Eternal peace - œuvre de Niranjan Guha Roy
Quand on parle de trouver sa vraie nature par la seule ouverture du Soi, cela me semble aujourd'hui bien rapide. Trouver le centre ne doit pas empêcher que le centre du centre s'éveille et ainsi de suite.
Il y un enfoncement dans le centre, et paradoxalement, plus on s'y enfonce, plus une transformation de notre être extérieur s'effectue.
La paix de l'Être et la joie du Devenir s'avèrent entrelacées.
Certains ont pu réduire la joie à la paix de l'Être immuable en mouvement. Beaucoup donnent la préséance à la non dualité sur les états mystiques dévotionnels. Dans mon expérience, l'Ananda, la Joie, l'Amour, ne me semble pas une dimension relative, un plan qu'il s'agirait de traverser pour trouver l'absolu. Il y a certes des expériences relatives de l'Ananda, de la joie ou de l'amour. Certaines extases saisissent l'ego dévotionnel et elles sont forcément relatives car l'ego est par définition une réalité relative. Cependant, quand la dévotion touche au fond du fond du cœur, l'ego s'évapore au moins momentanément, et ne reste pour un moment au moins que le feu d'individuation divin qui s'y tient, la paix et la joie n'y font qu'un. L'ego en extase est souvent rendu inapte à l'action extérieure. Mais ce feu d'individuation divine, l'étincelle divine, n'est jamais rendu inapte à l'action par sa nature de feu d'extase.
Il serait dommage de tout réduire à la paix du Soi de l'Être impersonnel de toute chose. Il y a là une ignorance qui s'ignore. Selon moi, trop souvent, l'apologie du non savoir mental n'est que l'envers volonté ignorante d'une subtile arrogance mentale. On nous parle alors d'un Non Soi, d'un inconscient du Soi plus absolu que le Soi. Mais ces ténèbres d'inconscient qui enveloppent le Soi résultent au moins en partie de notre enfermement dans la bulle mentale. Le Soi se vit à travers les filtres mentaux. Même silencieux, ils demeurent des limitations du vécu du Soi en nous. Le recours au non-savoir est alors une négation d'une docte-ignorance de l'âme vraie.
Notre vraie nature tout autant que Paix impersonnelle du Soi est joie du Devenir de notre réalité personnelle vraie.
Au cœur du cœur, découvrant l'individuation psychique absolue, coïncidant avec notre âme vraie, nous sommes déjà davantage au centre du centre que dans l'illumination aveuglante du Soi. Ainsi s'écarte une part des ténèbres du Soi où l'individuation du divin à l'œuvre se cachait. Ici le Soi impersonnel universel ne fait qu'un avec une dynamique personnelle vraie.
Et à partir de là, paraît un nouvel horizon possible : nous passerons bientôt de l'aventure d'un humain au sein de son essence spirituelle à l'aventure divine dans la matière.
Sur la voie de Sri Aurobindo ou sur celle de la Katha Upanishad, le Soi et le purusha dans le cœur, ce sont deux choses qui forcément se rejoignent dans l'absolu purusha, le Seigneur Suprême.
En philosophie, les métaphysiciens occidentaux ont eu aussi des conceptions divergentes de l'absolu. L'expérience que nous voulons décrire a un écho avec Leibniz qui oppose à l'interprétation spinoziste du réel sa monadologie. Pour Spinoza, toute la nature et son devenir est un divin impersonnel éternel. Pour Leibniz, une réalité Suprême individuelle et personnelle enveloppe en son sein une multitude de devenirs individuels : c'est une monadologie.
La conscience du Soi peut exister sans qu'il y ait conscience du purusha en arrière-plan du cœur. Des ténèbres relatives de la lumière spirituelle dues au limites de notre illumination sont confondues avec un absolu Inconscient, un non Soi absolu ! Et malheureusement, dans le monde spiritualiste de la non dualité du neo-advaita, c'est majoritairement le cas. A vrai dire, dans d'autres courants spirituels, on s'arrête aussi d'approfondir l'enfoncement dans le centre décrit par cette tradition, dès lors que toute la description mentale traditionnelle du centre a été réalisée. Ce sont au fond, qu'on le veuille ou non, des bulles mentales presque imperceptibles qui nous laissent aveuglés.
Le purusha du cœur est au sens littéral, un feu 🔥 sans fumée de la taille d'un pouce, lorsque cette dimension s'ouvre en arrière-plan du chakra Anahata. Il y a une réalité subliminale en arrière-plan du corps subtil pranique ; cette dimension sublimale psychique influence plus ou moins le corps pranique. Quand le purusha du cœur émerge en avant, le corps subtil pranique devient une courroie de transmission de son influence et le lieu d'exercice de sa gouvernance.
La lumière du Soi paraît avoir été bien ténébreuse lorsque ce feu d'âme divine émerge. Du fond du cœur, le Soi jusque là impersonnel s'éclaire de notre nature individuelle divine.
L'essence de l'absolu s'expérimente alors autant personnel qu'impersonnel. Et l'enfoncement dans le centre est en même temps une évolution consciente de la conscience.
Lorsque la lumière du Soi se désenténèbre dans le cœur jusqu'à révéler l'individuation Divine qui se joue dans cette individualisation humaine, c'est comme un éveil dans l'éveil du Soi. Une sourate du Coran évoque une lumière sur lumière.
Seule une prière ou une méditation dynamique qui partira de l'enfant Divin, ce feu 🔥 divin, là en nous, peut être accomplie.
Cordialement,
Serge
Le soleil qui ne se couche jamais - Œuvre de Niranjan Guha Roy