jeudi 8 mai 2025

Pourquoi toute civilisation humaine des pulsions échouera désormais ?

 

Bramachari - Œuvre de Niranjan Guha Roy


 Une certaine spiritualité prétend qu'être libre du désir, ce n'est pas forcément être sans désir. 


En fait, pour mon cas, la lecture de la Vie divine de Sri Aurobindo éclairée par le commentaire de Kireet Joshi, m'a révélé qu'il y avait deux racines à nos désirs égoïques : d'une part, l'aspiration au beau, vrai, bien, l'aspiration au plus parfait et, d'autre part, les pulsions de libido, d'appropriation et de reconnaissance. 

Ce discernement est une grâce. 


Notre civilisation humaine des pulsions, nos cultures humaines des pulsions avec la morale, les mœurs ne nous permettent pas d'être conscient de ce qui nous détermine à travers elles.


 Pour ceux qui sont destinés à ce chemin défriché par Sri Aurobindo et Mère,  consciemment en cette vie, l'aspiration s'avèrera le fait d'un feu psychique 🔥 en croissance, qui seul a le pouvoir de transformer nos fonctionnements pulsionnels. Ce feu sans fumée dont parle la Katha Upanishad, Lui seul, éclaire ce qui enferme dans nos fonctionnements pulsionnels même civilisés. Et ce qu'il voit d'enfer-me-ment, par expérience, peut alors être transformé par La Mère, la dynamique évolutive première. La Mère est sa Mère, elle est le tissu substantiel de cet être, source de notre aspiration au meilleur, au parfait. Le défaut peut commencer à être perçu avec son sourire. Et c'est Elle seule, notre Mère divine, qui le prendra à bras le corps.


On peut avoir une certaine idée mentale d'un défaut et d'une perfection possible, mais cette idée est vague, fantomatique. Même si elle nous hante, elle ne sera pas un levier de transformation. Un être fantomatique ne peut pas bouger grand chose.

La réalité profonde de l'être de l'aspiration, notre âme véritable, engendrée par Mère, n'est pas liée par notre individualisation pulsionnelle. Elle n'a pas de libido, elle est insexuée. Alors quand elle vient suffisamment en avant, par la croissance de son aspiration en nous et à travers nous, l'ensorcellement d'un échange amoureux sexuel et toutes les compensations fruit des frustrations de cet échange perd du sens. Un ego ne peut pas se réaliser insexué. 


La famille humaine reste le fruit de ces échanges. Elle me fait dire ma femme, mon mari, mon ex-femme, mon ex-mari, le co-parent de nos enfants. Elle me fait dire mon père, ma mère, mon frère, ma sœur. Mais sur un autre plan, il n'y a que des enfants de Mère, des êtres engendrés par elle derrière tous nos masques humains. Nos masques familiaux s'avèrent bien collant et il est difficile de s'aimer par-delà.  

On peut étendre cela aux relations davantage liées à l'appropriation : mes collègues de travail, mes collaborateurs, mes co-investisseurs, etc. Sur le plan de relations davantage liées à la reconnaissance, il y a aussi mes concitoyens, mes coreligionnaires, etc. Nos sociétés permettent d'arracher ces masques-là peut-être plus facilement.

Alors vraiment la civilisation humaine des pulsions, nos cultures des pulsions  encore tant animales, avec l'émergence du discernement du sens de l'aspiration authentique, commence à devenir inconsistante.


Si la force de conscience transformatrice et évolutive est ainsi en action, on comprend qu'en surface, au niveau du vécu mental des désirs, tout s'affole. Les genres, les orientations sexuelles, les valeurs familiales, les entreprises, les administrations, les politiques, etc. tout cela va en tout sens. La vielle civilisation des pulsions ne plus parvenir à trouver d'équilibre. 

Et heureusement, car c'est le temps de l'aspiration, c'est le temps des âmes vraies, le temps des enfants de Douce Mère, c'est le temps du surhomme. 


Seuls des pionniers du dépassement du vieil homme aideront à faire co-évoluer l'humanité vers un équilibre. L'humain doit se défaire de l'arrogance de se croire capable de civiliser des pulsions en promouvant telle ou telle culture mentale. La civilisation humaine s'illusionne capable de contrôler une énergie vitale, alors que désormais elle ne trouvera un équilibre qu'en laissant opérer sur elle le rayonnement coévoluteur des pionniers surhumains. 


Fraternellement,


Serge


âme de beauté - Œuvre de Niranjan Guha Roy


PS : il est vrai que les forces vitales liées à la sexualité sèment beaucoup de méfaits. 
Parmi les 3 serpents enlacés qui barrent au niveau du subconscient la descente dans l'inconscient du corps, celui lié à la sexualité paraît difficile à domestiquer du point de vue de l'ego. Nos échanges à buts sexuels ou mettant en jeu un contrôle sur autrui par son échange attirent nombre d'insincérités. Au sein des couples humains, il y a toujours des attentes vis-à-vis de l'autre et beaucoup des gestes faits pour l'autre ont une arrière-pensée en lien avec ces attentes sexuelles. Certaines personnes vont jouer avec ces attentes, pour mieux tirer des avantages de l'autre. L'ombre du mensonge est alors fortement prégnante. Pire encore, on peut enrober illusoirement la pulsion sexuelle qui sert la perpétuation de l'espèce d'autres fonctions : partant de nos attentes, on suggère à l'autre qu'il trouvera là satisfaction à d'autres attentes qu'il a fortement. Cela va ainsi de la prostitution à la promesse d'un éveil spirituel par une relation sexuelle ! 
Dans l'expérience de la vacuité du Soi, l'expérience de la relation sexuelle peut certes être le passage naturel d'un plaisir en mouvement de l'ego à un plaisir d'Être le Soi. Dans les milieux spirituels où on a prétendu en être pur, les déconvenues sont aussi nombreuses. L'ego spirituel ne peut pas échapper aux déterminations sexuelles. Le mensonge, puis la violence entrent facilement par ce biais peut-être davantage que dans les manœuvres d'appropriation ou de recherche de reconnaissance. 
N'oublions pas qu'au niveau le moins mensonger de la sexualité, il y a un lien entre notre soumission aux pulsions et désirs sexuels et le fait que l'animalité en nous réclame sa reproduction, sa perpétuation par ce biais. 
Dans l'expérience du Soi avec une âme, il est clair que la sexualité est le moteur de l'évolution biologique inconsciente des espèces à travers les individus et leurs égos quand ils sont humains. Si vraiment le Soi avec une âme vient en avant pour mener une évolution consciente de la conscience, cet ancien moteur évolutif ne devrait-il pas perdre de son intérêt ? Ce n'est pas un renoncement de la part d'une âme d'enfant Divin, c'est d'abord son insexuation en Devenir qui détache son véhicule des pulsions sexuelles et peut recycler tout le processus biologique afférent, réinvestissant le Retas (les fluides organiques utiles à la sexualité) en Ojas (une pure énergie spirituelle). 
L'ego spirituellement a peut-être ressenti l'appel au renoncement, ou, sous une influence cachée de l'âme d'enfant Divin, en lui, s'est découvert asexuel relationnellement même si des pulsions sexuelles demeurent. L'ego a cru s'être intéressé de son propre chef à des techniques de sublimation des énergies sexuelles pour parfaire son énergie d'action, mais s'il y est parvenu au moins partiellement, il doit bien admettre que le passage d'une partie du Retas en Ojas reste pour lui mystérieuse. Il y a certes des techniques psychospirituelles pour favoriser par exemple chez les hommes l'expansion des cycles d'éjaculations qu'on trouve dans les pratiques chinoises taoïstes ou dans certains hatha yoga tantrique. Mais si on pose un regard sincère sur ces sublimations partielles, elles n'empêchent pas de rester enchainé au joug de l'espèce sous la forme des pulsions sexuelles.
Dans mon cas, c'est l'émergence du Soi avec une âme au fil de la descente dans le cœur qui a créé les circonstances de l'asexualité de l'ego et qui a mis en route un processus de transformation du centre sexuel, entre autres choses. Tant que demeure des capacités d'accroche de la pulsion sur le centre sexuel, demeure un pan de l'ego individualisé par ces pulsions. Même si nous sommes devenus asexuels dans nos aspirations relationnelles, il n'en reste pas moins qu'il y a ces forces ressenties comme des déterminations. Les pulsions sexuelles paraissent alors comme une addiction dont on ressent l'enchaînement mais qui entraîne ses processus psychocorporels indépendamment de la conscience insuffisamment élargie pour s'en libérer. Rien d'affligeant à cela, la psychisation, c'est-à-dire le passage du gouvernement des subpersonnalités égoïques au gouvernement du Soi avec une âme demande du temps. Se voit une capacité émergente de ne pas suivre la pulsion sexuelle y compris dans le sommeil et donc dans le subconscient même à l'état de veille. Cette capacité ne ressort pas de l'ego mais de la croissance psychique de l'âme d'enfant Divin en nous. Elle n'est pas immédiatement pleinement triomphante, mais si on la voit à l'œuvre, la confiance en ce processus de libération peut croître.

Par ailleurs, il ne faut pas non plus exagérer l'importance de ce serpent qui barre l'accès à la conquête de l'Inconscient en-dessous le subconscient humain et animal. Il faut bien voir comment il s'entrelace avec les deux autres.



Je me rappelle avoir demander à mon grand-oncle Tonton Léon, si il avait ressenti le manque sexuel alors qu'il était prisonnier de guerre en Allemagne durant la seconde guerre mondiale. Sa réponse était très claire, le manque de nourriture avait relégué ce désir à l'arrière-plan des préoccupations de tous les prisonniers qu'il connaissait. J'ai par moi-même constaté qu'un jeûne prolongé de nourriture et surtout d'eau comme l'évoquent les moines du désert (Evagre le Pontique ?) écarte pour ce temps-là le désir sexuel.
Sri Aurobindo rappelle lui-même ce passage de la Bible où Esaü renonce à son droit d'ainé au profit de son frère cadet Jacob pour un plat de lentilles. Il renonce en fait à sa dignité d'enfant divin pour ce plat de lentilles !
Le serpent de l'appropriation qui agit d'abord par notre rapport à la nourriture est donc aussi un ancrage de la nécessité de la conservation de corps au profit de l'espèce, il n'est pas à négliger dans le réseau des 3 serpents ancrés en nous au service de la perpétuation de l'évolution biologique.

Lisons Sri Aurobindo, dans un extrait d'une de ses Lettres sur le yoga :

Le sexe (sur le plan occulte) se tient à peu près à égalité avec l'ambition, etc., du point de vue du danger pour la sâdhanâ, seulement son action est en général moins évidente ; par exemple, les Pouvoirs hostiles ne le présentent pas aussi ouvertement comme un objectif à poursuivre dans la vie spirituelle.

L'ambition de l'ego spirituel concerne l'ancrage spécifique au troisième serpent qui barre la progression, l'ambition résulte des pulsions de reconnaissance. Celles-ci ont des fils discrets pour nous tenir dans leur filet.
Avec nos enfants, où la relation est plus liée centralement à des pulsions de reconnaissance, nous sommes souvent devenus capable d'aimer avec moins d'attentes en retour. Cela peut donner l'idée que nous sommes facilement capable de les purifier dans cette relation. Mais ce serpent du subconscient reste retors. On peut découvrir dans certaines circonstances qu'il y a des attachements depuis notre personnalité de surface à des éléments de leur personnalité de surface. De tels attachements sont certes humains, mais ils barrent la route à la purification des pulsions de reconnaissance, des désirs d'attention qui nous coupent de l'unité de toutes choses, de la Présence de l'Un en tout, de l'UN-Multiple surabondance de Joie d'Amour sans désir. 
L'attachement à nos enfants s'avèrent l'attachement au vieil homme, à la vieille humanité. L'attachement entre nos personnalités de surface fait barrage à la poussée de l'arbre Divin qui est la seule communion vraie des âmes d'enfant divin en croissance.