vendredi 22 septembre 2023

FOI ET VOIE ENSOLEILLEE SELON SRI AUROBINDO



La paix était la toute première chose que demandaient les yogis et les chercheurs d'autrefois et ils déclaraient qu'un mental tranquille et silencieux — qui amène toujours la paix — est le meilleur état pour réaliser le Divin. Un cœur joyeux et ensoleillé est le réceptacle approprié de l'Ânanda et qui dira que l'Ânanda — ou ce qui le prépare — est un obstacle à l'Union divine ? Quant au découragement, c'est nul doute un terrible fardeau à porter tout au long du voyage. On doit quelquefois en passer par là, comme le Christian du Voyage du Pèlerin lorsqu'il traverse le Marécage du Découragement, mais s'il se répète sans cesse il ne peut être qu'un obstacle. La Guîtâ dit en particulier: "Pratique le yoga avec un cœur libre de tout découragement — anirviṇṇacetasā." Je sais très bien que la peine, la souffrance, la lutte, les accès de désespoir sont naturels (bien qu'ils ne soient pas inévitables sur le chemin) non parce qu'ils nous aident, mais parce qu'ils nous sont imposés par l'obscurité de notre nature humaine d'où nous devons nous extraire par la lutte pour aller vers la Lumière. [...] Quoi qu'il en soit, Râmakrishna racontait la fable de Nârada, du yogi ascète et du bhakta vishnouïte et en approuvait la moralité. Je l'exprime dans mon propre langage en en conservant la substance:


Nârada, en route vers Vaïkountha, rencontra un yogi qui pratiquait une dure tapasyâ sur les collines. "Ô Nârada, s'écria le yogi, tu vas à Vaïkountha et tu verras Vishnou. J'ai toute ma vie pratiqué de terribles austérités et pourtant jusqu'à présent, je ne suis pas arrivé jusqu'à Lui. Demande-lui au moins de ma part quand je l'atteindrai. " Puis Nârada rencontra un vishnouïte, un bhakta qui chantait des chansons à Hari et dansait au rythme de son chant, et qui s'écria lui aussi: "Ô Nârada, tu verras mon Seigneur Hari. Demande-lui quand je l'atteindrai et verrai son visage." Sur le chemin du retour, Nârada rencontra d'abord le yogi. "J'ai posé ta question à Vishnou, dit le sage. Tu le réaliseras au bout de six autres vies. " Le yogi se mit à crier et à se lamenter: "Quoi ! tant d'austérités ! Des efforts si gigantesques ! Et le Seigneur Vishnou est si dur envers moi !" Puis Nârada rencontra de nouveau le bhakta et lui dit: "Je n'ai pas de bonnes nouvelles pour toi. Tu verras le Seigneur, mais seulement au bout de cent mille vies." Mais le bhakta bondit avec un grand cri d'allégresse: "Oh, je verrai mon Seigneur Hari ! Dans cent mille vies je verrai mon Seigneur Hari ! Hari est grand ! Grande est la Grâce du Seigneur !" Et il se mit à danser et à chanter dans une extase redoublée. Alors Nârada lui dit: "Tu es arrivé. Aujourd'hui tu verras le Seigneur."


Eh bien, vous pouvez dire: "Quelle histoire bizarre et comme elle est contraire à la nature humaine !" Pas si contraire qu'il y paraît, et en tout cas à peine plus déraisonnable que les histoires de Harishchandra et Shivi. Je ne donne pourtant pas le bhakta en exemple, car je soutiens pour ma part que la réalisation peut être obtenue dans cette vie-ci, non au bout de six vies ou de cent mille. Mais l'intérêt de ces fables réside dans la moralité et quand Râmakrishna racontait celle-ci, il n'ignorait certes pas l'existence d'un sentier ensoleillé du yoga. Il semble même qu'il ait dit que c'était la voie la plus rapide et aussi la meilleure. La possibilité d'un sentier ensoleillé n'est donc pas une découverte ou une invention originale de ma part. Les tout premiers livres que j'ai lus sur le yoga voilà plus de trente ans parlaient d'un chemin obscur et d'un chemin ensoleillé et soulignaient la supériorité du second sur le premier.