascension de la conscience qui monte jusqu'à ce qu'elle rejoigne la conscience supérieure au-dessus. Cela se répète (parfois, on sent aussi une descente) jusqu'à ce que tous les centres soient ouverts et que la conscience s'élève au-dessus du corps. À un stade ultérieur elle reste au-dessus et s'élargit pour devenir la conscience cosmique et le moi universel. Tel est le déroulement habituel mais quelque fois le processus est plus rapide [...]."
  44. Correspondance d'Aurobindo avec Nirodbaran citée par Satprem, Luc Venet, La vie sans mort, Robert Lafont, p.38-39.
  45. Rig-Veda II.24.4.
  46. La poèsie future, Buchet Chastal, p.426, Lettres sur la poèsie
  47. Aurobindo dans La pratique du yoga intégral,textes groupés par Jean Herbert, Albin Michel Spiritualités vivantes, écrit p. 180-181 : " § 254. - [...] Je n'ai jamais pensé que la politique ou le fait de nourrir les pauvres ou d'écrire de beaux poèmes conduirait tout droit à Vaikuntha [ Le paradis de Krishna] ou à l'Absolu. [...] Ce n'est pas la forme du travail lui-même ni la simple activité, mais la conscience et la volonté dirigée vers Dieu, qui se trouvent derrière, qui sont l'essence du Karma Yoga." et plus loin "§ 256. - On peut employer n'imorte quel travail comme domaine où s'exercer à l'esprit de la Gîtâ" c'est-à-dire aussi du Karma-Yoga.
  48. Satprem dans Sri Aurobindo ou l'aventure de la conscience, Buchet Chastel, p.237-238 remarque : "Il est curieux de voir la quantité de poètes de toutes langues, chinois, indiens, anglais, etc. parmi les disciples de Sri Aurobindo, comme si la poésie et les arts étaient le premier résultat pratique de son yoga" et il cite Aurobindo qui donne une réponse à ce fait dans une lettre à l'un de ses disciples : " J'ai vu pour moi-même et les autres [...] une soudaine éclosion de capacités survenir dans toutes sortes de domaines lorsque l'ouverture de conscience se produit, si bien que celui qui avait peiné longtemps pour s'exprimer par des rythmes, sans le moindre succès, peut devenir du jour au lendemain un maître du langage et des cadences poétiques. C'est une question de silence juste et d'ouverture juste au Mot qui essaye de s'exprimer - parce que le Mot est là, tout prêt, déjà formé sur les plans intérieurs où prennent naissance toutes les formes artistiques, mais le mental transmetteur doit changer et devenir un chenal parfait au lieu d'un obstacle."
  49. Ce qu'Aurobindo affirme dans La poésie future, Buchet Chastel, p.395 vaut sans doute en effet pour son œuvre poétique et plus particulièrement pour Savitri : " Mais au cœur le plus impénétrable de son action, toute création est un mystère, et ce ne sont guère que ses parties les plus extérieures et mécaniques qui se laissent analyser. La faculté créatrice du mental poétique ne fait pas exception. Le poète est un magicien qui connaît à peine le secret des sorts qu'il nous jette, et même le rôle que joue le mental constructif ou consciemment critique est moins intellectuel qu'intuitif; créer pour le poète, c'est être inspiré par un pouvoir spirituel dont son mental devient le canal et l'instrument ; et ce qui, en lui comme chez lzes autres, est en mesure de l'apprécier, ne provient pas d'un jugment intellectuel mais d'un sentiment spirituel."
  50. Aurobindo dans ses Lettres sur Savitri (Letters on Savitri), p. 805 écrit (nous traduisons) : "Le critique ou le lecteur jugera par lui-même si j'ai réussi ou échoué, mais s'il n'a rien vu et rien compris, il ne s'ensuit pas que son jugement adverse est sûr d'être le vrai et le juste, il y a au moins une chance qu'il puisse conclure ainsi non parce qu'il n'y a rien à voir et à comprendre [...] mais parce qu'il n'était pas pourvu pour la vision et la compréhension."
  51. Dans un Entretien sur Savitri (Compte-rendu noté de mémoire par Mona Sarkar)du 18 janvier 1960, Mère disait : " Ça ne fait rien si tu ne comprends pas Savitri, lis-le toujours. Tu verras que chaque fois que tu le lis, il y aura quelque chose de nouveau qui te sera révélé. Chaque fois tu trouveras un aperçu nouveau, chaque fois une nouvelle expérience; des choses qui n'étaient pas là, des choses que tu ne comprenais pas surgissent, s'éclaircissent tout d'un coup. Toujours une vision inattendue sort à travers les mots et les lignes. Chaque fois que tu essayes de lire et comprendre tu verras que quelque chose s'ajoute, quelque chose qui était caché derrière se révèle d'une façon claire et vivante. Je te dis que les mêmes vers que tu avais lus avant, une fois, te paraîtront sous un jour différent chaque fois que tu les relis. C'est ce qui arrive invariablement. Toujours ton expérience s'enrichit, c'est une révélation à chaque pas.
    Mais il ne faut pas lire comme on lit les autres livres [...]. Il faut lire avec une tête vide, [...], il faut se concentrer beaucoup, rester vide, tranquille et ouvert; alors les mots, les rythmes, les vibrations pénétreront directement dans cette page blanche, mettront leur empreinte dans le cerveau, s'expliqueront eux-mêmes sans que tu fasses un effort.
    Savitri à lui seul suffit pour te faire monter aux plus hauts sommets. Si vraiment on sait méditer sur Savitri, on recevra toute l'aide dont on a besoin. [...]il y a tout ce qu'il faut pour faire le yoga."
  52. Aurobindo sur lui-même cité par Satprem, Mère, Robert Laffont, tome 1, Le Matérialisme divin, p.304.
  53. Satprem, Mère, Tome 3, La Mutation de la Mort, Robert Laffont, p.331-334.
  54. Répondant à la question suivante "12. Y aura-t-il une circulation d'argent à Auroville?", Mère affirme : " Non. C'est seulement avec le dehors qu'Auroville aura des relations d'argent.", passage extrait d'un groupe de textes sur Auroville mis en ligne sur le site internet http://www.cooptel.qc.ca/~avica/tdm.html [archive]
  55. Ce lien avec le reste du monde se perçoit dans le point 4 de la charte d'Auroville rédigée par Mère en février 1968 : "4.Auroville sera le lieu des recherches matérielles et spirituelles pour donner un corps vivant à une unité humaine concrète."
  56. De ce philosophe traduit en plus de 20 langues, discuté ou cité par Peter Sloterdijk ou Charles Taylor entre autres, on peut lire en français Une brève histoire de tout, Editions de la Mortagne ; les autres livres traduits sont épuisés
  57. Raoul Vaneigem qui emprunte à l'héritage anarchiste paraît souvent plus proche de la pensée politique d'Aurobindo que Ken Wilber particulièrement lorsqu'il voit pleinement les conséquences d'une économie de l'argent sur notre passion créatrice humaine et notre sens de la joie ou jouissance de vivre.
  58. En juin 1970 Le Mère suite à une série de conversations avec des Auroviliens, sur ce que signifiait " être un vrai Aurovilien " répondit ce qui suit : 1.La première nécessité est la découverte intérieure pour savoir ce que l`on est vraiment derrière les apparences sociales, morales, culturelles, raciales, héréditaires. Au centre il y a un être libre, connaissant, qui s`offre à notre découverte et qui doit devenir le centre agissant de notre être et de notre vie à Auroville.[...] 5. Peu à peu, nous sera révélé ce que doit être cette espèce nouvelle, et en attendant, le meilleur est de se consacrer entièrement au divin",passage extrait d'un groupe de textes sur Auroville mis en ligne sur le site internet http://www.cooptel.qc.ca/~avica/tdm.html [archive]
  59. Aurobindo, Savitri, traduction de Satprem, Institut de recherches Evolutives, écrivait déjà livre I, Chant I, p. 26  :
    "Difficile, il est, de persuader la nature terrestre de changer,
    La mortalité supporte mal le toucher de l'éternel,
    Elle craint la pure intolérance divine
    De cet assaut d'éther et de feu,
    Elle murmure contre ce bonheur sans chagrin,
    Presque avec haine, repousse la lumière qu'Il apporte [...]"
  60. Satprem, Le mental des cellules, Robert Laffont, p.176 sq. : " Ils n'avaient plus la patience. Ils grondaient même autour. C'est toute la terre qui grondait. "Je n'ai personne ici." C'était l'ashram de Sri Aurobindo. Et puis, un jour, ils nous ont fermé la porte de Mère. Elle n'avait plus personne avec qui communiquer. [...] Elle était seule avec ses "gardiens". Ce jour-là, ils ont scellé le destin. [...] Mère avait bien prévu la résistance du monde." Laurence de la Baume dans satprem L'homme de l'espoir, Oxus Spiritualités écrit p.87-88 : "[Satprem] était donc seul, au milieu d'une foule hostile qui ne comprenait pas, ou comprenait qu'il en savait trop, qu'il allait déranger la belle affaire "yogique" ou "spirituelle" (une fois de plus) la "nouvelle religion" de Sri Aurobindo et de Mère, qu'ils avaient poussée dans la tombe. [Laurence de la Baume:] - Pourquoi dis-tu qu'ils l'avaient poussée dans la tombe ? [Satprem :] - [...] Mère m'avait raconté avec un étrange sourire : elle avait reçu une lettre de Madame Alexandra David-Néel [...] dans laquelle celle-ci lui prédisait que Mère serait "assassinée par ses propres disciples". [Laure de la Baume :] - Cette hérétique rebelle savait donc que cette poignée de gouvernants, certains de ces grands prêtres impeccables étaient des assassins - bien élevés, bien entendu - sans poignard, mais armés d'un poison murmurant et perfide : [...] "Elle est vieille, elle est vieille...", répétait [Mère] avec cette peine poignante. "On ne veut plus de toi." [...] [Satprem :]-Très vite, nous avons compris qu'il fallait se cacher."
  61. Satprem écrit ainsi dans une lettre du 16 juillet 1998 à Frédéric de Towarnicki avec il avait fait une interview sur France Culture recueillie dans Sept jours en Inde en 1980 : "[...] bien cher, Oui, vous êtes resté très présent dans ma conscience, vivant, et je sens cette vie dans votre courage créateur encore et en dépit de tout, comme si vous étiez là. Peut-être sommes-nous dans ce même « là » qui compte dans la vie, et il n'y a pas trente-six choses ni tant d'êtres, un immense point d'être où tout tient et se tient. C'est très poignant à vivre, et difficile. En vérité je vis une étrange chose, inconnue dans une peau d'homme, et c'est cela qui m'oblige à vous décevoir alors que j'aurais tant aimé vous faire une joie. Je ne peux plus rencontrer « normalement » quiconque, je suis physiquement écrasé par une Puissance inconnue des hommes mais qui est en train de bâtir celui que nous serons." Laurence de la Baume dans son livre Satprem L'homme de l'espoir, Oxus Spiritualités, écrit p.144 : "[Satprem :]- Le corps semble devenir poreux, complètement poreux. Au point que l'on ne peut même pas laisser une lettre cachetée dans la chambre, sans que le corps sente "l'invasion" ou l'intrusion de ce qui est là, et la plupart du temps, presque toujours, il sent l'arrivée de la difficulté ou de la personne quand la lettre est encore au bureau de poste du coin, ou même quand elle touche l'atmosphère du continent où le corps se trouve. On devient d'une vulnérabilité un peu effrayante, et pourtant, il n'y a rien pour "effrayer", il y a cet autre air qui arrange tout. [Laurence de la Baume:] - Moi qui aurais tant aimé te rencontrer Satprem, je commence à me demander si j'ai même bien fait de t'écrire !"
  62. Malgré la mort de son corps, son entourage affirme que cela ne relève plus d'une espérance, ce passage serait accompli lit-on sur le site de l'Institut de Recherche Evolutive fondé par Satprem site ire-miraditi.org [archive]
  63. Aurobindo, dans La Synthèse des yogas, Buchet Chastel, tome 1, p.91-95 écrit : "Le plus sûr chemin de cet accomplissement intégral est de trouver le Maître du secret qui demeure en nous, de nous ouvrir constamment au Pouvoir divin, qui est aussi la Sagesse et l'Amour divins, et de nous en remettre à lui pour effectuer cette conversion. [...]Mais s'il est difficile pour l'homme de croire en quelque chose d'invisible au-dedans de lui, il est facile pour lui de croire en quelque chose qu'il peut imaginer en dehors de lui-même. Le progrès spirituel de la plupart des êtres humains exige un support extérieur, un objet de foi en dehors d'eux. L'homme a besoin d'une image extérieure de Dieu, ou il a besoin d'un représentant humain : Incarnation, Prophète ou Gourou [...]. Le sâdhak du yoga intégral utilisera toutes ces aides suivant sa nature; mais il est nécessaire qu'il évite leurs limitations et qu'il rejette la tendance exclusive du mental égoïste qui proclame : "Mon Dieu, mon Incarnation, mon Prophète, mon Gourou", en les opposant à toutes les autres réalisations dans un esprit sectaire ou fanatique. Tout sectarisme, tout fanatisme, doivent être repoussés, car ils sont incompatibles avec l'intégralité de la réalisation divine. Au contraire, le sâdhak du yoga intégral ne sera pas satisfait tant qu'il n'aura pas inclus tous les autres noms et toutes les autres formes de la Divinité dans sa propre conception, tant qu'il n'aura pas vu son propre Ishta Dévatâ dans tous les autres, pas unifié tous les Avatar dans l'unité de Celui qui descend en l'Avatâr, et fondu la vérité de tous les enseignements dans l'harmonie de la Sagesse éternelle."
  64. Satprem, Sept jours en Inde, Robert Laffont, p.114 écrit : "Et encore, même là, n'est-ce pas, on n'ose rien dire, parce que, à travers ces faux gourous, ces faux spiritualistes, tous ces faussaires aussi, mon dieu, les hommes attrapent ce qu'ils peuvent, et quelquefois, comme dit Mère, on va plus vite au but à travers un diable qu'à travers un dieu. Si on est sincère, eh bien, en dépit du faux gourou, le faux gourou vous mettra en contact avec exactement la chose dont vous avez besoin. Et puis vous irez au-delà." et p.83 il écrit répondant à Towarnicki qui lui demande le rôle d'Aurobindo dans l'ashram : "L'action de celui qui s'appelle le Gourou (enfin) ou le Maître -celui qui a l'expérience-, son action ne se réalise pas tellement (pas toujours en tout cas) par des paroles. [...] Le principal, c'est le pouvoir de rayonnement de l'expérience. [...]Eh bien, la force vivante, elle est là. C'est avec ça qu'il faut entrer en contact. En fait, le vrai travail du disciple, c'est d'établir le contact avec la force ou la puissance d'expérience qui est là. Parce que ce n'est pas quelque chose qui est enfermé dans un corps: ça rayonne, n'est-ce pas, comme l'odeur d'une fleur ou comme un minerai radio-actif. Il faut se mettre en contact avec ça, et laisser ça -ce pouvoir d'expérience- œuvrer ou travailler dans votre propre chair. Ça, ce devrait être l'effort du disciple."
  65. Daniel Roumanoff, Svâmi Prajnânpad, La Table Ronde,tome 1, p.71
  66. Andrew Cohen est un leader spirituel qui par sa revue défend une spiritualité centrée sur l'évolution de la conscience qu'il oppose aux spiritualités traditionnelles qui cherchent une libération vis-à-vis du monde. Certains de ses détracteurs l'accusent de confondre l'aide au discernement de l'obstacle de l'ego chez ses disciples avec une stratégie d'humiliation et d'exploitation au service de sa cause. Malgré ses affirmations contraires, Andrew Cohen n'aurait pas vraiment en vue la libération de l'âme ou la croissance psychique de ses disciples telle qu'elle peut être conçue par sri Aurobindo, conceptions auxquelles il se rattache explicitement. Au final son insistance sur une conscience collective que devrait servir ses disciples montrerait peu d'attention authentique à la créativité humaine et spirituelle individuelle de nombreux de ses disciples. La page du site internet de Kazlev en anglais donnera accès aux diverses critiques sur Andrew Cohen (www.kheper.net [archive])
  67. Éveil&Évolution, n° 4, p.36, p.45 et p.48
  68. Le livre de Satprem La Genèse du surhomme a un chapitre portant ce titre où implicitement il est question de l'idéal d'Auroville. Dans ce chapitre divers critères d'une conscience collective en formation sont évoqués qu'il serait intéressant de confronter avec la tentative d'Andrew Cohen et de ses disciples. On peut lire ce passage sur ce site [1] [archive]
  69. Satprem, La Vie sans mort, Robert Laffont, p.116, écrit : "Satprem n'est qu'un aspirant parmi d'autres et, avec ou sans lui, l'œuvre se fera et un premier échantillon terrestre naîtra inévitablement à la vie divine". Par ailleurs, dans Métaphysique et psychologie, textes groupés par Jean Herbert, Albin Michel Spiritualités vivantes, p.70, § 202, sri Aurobindo écrit : "La création fut à jamais, est à jamais et à jamais sera. L'Eternel, l'Infini, l'Un est le moyen terme magique de Sa propre existence ; c'est Lui qui est la création sans commencement et sans fin". Dans l'Agenda, Mirra Alfassa dit Mère reprend cette thématique en disant que l'être supramental ne sera pas le terme de l'évolution.
  70. Satprem, La Vie sans mort, Robert Laffont, p.1 : "Ce n'est pas du cancer qu'il faut guérir, c'est de la mort."
  71. Satprem, Sept jours en Inde, Robert Laffont, p.187
  72. Sri Aurobindo, Métaphysique et psychologie, textes groupés par Jean Herbert, p.187, § 824.
  73. Sri Aurobindo, L'Idéal de l'unité humaine, Buchet Chastel, p.89
  74. On trouvera les critiques en anglais de Wilber par Kazlev sur le site suivant : [2] [archive].
  75. On trouvera la critique de Rod Hemsell en anglais qui est par ailleurs un familier d'Auroville sur le site internet suivant: [3] [archive].
  76. En français sur ce débat entre Aurobindo et Wilber on peut consulter cet article pro Aurobindo[4] [archive]
  77. Times of India [archive]

Publications

  • Le Guide du yoga, éd. Albin Michel (2007)
  • La Vie divine, (4 volumes), éd. Albin Michel (1973)
  • Métaphysique et Psychologie, éd. Albin Michel (1988)
  • La Pratique du yoga intégral, éd. Albin Michel (1987)
  • De la Grèce à l'Inde, éd. Albin Michel (1976)
  • Trois Upanishads (Ishâ, Kena, Mundaka), éd. Albin Michel (1972)
  • La Bhagavad Gitâ, éd. Albin Michel (1970)
  • L'Idéal de l'unité humaine, éd. Buchet/Chastel
  • Lettres sur le yoga, 6 tomes, éd. Buchet/Chastel
  • La Synthèse des Yoga - Tome 1 : Le Yoga des œuvres, éd. Buchet/Chastel
  • La Synthèse des Yoga - Tome 2 : Le Yoga de la connaissance intégrale, le Yoga de l'amour divin, éd. Buchet/Chastel
  • La Synthèse des Yoga - Tome 3 : Le Yoga de la perfection de Soi, éd. Buchet/Chastel
  • Pensées et aphorismes, 2 tomes, éd. Buchet Chastel.
  • Le Cycle humain éd. Buchet/Chastel
  • La manifestation supramentale sur la terre, éd. Buchet/Chastel
  • L'Idéal de l'unité humaine, éd. Buchet/Chastel
  • Savitri (poème mystique et épique en plusieurs chants)
  • Conversations avec Pavitra
  • Jours de prison, 1975, Éditions Sri Aurobindo Ashram, Pondichéry.

Eléments biographiques

  • Satprem, Sri Aurobindo ou l'aventure de la conscience, Buchet-Chastel, Paris, 2003. Première édition : 1964.
  • Prithwindra Mukherjee, Sri Aurobindo, Desclée de Brouwer, Paris, 2000.
  • Peter Heehs, La Vie de Sri Aurobindo, Éditions du Rocher, Monaco, 2003.
  • Richard Kitaeff, "Sri Aurobindo", in Nouvelles Clés, no 62, p. 58-61.

Articles connexes

Disciples de Sri Aurobindo et de Mère

Liens externes

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