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7 juillet 1961
[Sri Aurobindo, Aphorismes et pensées, Jnâna, 68 :] Le sens du péché était nécessaire pour que l’homme puisse se dégoûter de ses propres imperfections. C’est le correctif que Dieu apportait à l’égoïsme. Mais l’égoïsme de l’homme déjoue les stratagèmes de Dieu parce que l’homme s’intéresse médiocrement à ses propres péchés, tandis qu’il observe avec zèle les péchés des autres.
(Mère rit) C’est admirable !
En tout cas, voilà. Alors poser une question comme cela, c’est encore se mettre dans l’attitude de ceux qui font une distinction entre ce qui est Divin et ce qui n’est pas Divin, ou plutôt ce qui est Dieu et ce qui n’est pas Dieu. « Comment est-ce qu’il peut être faible?... » – C’est une question que je ne peux pas poser.
[Satprem : ] Je comprends bien. Mais on parle de la Lîlâ, du jeu divin, c’est donc qu’il est, en quelque sorte, en arrière, qu’il n’est pas vraiment «dans le coup» comme on dit, qu’il n’est pas vraiment dans le jeu, qu’il peut le regarder.
[Mère : ]
Si-si, Il l’est ! Il l’est totalement. Le Jeu, c’est Lui-même.
On parle de Dieu, n’est-ce pas, mais il faudrait se souvenir qu’il y a toutes ces gradations de conscience, et quand nous parlons de Dieu et de son Jeu, nous parlons de Dieu dans son état transcendant, en dehors de tout, tous les degrés de matière, et quand nous parlons du « Jeu », nous parlons de Dieu dans son état matériel. Alors nous disons: Dieu transcendant est en train de regarder et de jouer (en Lui-même, par Lui-même, avec Lui-même) son jeu matériel.
Mais tout le langage – tout le langage ! – est un langage d’Ignorance. Toute la façon de s’exprimer, tout ce que l’on dit et la façon dont on le dit est nécessairement de l’ignorance. Et c’est pour cela qu’il est si difficile d’exprimer quelque chose qui soit concrètement vrai ; cela demanderait des explications qui, elles-mêmes, seraient pleines de fausseté (naturellement) mais enfin qui seraient extrêmement longues. C’est pour cela, quelquefois, que les phrases de Sri Aurobindo sont très longues, c’est justement quand il veut essayer de sortir de ce langage ignorant.
C’est la façon de penser qui est fausse!
Tous les croyants, tous les fidèles (ceux d’Occident en particulier), quand ils parlent de Dieu, pensent que c’est «autre chose» ; ils pensent qu’il ne peut pas être faible, laid, imparfait, que c’est quelque chose d’immaculé – ils pensent faux : ils divisent. Ils séparent [3]. La « perfection », pour la pensée subconsciente (ce que j’appelle la pensée subconsciente c’est une pensée qui ne se réfléchit pas: on a l’habitude de penser comme cela instinctivement et on ne se regarde pas penser), et quand on dit «perfection» d’une façon générale, justement on voit ou on sent ou on postule l’ensemble de tout ce que l’on considère comme vertueux, divin, beau, admirable – mais ce n’est pas ça du tout ! La perfection, cela veut dire quelque chose dans quoi il ne manque rien. La perfection divine, c’est une totalité. La perfection divine, c’est le Divin tout entier dans lequel il ne manque rien. La perfection divine, c’est l’ensemble du Divin, duquel on n’a soustrait aucune chose – alors c’est juste l’opposé ! pour les moralistes, la perfection divine, ce sont toutes les vertus qu’ils représentent !
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