CE QUE KEN WILBER DIT DE CETTE CONFRONTATION.
On
notera que Ken Wilber n'oublie jamais de mentionner Sri Aurobindo parmi
ceux qui nourrissent le mouvement intégral. Dans ses schémas de
développement de la conscience Ken Wilber reprend clairement les termes
d'overmind (surmental) et de supramental. Ken Wilber laisse bien ouverte
la perspective d'une évolution au-delà du mental et donc de ce qui
caractérise notre humanité.
Mais
Ken Wilber laisse sous-entendre qu'il a une vision plus claire que Sri
Aurobindo du point de vue de ses quadrants extérieurs et collectifs. Il
est vrai que l'évolution des mentalités chez Ken Wilber a été nourrie
des travaux de Clare Graves ou de Don Beck renforcés par ceux de Piaget
ou d'autres psychologues qui permettent de faire un parallèle entre
développement culturel et développement psychique de l'enfant.
LA MECONNAISSANCE DE LA THEORIE DU DEVELOPPEMENT DE SRI AUROBINDO PAR KEN WILBER.
Sri Aurobindo a deux façons de considérer le développement humain et non pas une.
1
- Celle qui se rapproche de Ken Wilber est celle qui envisage un
développement culturel en fonction de la taille des groupes humains :
famille, tribu, ethnie, nation, fédération international comprenant des
figures intermédiaires comme les empires, les royaumes, etc. qui
préfiguraient ce qui se dessine. Bien sûr chaque échelle fonctionne
suivant une certaine mentalité.
2- La deuxième à la fois se rapproche de celle de Wilber mais aussi s'en détache.
Ce schéma de Ken Wilber suggère que il existe des catégories d'éveil liés à différents niveaux de développement mental qu'il soit individuel puisque chacun en grandissant traverse ces étapes ou social puisque les diverses communautés ont un centre de gravité à une échelle ou l'autre de ce développement ascendant. Il y a là un point d'accord important avec les thèses de Sri Aurobindo (ou l'expérience dont il témoigne si l'on veut être précis). En effet pour Sri Aurobindo, le Nirvana peut être réalisé sur différents plans de développement qu'ils soient d'ordre vital (prémental), d'ordre mental ou surmental (intuitif). Cet éveil au Nirvana, qui en quelque sorte déréalise les phénomènes n'est pas un éveil évolutif proprement dit. On conviendra qu'un éveil évolutif nous donnerait la clé spirituelle permettant une ascension verticale des niveaux de développement dans un état de conscience non duelle. D'où le schéma que j'ai proposé en illustrant les niveaux grossiers (naturel), subtil, causal et non duel du point de vue de la vision sans tête:
Dans ce schéma, il y aurait un facteur d'éveil dans les subtilités de l'état non duel qui oeuvrerait à l'évolution des degrés de développement. On peut peut-être représenter ce facteur ainsi du point de vue de Wilber :
Et c'est sur ce point qui reste imprécis chez Ken Wilber hormis la référence à un Eros, un Telos que Sri Aurobindo nous apporte des lumières de sa propre expérience.
Mais les schémas précédents traduisent fort mal voire trahissent la vision développementale que propose Sri Aurobindo. En effet cette vision se propose d'intégrer la vision traditionnelle d'une forme de décadence des époques telle qu'on la trouve dans les textes hindous ou telle qu'un Guénon l'a formulée. Elle propose si on la traduit au niveau développemental individuel d'expliquer comment le regard si pur et si dénué de dualité du bébé se perd dans une forme d'égocentrisme lorsque se produit la mentalisation de la conscience de l'enfant. La vision développementale de Sri Aurobindo implique alors des critiques sur la vision du développement de l'enfant à l'adulte qu'a développé Ken Wilber autant qu'en ce qui concerne celui des mentalités sociales.
A ce propos ne négligeons pas les textes de Sri Aurobindo sur l'éducation qui nous donnent des indications précises sur sa théorie du développement de l'enfant et qui met toujours en jeu l'âme et l'oeuvre de descente de la Mère (ou Esprit du Monde si l'on veut préciser un peu ce que désigne le Principe Mère chez Sri Aurobindo).
Ce schéma de Ken Wilber suggère que il existe des catégories d'éveil liés à différents niveaux de développement mental qu'il soit individuel puisque chacun en grandissant traverse ces étapes ou social puisque les diverses communautés ont un centre de gravité à une échelle ou l'autre de ce développement ascendant. Il y a là un point d'accord important avec les thèses de Sri Aurobindo (ou l'expérience dont il témoigne si l'on veut être précis). En effet pour Sri Aurobindo, le Nirvana peut être réalisé sur différents plans de développement qu'ils soient d'ordre vital (prémental), d'ordre mental ou surmental (intuitif). Cet éveil au Nirvana, qui en quelque sorte déréalise les phénomènes n'est pas un éveil évolutif proprement dit. On conviendra qu'un éveil évolutif nous donnerait la clé spirituelle permettant une ascension verticale des niveaux de développement dans un état de conscience non duelle. D'où le schéma que j'ai proposé en illustrant les niveaux grossiers (naturel), subtil, causal et non duel du point de vue de la vision sans tête:
Dans ce schéma, il y aurait un facteur d'éveil dans les subtilités de l'état non duel qui oeuvrerait à l'évolution des degrés de développement. On peut peut-être représenter ce facteur ainsi du point de vue de Wilber :
Et c'est sur ce point qui reste imprécis chez Ken Wilber hormis la référence à un Eros, un Telos que Sri Aurobindo nous apporte des lumières de sa propre expérience.
Mais les schémas précédents traduisent fort mal voire trahissent la vision développementale que propose Sri Aurobindo. En effet cette vision se propose d'intégrer la vision traditionnelle d'une forme de décadence des époques telle qu'on la trouve dans les textes hindous ou telle qu'un Guénon l'a formulée. Elle propose si on la traduit au niveau développemental individuel d'expliquer comment le regard si pur et si dénué de dualité du bébé se perd dans une forme d'égocentrisme lorsque se produit la mentalisation de la conscience de l'enfant. La vision développementale de Sri Aurobindo implique alors des critiques sur la vision du développement de l'enfant à l'adulte qu'a développé Ken Wilber autant qu'en ce qui concerne celui des mentalités sociales.
A ce propos ne négligeons pas les textes de Sri Aurobindo sur l'éducation qui nous donnent des indications précises sur sa théorie du développement de l'enfant et qui met toujours en jeu l'âme et l'oeuvre de descente de la Mère (ou Esprit du Monde si l'on veut préciser un peu ce que désigne le Principe Mère chez Sri Aurobindo).
Grosso
modo, le mental apparaît dans la conscience sous un mode symbolique qui
dans sa vigueur intuitive permet à quelques uns d'atteindre le
surmental voire de prendre contact avec le supramental. C'est la thèse
de Sri Aurobindo à propos des Védas. Les pionniers en Egypte aurait
aussi approcher une expérience surmentale. Ces dernières années la
psychologie de l'enfant a montré que ceux-ci intuitionnaient par exemple
le concept d'oiseau distinct du concept d'avion avant même de
distinguer clairement une pie et un corbeau : à vrai dire parler de
concept en ce qui concerne l'enfant est imprécis car il ne s'agit pas
encore d'un mot mais d'un symbole intérieur. Un
Stephen Jourdain évoquait aussi à ce sujet un retour à l'enfance où il
y a un vécu direct des essences dont la magie symbolique nous échappe
une fois la mentalisation arrivée à l'âge adulte dans la mesure où elle a
pu mettre en place l'illusion psychologique de l'ego.
Au niveau développemental de l'enfant, il y a l'idée que l'être psychique (l'âme en croissance, l'authentique principe de singularisation de la conscience) qui de vie en vie assure l'évolution dans son processus d'individualisation est présent autant à l'aube de l'humanité qu'à l'aube de l'enfance mais que l'expérience mentale augmentant cette pureté de départ s'étiole. Si on en revient à l'évolution sociale, comme le suggère Le cycle humain de Sri Aurobindo, la force intuitive de la pensée symbolique se serait de plus en plus sclérosée dans une société conservatrice et prisonnière des conventions qui lui avaient donné un certain équilibre harmonieux.
Pour Sri Aurobindo le système social qui avait été holarchique (au sens de Wilber) est alors peu à peu devenu hiérarchique. L'âge typal est une première étape dans cette évolution : il fige des castes même si leurs membres sont tous considérés encore d'une même dignité et que certaines sociétés mettaient encore en valeur le lien entre naturel spirituel et caste. Le cycle Humain paraît très clair à ce niveau. A vrai dire si la vision de Sri Aurobindo est juste et si comme nous le croyons il décrit la dégénérescence d'un système holarchique, la pensée de Ken Wilber qui pointe la nécessité d'un système holarchique social peut en être quelque peu ébranlée.
Au niveau développemental de l'enfant, il y a l'idée que l'être psychique (l'âme en croissance, l'authentique principe de singularisation de la conscience) qui de vie en vie assure l'évolution dans son processus d'individualisation est présent autant à l'aube de l'humanité qu'à l'aube de l'enfance mais que l'expérience mentale augmentant cette pureté de départ s'étiole. Si on en revient à l'évolution sociale, comme le suggère Le cycle humain de Sri Aurobindo, la force intuitive de la pensée symbolique se serait de plus en plus sclérosée dans une société conservatrice et prisonnière des conventions qui lui avaient donné un certain équilibre harmonieux.
Pour Sri Aurobindo le système social qui avait été holarchique (au sens de Wilber) est alors peu à peu devenu hiérarchique. L'âge typal est une première étape dans cette évolution : il fige des castes même si leurs membres sont tous considérés encore d'une même dignité et que certaines sociétés mettaient encore en valeur le lien entre naturel spirituel et caste. Le cycle Humain paraît très clair à ce niveau. A vrai dire si la vision de Sri Aurobindo est juste et si comme nous le croyons il décrit la dégénérescence d'un système holarchique, la pensée de Ken Wilber qui pointe la nécessité d'un système holarchique social peut en être quelque peu ébranlée.
Pour
Sri Aurobindo, la raison est le rempart à la dérive traditionnaliste et
à son effritement féodal quand déjà le pouvoir réel n'appartient plus à
des chercheurs spirituels mais à des gardiens de dogmes et en général
aux hommes d'armes. Là encore nouvel écart avec Ken Wilber et la spirale
dynamique. Le stade égocentrique guerrier ne suivrait pas alors le
stade tribal qui serait plutôt un stade héroïque et produisant la pensée
symbolique la plus raffinée par l'union en cités et en royaume.
Considérer un soi-disant stade égocentrique guerrier de l'enfant serait
plutôt notre projection négative sur lui alors que lui doit passer par
un stade héroïque où il doit dire non au risque de perdre son confort.
Le fameux "stade du non" si on suit Sri Aurobindo et ses disciples ne
serait peut-être pas celui de la constitution de l'égocentrisme si on
veut bien y voir l'impulsion vitale du processus d'individualisation
comme singularisation. Cet héroïsme qui interrompt la bonne marche du
mimétisme qui jusque là prédomine est un passage décisif si on veut que l'âme ou l'être psychique de
l'enfant demeure en avant. Ce serait plutôt notre incapacité d'entendre
ce "non" qui se transformant en violence éducative au lieu et place
d'une éducation amenant à une compréhension juste de conventions
sociales respectueuses de la singularité des enfants produit des êtres à
leur tour violent et développant une agressivité égocentrique. On sait
maintenant que dans la cours d'école ou même la crèche celui qui a été
frappé frappe, que celui qui a blessé psychiquement blesse, etc. sauf
exception.
A
vrai dire le processus d'individualisation n'a pas chez Ken Wilber une
dimension ontologique comme chez Sri Aurobindo. Chez Sri Aurobindo, il y
a une dimension de singularité préexistante qui s'individualise
derrière l'apparente individualisation dans la manifestation qu'est
l'ego : ceci n'a pas de réel équivalent chez Ken Wilber car cette
conception implique certaines pratiques dont il n'est guère question
dans les théories développementales de Ken Wilber. D'ailleurs cette
ignorance conduit à produire des kits d'éveil évolutif qui seraient
pertinents pour tous comme n'importe quel produit de consommation
standard. Pour Sri Aurobindo, le féodalisme est l'aboutissement du
traditionalisme et de l'affaiblissement de la recherche spirituelle
ouverte et non pas le fait d'une mentalité centrée sur l'affirmation
guerrière de soi. D'ailleurs l'importance de l'honneur est typique du
féodalisme et elle n'est guère une valeur égocentrique au sens
individualiste. A vrai dire le vital du guerrier est plus large dans ses
possibilités que le vital étriqué du prêtre traditionaliste. Le
déséquilibre du guerrier féodal va réveiller la voie spirituelle du
coeur.
Mais
le coeur peut être fanatique même quand il relativise la rudesse de
l'honneur. La raison est donc un sursaut dans le cercle de l'histoire
mental : l'individu grâce à l'universel peut de nouveau être sa propre
autorité et reprendre ses droits contre le féodalisme et les tendances
fanatiques issues du traditionalisme. Ici nous avons un point de
recoupement et d'accord entre Sri Aurobindo et Ken Wilber.
Mais
ce qui suit ce stade consacre de nouveau une rupture entre les deux
approches. Pour Sri Aurobindo, la raison n'est pas encore la
subjectivisation qui va marquer le romantisme ou l'art de vivre moderne
du XIXème plus encore que les Lumières ou le rationnalisme du XVIIème.
Le mental subjectiviste permet alors une expression d'une identité non
pas seulement à valeur universelle mais à consonance individualisante.
Là
se présente le risque identitaire dont le XXème siècle a finalement été
le témoin dramatique et dont la menace dans les urnes semble
persistante en ce début de XXIème siècle. Là où Ken Wilber ou d'autres
défenseurs de la spirale dynamique expliquent les catastrophes nazies ou
nationalistes comme des retours à la prémodernité, Sri Aurobindo pointe
un danger différentialiste inhérent à ce qu'on peut appeler une forme
de post-modernité vitaliste (La post-modernité est entendue ici comme
subjectivisation et non comme relativisme suite à la disparition de la
domination des grands récits au sens de la spirale dynamique
wilberienne). La majorité morale américaine ou le Tea Party aux USA ou
en France Le FN et les gens de droite ou de gauche qui en partagent de
nombreuses lignes représentent aujourd'hui ce danger.
Et
donc c'est la spiritualisation du subjectivisme (individuel et social)
qui pourra éviter les dangers de la subjectivisation égocentrique, voire
égoïste ou agressive. Si on veut bien regarder le développement des
individus on verra que l'acquisition de la raison est globalement
satisfaisante jusqu'à l'adolescence mais qu'alors commence un processus
de subjectivisation dans nos sociétés postmodernes qui parfois ne trouve
aucune issue spirituelle.
Pour
Sri Aurobindo la démocratie elle-même qui est le système politique de
cette mentalité de la subjectivisation se trouve prise dans une crise de
croissance qui ne pourrait avoir une issue qu'avec une forme
d'anarchisme mystique.
Il
envisage comme une dialectique entre des visions collectivistes (de
droite communautariste voire fasciste et de gauche communiste ou
socialiste) et individualistes (de droite ultralibérale et de gauche
libérale) de la démocratie qui n'auront de satisfaction dans leurs
exigences légitimes qu'avec un anarchisme mystique. L'ashram
fonctionnait d'ailleurs en ce sens au niveau matériel puisque tout était
mis en commun et redistribué en fonction des besoin de chacun. A
auroville qui n'était pas autosuffisante économiquement, Mère a invité
tout de même fortement à relativiser dans le même sens 1'importance de
l'argent. Toute cette dialectique économique qui vise à passer d'une
société centré sur l'avoir à une société centrée sur l'être semble
étrangère à Wilber et ses soutiens majeurs américains dans le champ
spirituel. On a souvent l'impression que la réussite matérielle est la
base de la réussite spirituelle dans le mouvement intégral versus
Wilber. A Auroville ou à l'ashram de Sri Aurobindo, cette réussite
matérielle n'a jamais été aussi au centre. Wilber est-il conscient qu'il
fait de la réussite matérielle est garante de l'intégration de la
mentalité moderne ? Cette inconscience montre sa non intégration des
idées de la gauche la plus radicale. A vrai dire, il est prisonnier ou
victime des préjugés américains de base tels que Weber les a décrit dans
L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme où au fond la réussite matérielle garantit la valeur spirituelle d'une entreprise.
Rares
aux USA ceux qui échappent à ce préjugés. En Europe, la pensée de la
gauche radicale a assez souvent été proche d'une certaine recherche
spirituelle : en France, on évoquera Del
Vasto disciple de Ghandi chantre de la frugalité et inspirateur de
nombreux gaucho-écologistes, Emmanuel Mounnier, Jacques Ellul chrétiens
proches d'une gauche libertaire, et plus loin en arrière Jaurès disciple
secret de Pierre Leroux, vraisemblablement le premier intégraliste
complet (le premier à penser une spiritualité intégrale non religieuse
car au-delà de la confrontation de diverses religions) ou encore
Jean-Jacques Rousseau...
Certes
Sri Aurobindo et ses disciples seraient d'accord avec Ken Wilber et
certains de ses défenseurs pour dire que il y a égale dignité mais
inégalité spirituelle. Mais cette inégalité spirituelle ne sera
pleinement claire que du point de vue d'une spiritualité poursuivant un
processus d'individualisation abouti. En fait cette évidence de
l'inégalité spirituelle ne sera pas contraire à une politique
démocratique radicale. La différence spirituelle ne mettra pas en jeu
l'appropriation, la reconnaissance ou la reproduction mais l'évolution
biologique elle-même. D'ailleurs dans l'ashram de Sri Aurobindo tout le
monde était égal avant 1926. Au départ Sri Aurobindo et Mère n'avaient
pas plus de pouvoir décisionnel et de reconnaissance que les autres dans
ce qui était avant tout un laboratoire de l'évolution. Ce n'est que
l'écart de plus en plus évident pour tous dans l'évolution qui avait
conféré un statut spécial à Sri Aurobindo et Mère. Mais ceci dit Mère ou
Sri Aurobindo donnaient des conseils et des avis plus que des ordres
intransigeants. Ils ne mettaient pas en avant la voie du gourou. Ils demandaient à leurs disciples de ne pas adorer mais d'évoluer
en s'appuyant sur le besoin d'être de leur âme qui doit s'arracher à
l'ego et se mettre en avant à travers lui et qui selon eux est
précisément le véhicule de l'évolution. Leur intransigeance ne devenait
saillante que lorsque il y avait totale insincérité. Auroville qui a été
fondée du vivant de Mère est clairement démocratique même si elle n'est
pa encore une anarchie mystique.
Ainsi
tout se jouait et se joue certainement pour la majorité d'entre nous
entre subjectivisation et spiritualité tant au niveau de notre
développement individuel qu'au niveau social et politique. En
l'état Ken Wilber est semble-t-il étranger à la psychisation, à la
prise de conscience de l'âme individuelle qui évolue au niveau mental
qui selon Sri Aurobindo et ses disciples serait la condition préalable à
une spiritualisation fiable tant au niveau individuel que collectif.
LES DIFFERENCES ENTRE WILBER ET SRI AUROBINDO CONCERNANT L'EVOLUTION DE LA CONSCIENCE AU-DELA DE LA SPIRITUALISATION.
Les
grandes différences d'accent développemental entre Wilber et Sri
Aurobindo ne sont pas seulement au niveau individuel et collectif. Elles
touchent au statut du rapport entre ce que Wilber nomme l'intérieur et
l'extérieur dans ses quadrants.
Pour
Sri Aurobindo et ses disciples, "Tout est conscience" (j'ai mis un
extrait éloquent sur ce point dans un commentaire de ce post). Ce qui
nous semble un point de vue extérieur est dû à une connaissance mentale
indirecte et non à une conscience directe. L'évolution de la conscience
se caractérise par une intériorisation de ce qui n'était qu'extérieur.
Ainsi
celui qui avancera sur le chemin de l'évolution distinguera de moins en
moins de frontière entre son évolution et celle de toute l'humanité,
entre son évolution biologique et l'évolution de la matière, etc. La
connaissance par identité qui s'élargit de plus en plus abolit les
frontières entre individuel et universel, entre intérieur et extérieur.
De ce point de vue certaines interprétations des quatre quadrants de Wilber risquent de faire manquer la cosmicisation par intériorisation et le fondamental "TOUT est conscience".
A propos de "TOUT EST CONSCIENCE", dans ses Lettres sur le yoga, Partie 1 - Section 5, Plans et parties de l'être, Sous-section 1: La Conscience, Sri Aurobindo écrit:
"C'est donc cela la conscience: elle n'est pas composée de parties, elle est le fondement de l'être et donne elle-même une forme à toutes les parties qu'elle choisit de manifester, en les élaborant depuis le haut vers le bas dans une descente progressive depuis les niveaux spirituels vers l'involution dans la Matière, ou en leur donnant une forme au premier plan, dans un mouvement ascendant, par ce que nous appelons l'évolution. Si elle choisit de travailler en vous à travers le sentiment de l'ego, vous pensez que c'est le "je" clairement délimité qui fait tout; si elle commence à se libérer de ce fonctionnement limité, vous commencez à étendre votre sentiment du "je" jusqu'à ce qu'il éclate pour devenir infini et n'existe plus, ou vous vous en dépouillez et vous vous épanouissez pour devenir une immensité spirituelle. Évidemment, ce n'est pas là ce que la pensée matérialiste moderne appelle conscience, parce que cette pensée est assujettie à la science et ne voit la conscience que comme un phénomène qui émerge de la Matière inconsciente et qui consiste en certaines réactions de l'organisme aux objets extérieurs. Mais cela, c'est un phénomène de conscience, ce n'est pas la conscience elle-même, ce n'est même qu'une très petite partie de tous les phénomènes possibles de conscience, et cela ne peut donner aucune indication sur la Conscience, cette Réalité qui est l'essence même de l'existence.
C'est tout pour le moment. Il faudra que vous vous arrêtiez là-dessus - car c'est fondamental - avant qu'il soit utile d'aller plus loin."
A propos de "TOUT EST CONSCIENCE", dans ses Lettres sur le yoga, Partie 1 - Section 5, Plans et parties de l'être, Sous-section 1: La Conscience, Sri Aurobindo écrit:
"C'est donc cela la conscience: elle n'est pas composée de parties, elle est le fondement de l'être et donne elle-même une forme à toutes les parties qu'elle choisit de manifester, en les élaborant depuis le haut vers le bas dans une descente progressive depuis les niveaux spirituels vers l'involution dans la Matière, ou en leur donnant une forme au premier plan, dans un mouvement ascendant, par ce que nous appelons l'évolution. Si elle choisit de travailler en vous à travers le sentiment de l'ego, vous pensez que c'est le "je" clairement délimité qui fait tout; si elle commence à se libérer de ce fonctionnement limité, vous commencez à étendre votre sentiment du "je" jusqu'à ce qu'il éclate pour devenir infini et n'existe plus, ou vous vous en dépouillez et vous vous épanouissez pour devenir une immensité spirituelle. Évidemment, ce n'est pas là ce que la pensée matérialiste moderne appelle conscience, parce que cette pensée est assujettie à la science et ne voit la conscience que comme un phénomène qui émerge de la Matière inconsciente et qui consiste en certaines réactions de l'organisme aux objets extérieurs. Mais cela, c'est un phénomène de conscience, ce n'est pas la conscience elle-même, ce n'est même qu'une très petite partie de tous les phénomènes possibles de conscience, et cela ne peut donner aucune indication sur la Conscience, cette Réalité qui est l'essence même de l'existence.
C'est tout pour le moment. Il faudra que vous vous arrêtiez là-dessus - car c'est fondamental - avant qu'il soit utile d'aller plus loin."
A
vrai dire le quadrant fournit une interprétation de l'évolution de
conscience, toutefois Wilber s'inscrit dans ce qu'il appelle la
postmétaphysique et n'absolutise pas ses quadrants. Car il juge qu'une
expérience de conscience n'existe que relativement à une interprétation.
A vrai dire puisque le contexte d'interprétation dit autant la valeur
de l'expérience que l'expérience elle-même, comment dès lors penser une
expérience de conscience surpramentale, c'est-à-dire l'existence d'un
niveau de conscience au-delà du mental ? Si vraiment un être a une
action dans le monde par-delà le mental, comment le contexte
d'interprétation mental compterait-il encore ? La théorie de Wilber même
si elle s'ouvre à un au-delà de l'homme en évoquant le supramental
manque de cohérence. Cela ne signifie-t-il pas que Ken Wilber n'a jamais
eu le moindre aperçu d'une conscience supramentale dans son expérience
spirituelle ? Car un tel aperçu relativiserait le niveau de conscience
mentale. A vrai dire le silence mental serait sans doute nécessaire pour s'avancer plus avant dans ce nouveau niveau de conscience
et s'il y a une considération mentale qui demeure ce serait comme un
commentaire lointain, une expression incomplète de ce qui resterait
largement en dehors de sa compétence.
Wilber
et sa postmétaphysique ne sont pas accordables en l'état à la fameuse
citation de Sri Aurobindo : "Le supramental s'expliquera de lui-même".
Son art de penser n'est donc pas en l'état perméable à un surmental voire à un supramental. Nous avons tenté de concevoir un art de penser qui ne soit pas étanche à la venue s'un supramental dans un post précédent : Pensée totalisante et art de penser intégral.
Son art de penser n'est donc pas en l'état perméable à un surmental voire à un supramental. Nous avons tenté de concevoir un art de penser qui ne soit pas étanche à la venue s'un supramental dans un post précédent : Pensée totalisante et art de penser intégral.
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