mercredi 31 juillet 2024

Sur la sensibilité artistique dans le yoga intégral de Sri Aurobindo et Mère.




Aspiration à la lumière - Tableau de Niranjan Guha Roy



Une œuvre d'art ou un spectacle exprime une certaine conscience. Elle se produit en allant puiser à divers niveaux de conscience. 

L'artiste, qui obéit à une commande ou qui veut une audience, va souvent malheureusement puiser au seul niveau de conscience du public qu'il veut voir se mobiliser, à la fois ceux qu'il enthousiasmera, ceux qu'il choquera et ceux qui jugeront que ces réactions traduisent des valeurs négatives. Ainsi juger satanique un spectacle ou une œuvre d'art parait un raccourci. 

Tout d'abord, c'est se mobiliser autour de l'œuvre. Duchamp avec sa Fontaine et ses ready-made a réduit le geste artistique à ce seul geste de provocation. Par ailleurs, les forces hostiles à toute nouvelle conscience et donc à toute création véritable ne veulent surtout pas qu'on réalise que toute production mentale est quelque part une fiction. Une caractéristique du mensonge est de faire passer une fiction pour vraie. Or le préambule de toute production artistique est qu'il s'agit d'une fiction sinon c'est de la propagande et de la publicité !

Ne juger une œuvre d'art que sur le mode de ce que vaut une propagande ou une publicité, c'est oublier son préambule : c'est un spectacle fictif, une production artistique fictive. Le mensonge est alors actif en nous, il est de croire que tout ce qui est exprimé vaut acte, que tout ce qui est ressenti est dû à ce qui est contemplé. Une œuvre d'art est artistique non par les valeurs morales et spirituelles qu'immanquablement elle véhicule, mais par la figuration du pouvoir créateur dont elle est l'expression et la trace. Et c'est là qu'il y a divers niveaux de conscience à l'œuvre. 

Il est important de laisser s'exprimer la liberté artistique : cela garantit la libre recherche de la vie intérieure créatrice ; manipuler toute fiction comme fiction, entrer dans son jeu sans oublier que c'est une fiction, permet de d'ailleurs mieux voir en nous ce qui agit. La sensibilité artistique est de sentir ou de pressentir la nature du pouvoir producteur ou créateur à l'œuvre. Et elle est le fruit d'une aspiration à des flux créateurs plus divins, plus créateurs par là-même. Elle est l'émanation du sens du jeu divin de la manifestation, de la Lila, disent les sages de l'Inde.

Il y a des œuvres d'art qui facilitent le développement de cette sensibilité. De quelles fictions je me nourris ? Quand je regarde de bout en bout une fiction et critique cette fiction comme satanique, où est passé mon ouverture au geste créateur constitutif de la sensibilité artistique ? Quand cette sensibilité grandit, on ne s'embarrasse pas de ce qui ne la touche pas. 

Par exemple, Mère estimait que la destruction des canons esthétiques par l'art moderne, les sacrilèges fictifs contre le beau d'alors, n'était pas un rabaissement de la conscience, mais un prélude à une expression artistique d'une conscience nouvelle. Sri Aurobindo notait que, parmi ses disciples, il y avait beaucoup d'artistes ou que certains entrant sur cette voie le devenaient. La musique de Mère, la poésie et le style de Sri Aurobindo nourrissent la sensibilité pour qui sait le voir à un degré peu encore perçu par l'art mainstream. Parmi les disciples de Sri Aurobindo et Mère, le génie littéraire de Satprem est évident. Pour moi, Niranjan Guha Roy est un autre aventurier de la conscience nouvelle que Sri Aurobindo et Mère ont commencé à incarner, qui a des créations musicales, poétiques et picturales nourrissantes sur cette voie d'un yoga intégral attentif à la beauté.


Serge



Fais de la Beauté ton constant idéal.

La beauté de l’âme

la beauté des pensées

la beauté des sentiments

la beauté de l’action

la beauté dans le travail,

que rien ne sorte de tes mains qui ne soit une expression de beauté pure et harmonieuse.

Et l’aide divine sera toujours avec toi.



Douce Mère


21 janvier 1963



Œuvre de Niranjan Guha Roy




mardi 30 juillet 2024

EFFORT ET AUTEUR DE L'ACTION DANS LE YOGA INTEGRAL DE SRI AUROBINDO ET MERE


Être et Devenir sont un dans le yoga intégral de Sri Aurobindo et Mère : il ne s'agit pas de devenir inactif, indolent. Ici ce n'est pas un éveil pour paresseux. 

Se laisser-Être, s'abandonner et se soumettre à ce qui s'harmonise en Devenir, ce n'est pas un laisser-faire !

 Au nom du laisser-Être, l'erreur serait de laisser-faire en nous les mouvements égocentriques qui demeurent. Même quand la Paix de l'Être se réalise et se manifeste en nous, certains mouvements demeurent qui ne sauraient nous satisfaire, si nous avons un peu de sincérité. 

Tant que Mère ne fait pas tout, c'est-à-dire que l'âme d'individuation du Divin par essence en harmonie avec Mère ne s'est pas totalement substituer au vieil homme qui a mille et mille facettes, tant qu'il y a des désirs qui demeurent, parce que le vital n'est pas un instrument de notre âme, etc., un effort personnel demeure nécessaire.

Au début du chemin, peu importe qu'on sache que notre notre effort n'est pas le nôtre ou pas ; ce qui importe, sur le plan du Devenir, est que l'effort, ou l'acte plus précisément, ait lieu. En avançant sur la chemin, c'est particulièrement lors de ce type d'effort, dont nous nous pensions initialement l'auteur, que nous pouvons prendre paradoxalement conscience d'en être seulement un outil dans la main divine. 

Face aux mouvements faux, face à ce qui fait obstacle au Devenir Divin, il y a 3 mouvements divins qui ne font qu'un : rejet, aspiration, soumission, dit Sri Aurobindo dans ses Lettres sur le yoga

Le rejet n'est pas le refoulement ; l'aspiration n'est pas le désir et la soumission n'est pas la résignation ou le laisser-faire.

Précisons que se soumettre, c'est se plier à la volonté divine, sens usuel, mais que soumettre, c'est aussi faire offrande de ce qui est à perfectionner. Le mot soumission dans son usage courant a rarement ce double emploi qu'il a ici dans l'approche de Sri Aurobindo et Mère. 

Il y a la soumission, sans cesse à perfectionner, du serviteur, pour commencer, et il y aura la soumission de l'outil pour finir.

 Quand la soumission et l'aspiration l'emporteront sur une facette du vieil homme ou de l'animal liée telle ou telle activité, l'impression d'un effort personnel fera forcément place à la conscience de la grâce de Mère toujours à l'œuvre. La soumission du serviteur découvre la grâce agissante de Mère, la Mahashakti, la force de conscience autocréatrice de l'univers. 

L'effort victorieux, la soumission de l'outil, révélera inéluctablement le véritable auteur de l'effort et du Devenir essentiel comme étant le Divin lui-même depuis toujours. 

Sur le plan de l'Être, fait-on un effort pour être ce que nous sommes ? Bien sûr que non. Mais Être plus consciemment n'empêche pas que notre individualité continue de participer du Devenir. 
En Être et en Devenir, c'est au cœur de l'effort lui-même que sur cette voie on constatera que nous n'en sommes pas l'auteur. Du point de vue de l'Être, du Soi impersonnel que nous sommes en arrière-plan, il n'y a aucun effort de qui que ce soit, cela se manifeste. Mais si nous sommes sincère, à la lumière impersonnelle spirituelle, une vie égoïque perdure certainement encore avec ses désirs et ses efforts. Si nous sommes sincère, il y a un jeu qui demeure fort mystérieux du Devenir au sein de l'Être. A ce niveau de réalité, ce n'est certainement pas en renonçant à l'effort individuel juste qui doit être mené, qu'on peut prendre conscience dans une vision du Devenir (et non pas seulement dans une vision de l'Être) de ne pas être l'auteur individuel de l'effort. 

Faisons l'effort, jusqu'au bout de ce qui peut sembler tout d'abord notre action. Si cet effort est juste, s'il répond à la soif du beau, du vrai et du bien, il ne restera que le feu de l'âme dans la présence silencieuse, et souvent aussi comme la nette vision d'un sourire de Mère dans notre cœur devant lequel la difficulté s'évanouit.


Serge


Commencé le 02 09 2023



Trouver la quatrième dimension, c'est trouver son psychique et le Divin selon Mère

Mystère - œuvre d'Amita et Niranjan Guha Roy


 AGENDA de Mère 


8 FÉVRIER 1973


L’être psychique, c’est le représentant du Divin dans l’être humain. C’est cela, n’est-ce pas : le Divin n’est pas quelque chose de lointain et d’inaccessible ; le Divin est en vous, mais vous n’en êtes pas complètement conscients. Vous avez plutôt... ça agit maintenant comme une influence plutôt que comme une Présence. Il faut que ce soit une Présence consciente, que vous puissiez à tout moment vous demander comment... comment le Divin voit.

C’est comme cela : d’abord comment le Divin voit, et puis comment le Divin veut... et puis comment le Divin fait. Et ce n’est pas s’en aller dans des régions inaccessibles : c’est ICI-MÊME. Seulement, pour le moment, toutes les vieilles habitudes et l’inconscience générale mettent comme une couverture qui nous empêche de voir et de sentir. Il faut... il faut lever... il faut soulever ça.

Au fond, il faut devenir des instruments conscients... conscients... conscients du Divin.

D’habitude, ça prend toute une vie, ou quelquefois pour certains, c’est plusieurs vies. Ici, dans les conditions actuelles, vous pouvez le faire... en quelques mois. Pour ceux qui ont une aspiration ardente, en quelques MOIS ils peuvent le faire.

(Mère reste concentrée quelques moments)


Vous avez senti quelque chose?


(L’un des professeurs : ) Il y a eu une descente spéciale ?

Il n’y a pas de «descente» ! c’est encore une idée fausse. Il n’y a pas une «descente». C’est quelque chose qui est TOUJOURS là, mais que vous ne sentez pas. Il n’y a pas une descente, c’est une idée tout à fait fausse.

Vous savez ce que c’est que la quatrième dimension?


On a parlé de ça...


Vous avez l’expérience?


Non, douce Mère.


Ah! mais c’est justement l’approche la meilleure de la science moderne : la quatrième dimension. Le Divin, pour nous, c’est la quatrième dimension. C’est... à l’intérieur de la quatrième dimension. C’est partout, n’est-ce pas – partout, toujours. Ça ne va pas et vient : c’est là toujours... partout. C’est nous, notre imbécillité qui empêche de sentir. Il n’y a pas besoin de s’en aller... du tout, du tout, du tout.

Pour être conscient de votre être psychique, il faut une fois être capable de sentir la quatrième dimension, autrement vous ne pouvez pas savoir ce que c’est... Mon Dieu !

Il y a soixante-dix ans que je sais ce qu’est la quatrième dimension – plus de soixante-dix ans.


Douce Mère - Œuvre d'Amita et Niranjan Guha Roy


dimanche 28 juillet 2024

La Méditation en action, éviter les pièges du Soi statique sur la voie de Sri Aurobindo et Mère


La paix éternelle - œuvre de Niranjan Guha Roy


Pourquoi faudrait-il séparer la paix, l'immobilité, la méditation naturelle de l'Être, d'une part, et la Joie, le mouvement, l'évolution créatrice du Devenir, d'autre part ? 

Entrent-elles comme en concurrence pour prévaloir ? 

Le feu psychique de l'individuation du Devenir qui grandit depuis les profondeurs du cœur ne brûle-t-il pas dans le calme, la paix et la tranquillité du Soi ? Une douceur du cœur n'émane-t-elle pas de cette union entre Paix et Joie, Être et Devenir ? 

Mère et Sri Aurobindo conseillaient parfois d'aller voir Ramana Maharshi pour améliorer la réceptivité de la force de transformation qui secouaient et déséquilibraient fortement...

 Ce chemin commence véritablement à devenir une évolution consciente de la conscience quand la conscience force de Douce Mère produit l'émergence psychique. Et tout le monde n'en ressent pas l'aspiration. L'exigence vaut pour ceux qui sont concernés. La douceur aidera ceux qui n'en sont pas là : la paix intérieure est un terreau favorable qui peut permettre à l'homme mental encore fort animal à ne pas s'en prendre à des êtres psychisés soumis à la Mère divine en qui la transformation se fera. 

Sri Aurobindo ne dénonçait une posture statique de la paix spirituelle intérieure que dans le contexte des lettres écrites pour guider les sadhaks qui disaient suivre son chemin et selon sa perspective expérimentale qui découvre des pièges dans cette posture. 

Par exemple, sur le chemin de Sri Aurobindo et Mère, le Soi réalisé statique comme étranger à la manifestation ne doit pas être un refuge, un alibi spirituel pour l'inertie. Certes la volonté de progrès de l'ego ne va pas sans un ego spirituel faux. Mais tant que la Mère divine et le Seigneur Suprême n'agissent pas spontanément en nous depuis leur regard innombrable où connaissance et mouvement ne font qu'un, tant que la volonté psychique n'est pas bien établie en nous, il faut nous bien encore recourir une volonté mentale de progrès. Et, sur ce chemin évolutif, même si le Soi statique, le témoin est réalisé, il nous faut aspirer, rejeter et nous soumettre. 

Du point de vue de la force de conscience de Sri Aurobindo, il parait curieux d'évoquer l'abandon au Soi pour renoncer à tout progrès quand, éveillé au Soi, on reste le jouet des désirs. Quel est cet abandon au Soi qui voudrait étouffer les conflits intérieurs entre nos désirs et notre aspiration, l'amour pur du beau, du bien et du vrai ?

Sur le chemin de Sri Aurobindo et mère, la paix se met en mouvement, l'immobilité se trouve dans le mouvement et donc le mouvement dans l'immobilité. Sur ce chemin, il faut en passer par l'approfondissement de la vacuité silencieuse qui ressemble comme à un vide existentiel, qui s'éprouve comme une pauvreté de sens mental, pour s'ouvrir à la conscience force transformatrice. 

Ce mandala Sahasrara, si on est un témoin statique concentré sans tension en son centre, allie immobilité et mouvements.


Sri Aurobindo n'a jamais un comportement religieux consistant à condamner les autres approches spirituelles, il a juste donné à chacune sa juste place dans son yoga intégral. 

En gros, comprenne qui pourra... 

Prosélytisme et publicité sont humains trop humains... 

Le feu de la douceur devant lequel le mensonge n'a plus prise. C'est cela qui manifestera cette apocalypse, la divinisation de la terre en train d'avoir lieu.


Serge



Article commencé le 27/01/2024


Mère bénissant la Terre - Œuvre de Niranjan Guha Roy


mardi 23 juillet 2024

Le sourire de Mère

 

Mère - tableau de Niranjan Guha Roy


 Mon petit « sourire », 


Pour que le sourire devienne vraiment « éternel » vous devez apprendre à me parler aussi librement quand vous êtes auprès de moi que lorsque vous êtes dans votre chambre. Aussi il vaudrait mieux ne pas se fâcher, et si cela arrive, il vaut mieux oublier vite sa colère ; et si cela n’est pas possible, alors il faut me raconter tout simplement ce qui s’est passé pour que je puisse effacer la colère de la conscience de mon « petit sourire » et lui redonner la joie et la paix que je veux qu’il ait toujours. 


Avec mes bénédictions bien affectueuses,


Mère


1931


Douce Mère souriante - tableau de Niranjan Guha Roy


lundi 22 juillet 2024

La perfection Divine selon Mère

 



Agenda


7 juillet 1961


[Sri Aurobindo, Aphorismes et pensées, Jnâna, 68 :] Le sens du péché était nécessaire pour que l’homme puisse se dégoûter de ses propres imperfections. C’est le correctif que Dieu apportait à l’égoïsme. Mais l’égoïsme de l’homme déjoue les stratagèmes de Dieu parce que l’homme s’intéresse médiocrement à ses propres péchés, tandis qu’il observe avec zèle les péchés des autres.


(Mère rit) C’est admirable !


En tout cas, voilà. Alors poser une question comme cela, c’est encore se mettre dans l’attitude de ceux qui font une distinction entre ce qui est Divin et ce qui n’est pas Divin, ou plutôt ce qui est Dieu et ce qui n’est pas Dieu. « Comment est-ce qu’il peut être faible?... » – C’est une question que je ne peux pas poser.

[Satprem : ] Je comprends bien. Mais on parle de la Lîlâ, du jeu divin, c’est donc qu’il est, en quelque sorte, en arrière, qu’il n’est pas vraiment «dans le coup» comme on dit, qu’il n’est pas vraiment dans le jeu, qu’il peut le regarder.

[Mère : ]

Si-si, Il l’est ! Il l’est totalement. Le Jeu, c’est Lui-même.

On parle de Dieu, n’est-ce pas, mais il faudrait se souvenir qu’il y a toutes ces gradations de conscience, et quand nous parlons de Dieu et de son Jeu, nous parlons de Dieu dans son état transcendant, en dehors de tout, tous les degrés de matière, et quand nous parlons du « Jeu », nous parlons de Dieu dans son état matériel. Alors nous disons: Dieu transcendant est en train de regarder et de jouer (en Lui-même, par Lui-même, avec Lui-même) son jeu matériel.

Mais tout le langage – tout le langage ! – est un langage d’Ignorance. Toute la façon de s’exprimer, tout ce que l’on dit et la façon dont on le dit est nécessairement de l’ignorance. Et c’est pour cela qu’il est si difficile d’exprimer quelque chose qui soit concrètement vrai ; cela demanderait des explications qui, elles-mêmes, seraient pleines de fausseté (naturellement) mais enfin qui seraient extrêmement longues. C’est pour cela, quelquefois, que les phrases de Sri Aurobindo sont très longues, c’est justement quand il veut essayer de sortir de ce langage ignorant.


C’est la façon de penser qui est fausse!


Tous les croyants, tous les fidèles (ceux d’Occident en particulier), quand ils parlent de Dieu, pensent que c’est «autre chose» ; ils pensent qu’il ne peut pas être faible, laid, imparfait, que c’est quelque chose d’immaculé – ils pensent faux : ils divisent. Ils séparent [3]. La « perfection », pour la pensée subconsciente (ce que j’appelle la pensée subconsciente c’est une pensée qui ne se réfléchit pas: on a l’habitude de penser comme cela instinctivement et on ne se regarde pas penser), et quand on dit «perfection» d’une façon générale, justement on voit ou on sent ou on postule l’ensemble de tout ce que l’on considère comme vertueux, divin, beau, admirable – mais ce n’est pas ça du tout ! La perfection, cela veut dire quelque chose dans quoi il ne manque rien. La perfection divine, c’est une totalité. La perfection divine, c’est le Divin tout entier dans lequel il ne manque rien. La perfection divine, c’est l’ensemble du Divin, duquel on n’a soustrait aucune chose – alors c’est juste l’opposé ! pour les moralistes, la perfection divine, ce sont toutes les vertus qu’ils représentent !




LA PAGE BLANCHE selon Niranjan Guha Roy




La page blanche

Ces derniers jours, j’ai remis en question ma plus haute aspiration. J’ai trouvé qu’il y avait une possibilité d’erreur même dans cette aspiration, spécialement quand on pense à l’aspiration en termes pratiques de la vie et du travail. Il est légitime d’aspirer à une vie divine, à une guidance et bien sûr si nous n’avons pas la volonté fondamentale d’obéir à la commande divine alors il ne peut y avoir de développement spirituel effectif. Mais je trouve qu’à cause de l’imperfection de notre nature (il y a encore tant de choses qui doivent être transformées) on peut mal interpréter cette volonté divine.


Il y a seulement une solution à ce problème : rejeter totalement de notre conscience autant que possible toutes les formulations au sujet de notre discipline spirituelle ou de notre travail, devenir le silence, la page blanche.

 Nous ne disons plus au Divin ce que nous aspirons à être ou à faire, mais nous remettons notre vie et tout notre être ; tout ce que nous sommes entre ses mains, à sa vision créatrice. Qu’Il nous utilise selon sa volonté. Nous n’avons plus aucun choix, aucune prédilection excepté la joie d’être modelé par Sa volonté. Alors nous voyons le miracle de cette nouvelle relation avec le Divin. La moindre responsabilité d’être ou de faire nous est enlevée et c’est le Divin qui commence à agir en nous et à travers nous. Il y a une réorientation radicale. On peut dire que tous nos efforts passés nous ont fait arriver à ce point : l’abolition de soi. Avant on nous donnait des ordres ou des commandes de faire certaines choses, maintenant le Divin agit à travers l’âme soumise directement. C’est Lui qui consciemment fait l’effort évolutif qui doit être fait afin d’établir la conscience divine sur la terre jusqu’au jour ou même la divinisation du corps émergera. C’est Lui qui à travers les instruments maintenant purifiés fait l’effort d’achever ce qui est possible maintenant sur terre.


Niranjan Guha Roy




Mère, dans le même sens que Niranjan disait :

<< Il faut être capable de faire taire sa tête absolument et être complètement détaché, ne pas avoir (par exemple quand on cherche la solution d'un problème), ne pas avoir déjà dans sa tête la solution qui vous semble juste ou la meilleure ou la plus rentable. Ça ne doit pas être là. Vous devez « devenir absolument comme un papier blanc, sans rien dessus. Et vous procédez ainsi, avec une aspiration très sincère à connaître la vérité, sans supposer au préalable que ce sera comme ça ou comme ça ; car sinon vous ne verrez que votre propre formation. La toute première condition est que la tête doit se taire complètement pendant le temps que l'on observe. >>

(CWM 5 : 279-280)

mercredi 17 juillet 2024

Quel est le travail d’un vrai chercheur spirituel ? selon Niranjan Guha Roy

Œuvre d'Amita et Niranjan Guha Roy


Quel est le travail d’un vrai chercheur spirituel?


Il y a seulement une réponse valide – devenir de plus en plus conscient du Divin, de progresser dans son union avec Lui, d’être formé et recréé par la conscience divine dans les conditions et circonstances créées par la sagesse suprême.

Il y a une attitude mentale très forte et pas très éclairée qui nous dit que, si nous faisons tel ou tel travail, nous aurons alors une plus grande possibilité de réalisation spirituelle ou que nous pourrons beaucoup mieux l'aider. A la surface cette attitude semble tout à fait logique. Mais avec une plus profonde analyse cela ne semble pas toujours être vrai. Des êtres ont réalisé le Divin dans des circonstances peu favorables et des êtres spirituels ont entrepris un travail qui n’est pas considéré comme spirituel. La vérité est que nous sommes encore hypnotisés par le mental qui dirige notre vie. Si notre aspiration est sincère alors un pouvoir suprêmement amical intervient et arrange les choses et les événements exclusivement pour notre progrès spirituel. Sa seule préoccupation est le progrès de notre conscience. Par sa grâce nous réalisons que à moins que la conscience ne soit transformée rien n’est réellement acquis. Le progrès de la conscience ne dépend pas des choses, événements ou circonstances, mais exclusivement de l’aspiration de l’ âme et de l’intensité de son aspiration. C’est aussi un fait que quand on est dans la vraie conscience, dans un état de vraie aspiration, on réalise avec gratitude que les circonstances les plus favorables pour le progrès de la conscience nous sont données.

Comme nous apprenons à abandonner toute initiative personnelle dans les mains du Divin avec une foi inébranlable, on devient conscient d’un pouvoir suprême qui forme notre travail pour nous. Ce n’est plus un choix personnel mais un mandat du Très Haut. Ce n’est plus tellement que le travail nous prépare pour la vie spirituelle, mais plutôt que le progrès de la conscience prépare toute notre vie et travail futur. Même après qu’on a réalisé le Divin, s’il subsiste quelque attachement pour quelque forme de travail particulier cela peut être un obstacle sérieux pour le travail du Divin dans le monde.

Comme nous progressons dans la conscience nous réalisons que le travail est seulement un mouvement de la conscience. Le Divin veut unifier le monde. Le Pouvoir divin est au travail, Chit Shakti réalisera cette unité. Comme nous grandissons en identité avec le Divin et sa volonté, nous aussi agirons comme Il agit dans et à travers la Conscience. Tout travail est un mouvement de conscience. De devenir de plus en plus conscient du Divin jusqu’à ce que nous puissions dire en toute simplicité, il y a seulement le Divin et rien d’autre, personne d’autre dans l’univers et au delà car c’est devenu la totalité de notre expérience et conscience est le seul travail valable pour nous qui aspirons à la vie spirituelle.

Ayons une foie totale dans le Divin et acceptons n’importe quel travail et circonstance qu’Il crée pour nous sachant que tout ce qu’Il fait pour nous est pour notre bien le plus haut car Il ne peut en être autrement. Le Divin est notre seul but.


****

Niranjan Guha Roy 1983


Œuvre d'Amita et Niranjan guha Roy


Esseulement angoissant, nostalgie criante de l'amour, et te voici dans les bras de la douce Mère divine

Œuvre de Frédérique Lemarchand
      


  Au fond cette vie est un voyage du Seul vers le Seul. De l'Amour qui se cherche nostalgiquement dans une boule de chair vers le Seul Amour qui s'aimera innombrablement se reconnaissant enfin en tout et partout, à travers son propre corps univers. 


Alors notre esseulement est un pas encore peu sûr vers le Suprême, un abandon lent, un peu acide amère, un cri sourd de besoin dans le cœur d'un enfant qui cherche sa Mère divine, une angoisse poignante qui s'ignore prière mais qui se retournera feu 🔥🔥🔥 sans fumée, Agni brûlant tout au fond de la grotte du cœur... C'est le lent décèlement du mystère silencieux des ténèbres lumineuses à endurer. 


 Voici, nous avançons dans la nuit, plus rien ne nous satisfait. Absurde ? appauvri, vide, la boussole de la foi sur un fil...


Et encore et encore égaré. Tant et tant de temps... et là l'inattendu, une perle de Joie première, un or d'amour illimité, le sourire d'un flux de présence opaline qui ne nous a jamais quitté, sa douceur rosée...


Se laisser esseuler, se laisser appauvrir, dévider, creuser, ne plus résister, se laisser abolir pour n'être que ce chaton transporté dans la gueule de sa Mère...


Serge


Janvier-février 2024


Œuvre de Frédérique Lemarchand





    

vendredi 12 juillet 2024

De la personnalité humaine à la personne vraie de l'âme, la conscience psychique.

DALI - Enfant géopolitique observant la naissance de l'homme nouveau

 Ce sens de sa personne, cela devient comme une cage, comme une prison qui vous enferme, qui vous empêche d'être vrai, de savoir vraiment, de pouvoir vraiment, de comprendre vraiment. 

C'est quelque chose comme si on vous mettait dans une coquille bien dure, là, et que vous soyez obligé de rester là-dedans. Ça, c'est la première sensation que l'on a. Après, on commence à taper contre la coquille pour casser ça. 

Quelquefois ça résiste très longtemps. Mais enfin, quand on commence à sentir ça, que ce que l'on croyait être soi-même, la personne qui fait les choses, et pour laquelle on les fait, la personne qui existe et qui fait que vous êtes vous-même, n'est-ce pas, quand vous passez de ça à la conscience que ça, c'est une prison qui vous empêche d'être vraiment vous-même, alors vous avez fait un grand progrès, et il y a un espoir. 

On se sent étouffé, écrasé, tout à fait enfermé dans une prison sans air, sans lumière et sans ouverture, et alors, on commence à pousser du dedans, pousser, pousser, pousser, pour que ça se casse. Et le jour où ça se casse, le jour où ça s'ouvre, tout d'un coup, on entre dans la conscience psychique. Et alors, on comprend. Et alors, vraiment, si on a le sens de l'humour, on rit ; on se rend compte de sa stupidité.


Douce Mère, La voie ensoleillée, p.122, Extrait de l'entretien du 22 septembre 1954.


Dali - Aurora


Aphorisme de Sri Aurobindo en écho :


Quand nous avons dépassé

l'individualisation

Alors nous sommes des personnes réelles

Le moi fût une aide


Le moi est l'entrave



Mon commentaire sur la psychisation et ses étapes :

Mon amitié spirituelle avec Amita Guha Roy (une ashramite et aurovillienne, compagne spirituelle de Niranjan Guha Roy, installés à Baden (56) après les années 80) m'a permis d'entrevoir plus clairement des étapes, des réalisations et des niveaux d'expérience sur le chemin de la psychisation. 

Expériences de type 1 :

Le chemin de psychisation commence avec des influences psychiques de plus en plus distincte des désirs, des valeurs auxquelles l'ego s'identifie. 
Voici deux aspects très caractéristiques de l'influence psychique : l'ego est saisi d'aspiration au beau, au bien, au vrai, ou encore il est traversé d'une foi vraie sans croyance mentale, sans sentimentalisme et sans volontarisme. 
La recherche de la lumière spirituelle, la recherche de la paix de la vacuité, etc. sont des élans du cœur, dit-on, mais encore plus en profondeur, ce sont le fruit d'aspiration psychique.


Expériences et réalisations de type 2 :

Dès lors la psychisation peut s'amplifier avec la prise de conscience de l'être psychique : dans la grotte du cœur, en arrière-plan du chakra du cœur, là peut se découvrir la flamme psychique, l'étincelle divine, l'âme au sein du psychique. 
En l'âme vraie, bien distincte de l'âme de désir, que du point de vue de la vie égocentrique, on prend faussement pour l'âme, il y a l'évidence de notre authentique immortalité individuelle. La substance de l'âme vraie apparaît avec évidence de la même nature que celle de la lumière spirituelle, qui est hors du temps, atemporelle bien qu'imprégnant tout l'espace temporel. Elle semble même une pénétration de la manifestation ténébreuse de cette lumière spirituelle, elle en est une clarification. 
Cette découverte est au-delà de l'ouverture du cœur, les élans de dévotion de l'ego qui partent de l'extérieur vers l'intérieur font place à une nature dévotionnelle qui émane de l'intérieur. Se réalise que cet être est plus nous-même que nous-même, cet être est la source de notre individuation authentique, tout le reste est une individualisation qui résulte de l'œuvre cosmique, qui est nécessaire à notre individuation mais qui la fausse, la dépossède, etc. La force descendante de la Shakti et aussi ses forces montantes travaillent à cette découverte et à rectifier l'individualisation pour permettre notre individuation vraie consciente. Cette découverte décuple donc l'influence psychique au niveau extérieur de notre personnalité égoïque. Elle est alors plus clairement distinguée de nos valeurs et désirs. 


Expériences et réalisations de type 3 :

 Des circonstances extérieures vont alors se tisser pour qu'il y ait l'émergence de l'être psychique : la formation autour de l'être central et des chakras d'un véhicule psychique, l'émergence de l'enfant Divin de Mère, conscient, devient factuelle. 
Il n'y a plus à s'enfoncer dans la grotte du cœur. Quand la présence psychique se manifeste, elle est désormais capable de s'emparer de ce qui auparavant était des instruments de l'ego, la personnalité extérieure de surface :



On est alors comme double. D'un côté, la chenille de l'individualisation égoïque demeure en surface et à l'intérieur. D'un autre côté, la métamorphose de plus en plus consciente, action de la force de conscience de divine Mère, fait croître un corps à son enfant divin, notre être psychique voit se développer comme un corps physique subtil dans le corps humain. 
Celui-ci est de la substance même de la Mère divine. Par exemple, le sourire de Mère devant nos difficultés, nos imperfections, nos souffrances est une composante de notre psychique.
Certes le psychique se distingue dans le canal central de l'individuation divine en arrière-plan de notre individualisation humaine, mais la distinction du psychique n'est pas la séparation des autre aspects de l'engendrement individuel du divin par le canal central. 
A ce stade, cependant, la conscience n'est pas proprement psychique, la présence psychique, même si elle est de plus en plus continue, physique, peut encore se retirer pour des lapses de temps. 
Faute de la pleine conscience de la volonté psychique, la volonté mentale de l'individualisation égoïque demeure nécessaire. Même si elle a été purifiée par la psychisation, elle n'est pas la fusion avec la volonté divine, elle a les limites de la conscience mentale.

A propos de ce stade, ce témoignage anonyme en anglais me semble très intéressant (une traduction automatique sous-titrée en français est disponible sur la vidéo) :



Expériences et réalisations de type 4 :

L'extrait de l'entretien de Mère et l'aphorisme de Sri Aurobindo, cités précédemment,  pointent une étape encore au-delà : la libération complète de l'être psychique, notre individuation vraie, divine, par abolition de notre personnalité humaine.

Personnellement, n'ayant pas cette réalisation, je peux seulement l'évoquer en l'état des limites de ce que je perçois, mais aussi de ce que je pressens déjà par des expériences fugitives, que j'espère annonciatrices, et des confirmations de ces aspects par des témoignages à ce sujet, que j'estime crédibles. 
Le psychique se distingue dans le canal central, mais la distinction n'étant pas la séparation, par ce canal, il est en continuité avec ce qu'il y a au-dessus, le jivatman, qui l'unit au divin transcendant, et la force de conscience de la Shakti, à sa source, ce qui l'unit secrètement à toute l'activité cosmique, à tout ce qui arrive à son individualité, comme étant sa propre volonté par essence en harmonie avec la volonté-action divine. La pleine conscience psychique suppose l'union au transcendant et l'inutilité de la volonté mentale égoïque jusque là nécessaire faute de conscience de l'action divine et/ou de la volonté psychique. 
La pleine psychisation implique donc un progrès assez gigantesque en terme de spiritualisation et de participation consciente à la supramentalisation, à un regard innombrable par-delà le temps et l'espace.

Voici ce qu'Amita a exprimé picturalement au sujet de la sortie du psychique de la gangue personnelle vitalo-mentale humaine :

L'âme libérée de sa prison par Amita Guha Roy

Voici un poème de Niranjan Guha Roy tiré de Ecoute avec ton cœur, p.58, qui pointe l'éclosion la plus vaste de la conscience psychique :

Sanctuaire

Mon âme, une flamme blanche brûle sans vaciller jour et nuit
En adoration sur l'autel où la Mère Divine
Est assise sur un divan absorbée dans une méditation éternelle.
La voûte de granit, le Sanctuaire construit dans le Cœur du Silence
Est protégé de l'assaut du vent et des vagues.
Même les dieux bénins et les anges qui sont toujours éveillés
Pour répondre à l'appel de détresse de l'humanité agonisante,
N'ont aucun accès à cette crypte où cessent les roues de création.

Les titans et les géants avec leurs sursauts fous de passion violente,
Les petites fées gracieuses portant les nouvelles des êtres chers,
Les brillants idéaux dorés courant après quelques eldorados chimériques,
Ne peuvent pas pénétrer la paix de basalte de cette intimité béatifique.


Les murs du Sanctuaire ne sont plus debout, dissous dans l'espace,
Les titans, les dieux et les fées et les mille visages effrayants
Ont disparu dans une immense Vibration unique, sans nom.

La plus puissante Présence de l'Un indéfinissable
Envahissant tout l'espace, remplissant tout le Temps, indivisiblement,
L'Etre le plus aimé, le corps du Mystère toujours voilé,
La Mère compatissante restitue la vue à mon âme aveugle née.

Mon âme, une flamme blanche brûle sur l'autel sans murs, sans peur,
N'ayant plus besoin de protection contre le vent et les vagues,
Car tout est changé !

Il y a seulement la Grande Mère, l'Âme Divine,
Pulsation immesurable d'Amour remplissant la terre et le ciel.

Mère en méditation par Niranjan Guha Roy