mardi 8 août 2023

Être attiré par le yoga de Sri Aurobindo et Mère, ce n'est pas mépriser le yoga de Ramana Maharshi, c'est l'intégrer - Sri Aurobindo VS Ramana Maharshi ?



Voie directe et yoga évolutif : deux visions de l’éveil ?

Y’a pas photo comme on dit.
😂❤️🙏🏻

Q.: Sri Aurobindo croit que le corps spirituel (vijnâna-maya-sharîra) ne souffrira pas de maladie, qu'il ne vieillira pas et qu'il ne mourra que quand on le désirera.
Sri Ramana Maharshi: Le corps est en lui-même une maladie. Désirer faire durer cette maladie n'est pas le but du jnâni (celui qui connait le Réel). De toutes façons, il faut abandonner l'identification au corps...
*
Q. : Sri Aurobindo veut amener la puissance de Dieu dans le corps humain.
Sri Ramana Maharshi: Si, après l'abandon (de soi à Dieu), on a encore ce désir, c'est que l'on ne s'est pas abandonné. Si l'on a cette attitude : 'Si la puissance d'en haut doit descendre, elle doit venir dans mon corps', cela ne fera que renforcer l'identification avec le corps...
*
Q. : Sri Aurobindo veut faire descendre sur terre une nouvelle race divine.
Sri Ramana Maharshi: Tout ce qui peut être atteint dans le futur est impermanent. Il faut comprendre cela. Apprenez à comprendre correctement ce que vous avez maintenant, de sorte que vous n'ayez plus à penser au futur.
*
Q. : Sri Aurobindo dit que Dieu a créé différents types de monde et qu'il va encore en créer de nouveaux.
Sri Ramana Maharshi: Notre monde actuel n'est pas réel. Chacun voit un monde différent selon son imagination, alors comment savoir si ce nouveau monde sera réel ?


J'avais aimé l'alternative proposé dans cet article, rapportant une conversation avec Ramana au sujet de Sri Aurobindo, mais juste comme une alternative où les deux chemins pouvaient être pris après tout, car tous les chemins sont bons. 

Le yoga, c'est toute la vie et les formes de vie que prend la nature, comme le suggère Sri Aurobindo dans La synthèse des yogas.

 Pour moi, en cet aout 2023, y a pas photo entre les deux, l'aventure spirituelle, cela reste Sri Aurobindo et Mère et de temps en temps des vacances méritées chez Ramana ! 

Car c'est ce chemin décrit par Sri Aurobindo et Mère qui me permet de vivre le Soi avec une âme, c'est-à-dire de vivre de plus en plus dans une Joie Divine, et de vivre de plus en plus libéré des désirs-appétits égoïques (amours, gloire et possession) et des attachements humains qui entachent l'amour. C'est ce chemin qui me fait envisager un éveil évolutif favorisant la matérialisation d'une conscience au-delà de la conscience mentale. 

Mais pour aller de ce côté-là, ce dont Ramana parle a dû être réalisé et la Joie démesurée qui caractérise l'atmosphère supramentale exige encore et toujours la paix du Soi immuable dont Ramana Maharshi est le chantre.

 La première traduction française de Ramana Maharshi est due à un disciple de Sri Aurobindo, Jean Herbert, qui s'acquittait ainsi de la tâche centrale de son Karma Yoga que lui avait inspirée Sri Aurobindo, celui dont il se voulait le disciple. 

Pour moi, la spiritualité évolutive comprend celle de Ramana, mais il n'y a pas forcément réciproque comme l'agencement de cet article précédent le suggère au profit d'un éveil direct.

Mais imaginons que les affirmations sous-jacentes aux questionnaires et les réponses de Ramana Maharshi reçoivent une réponse d'un aventurier du yoga intégral ayant bien intégré à celle-ci la perspective de la paix de l'Être. Voici une possibilité de ce dialogue repris à 3 voix :

Q.: Sri Aurobindo croit que le corps spirituel (vijnâna-maya-sharîra) ne souffrira pas de maladie, qu'il ne vieillira pas et qu'il ne mourra que quand on le désirera.
Sri Ramana Maharshi: Le corps est en lui-même une maladie. Désirer faire durer cette maladie n'est pas le but du jnâni (celui qui connait le Réel). De toutes façons, il faut abandonner l'identification au corps...

Réponse rapide du point de vue du Yoga intégral :

L'éveil évolutif ou plus précisément l'éveil de l'Être (Ishvara) et du Devenir (Shakti) ne méprise pas le corps, au contraire ! Le corps humain aussi limité soit-il est le matériau pour le processus évolutif en cours et l'étape évolutive d'après.

Réponse longue :
L'identification au corps individuel est effectivement une limitation. On finit par croire que son esprit est dans son corps. Alors que l'esprit immuable embrasse ce corps et son environnement. On finit par consacrer la confusion de l'ego mortel et l'âme immortelle qui appartient à une cinquième dimension en dehors des dimensions d'espace et de temps.

Mais affirmer que le corps est une maladie, n'est-ce pas le traiter avec mépris ?

Cet aventurier d'un éveil évolutif que fut Nietzsche a diagnostiqué de façon juste du nihilisme dans ces philosophies orientales auxquelles son maître Schopenhauer se référait. Le mépris du corps et du cosmos annonce toujours du nihilisme : un rejet du Devenir.

Faire durer le corps humain n'est pas pour Sri Aurobindo le but premier contrairement à ce que le questionneur présente ici.
Un corps humain n'est pas à la hauteur d'une conscience divine. Il s'agit pour l'aventurier de l'Être et du Devenir de collaborer à la transformation qui en fera un réceptacle, puis un centre de diffusion de la Joie Divine Infinie qui est Une avec l'Être dans ses profondeurs et qui ne peut pour l'instant séjourner ici faute des capacités de réceptivité des corps animaux. Celui qui a expérimenté des extases connait ce problème de réceptivité à la Joie, la découverte de la paix inhérente à l'Être est d'ailleurs souvent essentielle qu'elle puisse s'intégrer de manière stable.

La question de l'immortalité d'un corps est par ailleurs une possibilité de la science. Une spiritualité de la paix de l'Être qui ignore le Devenir reste étrangère à une telle possibilité d'un corps transformé scientifiquement pour une longévité sans précédent. 

Or la question se posera bientôt sans doute matériellement : seule des spiritualités intégrant l'Être et le Devenir seront aptes à favoriser la longévité. Dans la perspective de l'Être, pas de passé, pas de longueur, un immuable maintenant, Dans la perspective du Devenir, une conscience du maintenant sans cesse en nouveauté, en croissance.

L'Être nous découvre une dimension universelle et transcendante immuable et éternelle de notre essence. L'aventure du yoga intégral nous découvre une dimension individuelle de l'Être parfaitement immortelle et en Devenir. Il n'y a là rien de nouveau, le yoga intégral emprunte un chemin balisé par Socrate, des platoniciens, des mystiques chrétiens et des upanishads comme la kathopanishad.
La Joie du Devenir et la paix de l'Être se découvrent dans leur unité lors de la réalisation d'une âme immortelle servante du Devenir au cœur du Soi.
La nouveauté du yoga intégral est d'observer que le Devenir de ce Soi universel avec une âme individuelle implique une transformation du corps et de la vie terrestre. Dans notre contexte actuel, vivant le Soi avec une âme, il y a un processus de Paix et de Joie qui est expérimenté et observé comme "descente" transformatrice se prolongeant jusque dans les cellules du corps. 
La Joie Divine du Devenir semble d'abord des expériences de crête descendant d'au-dessus de la tête au sein d'une Paix immuable de l'Être. La réalisation indubitable d'une unité de l'Être et du Devenir se réalise d'abord présente et croissante dans le cœur.
Le cœur s'ouvre dans la paix immuable du Soi et une croissance perpétuelle de la capacité de sagesse et d'amour.
Dans les profondeurs du cœur, l'émergence de l'âme du Soi, d'une individuation du Divin consciente au niveau de l'humanité où elle se joue, nous fait réaliser la relativité de notre individualité corporelle et de notre ego dans un processus d'évolution individuée et universelle du Devenir. Le Divin évolue à travers des vies humaines et animales. 
Vivre le Soi avec une âme est un processus participant d'une évolution concentrée individuelle du Divin qui lui-même s'inscrit dans un processus plus large de coévolution matérielle terrestre. Le Devenir Divin est indissociablement un Devenir Divin individuel et un Devenir Divin cosmique à travers l'histoire de l'univers, l'évolution du vivant terrestre et l'histoire de l'humanité.
L'évidence de l'immortalité de l'âme est nette : par exemple, selon le témoignage de maître Eckhart, le Divin naît en nous en même temps que l'âme ; il y a une étincelle divine d'où Dieu et l'âme surgissent dans un maintenant éternel d'une déité sans fond. 

Cette nature immortelle centrale dans le Devenir, lorsqu'elle met aussi en jeu une transformation du corps, fait admettre la possibilité d'une divinisation de la chair. 

Pourquoi cette transformation de l'autocréation Divine ne pourrait-elle pas rendre inutile la mort dans le processus évolutif ? 

Certes aujourd'hui encore, sans la mort des individus, l'évolution du vivant et humaine n'aurait pas lieu. En effet, l'individuation du Divin qu'est l'âme vraie, le plus souvent, n'obtient qu'avec la mort individuelle l'abolition de l'ego, qui lui a fourni l'expérience évolutive dont elle avait besoin, mais qui désormais l'immobilise dans sa progression. L'élaboration d'un nouveau corps passe, encore aujourd'hui, par la mort de nos corps animaux individuels précédents et la production hasardeuse sexuelle d'un nouveau corps. 

Mais si l'âme d'individuation Divine émerge et, croissant en pouvoir dans et par le Devenir, parvient à évoluer consciemment en surface d'un individu humain en vivant sans mort physique son processus d'abolition d'ego, alors la mort physique perd de son utilité. Une aspiration à une vie sans mort semble exprimer un accomplissement de l'incarnation individuelle de la Joie du Devenir et la paix de l'Être.
Une foi en la divinisation de la chair et son pressentiment partent d'une réalisation du Soi avec une âme. Celle-ci est une réalisation d'une évidence d'éternité d'Être et d'immortalité tant universelle qu'individuelle inhérente à la Joie du Devenir.

La foi en cette possibilité d'une participation consciente à un Devenir qui produira l'immortalité d'un corps physique est au cœur du gnosticisme chrétien qui ne méprise pas la chair. Rappelons l'existence de traditions occultistes alchimiques occidentales. Cet aspect de la foi dans le Devenir se croise aussi dans le taoïsme ou encore dans certains courants du tantrisme.
La réalisation du Soi impersonnel, par un individu autosatisfait de celle-ci, fait souvent regarder avec mépris ou commisération la foi de ces traditions spirituelles de divinisation. Toutefois une réalisation du Soi avec une âme change considérablement la perspective sur l'Être et le Devenir. Et cette possibilité d'immortalité d'un corps physique support d'une évolution matérielle consciente semble loin d'être si improbable qu'y avoir foi serait ridicule.

Sri Aurobindo et Mère ont toujours associé cette possibilité de transformation avec une durée au sein de plusieurs générations. Dans certains textes, il est question de plusieurs centaines d'années voire de deux ou trois millénaires avant que des corps immortels se manifeste matériellement comme une étape significative de cette évolution. 
Ceux qui se moquent de cette spiritualité ont toujours une connaissance approximative et de seconde main des propos de Sri Aurobindo et Mère à ce sujet. Ici le questionneur semble n'avoir qu'une connaissance très vague du yoga intégral de Sri Aurobindo et Mère, même s'il prétend le représenter. Sri Aurobindo et Mère n'ont pas annoncé qu'ils parviendraient à éviter leur propre mort physique matérielle. Ils ont affirmé l'immortalité de leur âme d'individuation Divine, l'immortalité d'une personnalité mentale et vitale élaborées par cette âme. Ils auraient immortalisé des éléments d'un physique subtil, mais la jonction avec le physique terrestre grossier serait l'objet central du saut évolutif en cours, qui, lui, prendrait plusieurs centaines d'années. 
C'est cette histoire mal comprise d'affirmation d'une immortalité sur le plan d'un physique subtil qui permet de ridiculiser et de mépriser la foi en l'immortalité physique issue de Sri Aurobindo et Mère, Mirra Alfassa, sa compagne. 

Les couplets contre les aspirations évolutives de perfectionnement et les rejets méprisants d'une perfection immortelle posent question quand ils justifient de s'autosatisfaire des petitesses humaines ou de nourrir des fascinations nihilistes souvent malsaines. Ces deux attitudes ne sont pas exclusives l'une de l'autre malheureusement.

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Q. : Sri Aurobindo veut amener la puissance de Dieu dans le corps humain.
Sri Ramana Maharshi: Si, après l'abandon (de soi à Dieu), on a encore ce désir, c'est que l'on ne s'est pas abandonné. Si l'on a cette attitude : 'Si la puissance d'en haut doit descendre, elle doit venir dans mon corps', cela ne fera que renforcer l'identification avec le corps...


Réponse rapide : 

S'abandonner à l'Être Divin n'est pas encore s'abandonner à son Devenir. 
Si le Devenir est lié à une manifestation du Divin, s'abandonner à la paix et au silence de Dieu est un abandon partiel. 
Tant qu'une forme de désir individuel concourt en nous à son seul intérêt et son propre devenir personnels, l'abandon à l'Être Divin n'est d'ailleurs lui-même que partiel.


Approfondissement de la réponse :

Il faudrait creuser les nuances de cette réponse rapide. En effet, il semble que la réalisation de la paix de l'Être ne soit pas étrangère à des processus du Devenir. La réalisation de la paix de l'Être s'approfondit très fréquemment comme descente dans le cœur, ouverture du cœur et réalisation d'un amour inconditionnel et non préférentielle.
Toutefois cette ouverture du cœur reste limitée par nos complaisances dans nos petitesses et toutes nos fascinations nihilistes. 
Les spiritualités chrétiennes balisent la prise de conscience que l'amour Divin ne se cantonne pas à un Soi absolument impersonnel et donc seul. L'amour Divin est autant l'unité d'Être substantielle non personnelle de toutes les personnes que le Devenir multiple de toutes les relations personnelles.
Celui qui est destiné à réaliser la présence de son âme dans cette existence terrestre en allant dans le fond du fond de la grotte du cœur comme indiqué dans la kathopanishad ou chez certains mystiques s'appuiera sur la descente dans le cœur que permet la réalisation du Soi comme paix de l'Être. 
Réaliser son âme, c'est pressentir et réaliser la présence de la réalité personnelle autant qu'impersonnelle du Divin.
Pour le yoga intégral, s'abandonner au Devenir, c'est réaliser et servir la Mère Divine, la Mahashakti qui en est la personnalisation. Réaliser la présence de la Mère en continuité de notre âme, c'est être conduit peu à peu au pied du Seigneur Suprême, Ishvara, le purusha au-delà du Soi. C'est vibrer de plus en plus de l'amour Divin, Cela, la source de toute relation personnelle.

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Q. : Sri Aurobindo veut faire descendre sur terre une nouvelle race divine.
Sri Ramana Maharshi: Tout ce qui peut être atteint dans le futur est impermanent. Il faut comprendre cela. Apprenez à comprendre correctement ce que vous avez maintenant, de sorte que vous n'ayez plus à penser au futur.


2 Réponses rapides :


Réponse rapide 1 : 
La beauté dans les formes est une réalité impermanente qui a autant de valeur que la beauté parfaite de la réalité permanente de l'absence de forme, de temps, etc.


Réponse 2 (première approche) : 
Le chiffre Pi existe de toute éternité mais sa matérialisation demande du temps. 
Admettons qu'il existe en l'éternité Divine des potentialités nouvelles de manifestation que certains font passer en ce monde.
La science pointe des lignes de fait nous suggérant que c'est le cas : des formes de vie et de conscience de plus en plus individualisées ont émergé. L'enjeu évolutif urgent pour nous humains est qu'elles soient aussi capables, nous concernant, d'être de plus en plus conscientes du cosmos. L'urgence est que les individualisations humaines participent de plus en plus consciemment à l'évolution globale du vivant.

Creusons la réponse rapide 1 :
Pas d'autocréation du Divin sans futur se manifestant peu à peu dans le maintenant.

Certes le monochrome invisible de transparence auto-luminescent de ténèbres lumineuses est UNIQUE ET ETERNELLEMENT BEAU. 

Mais les harmonies d'Un et de Multiple sont innombrablement possibles jusqu'à des qualités de détails et d'ensemble encore inconnues. 

La beauté du monochrome de l'Être de l'Un innombrable ne peut pas être objet de perfectionnement et de progrès. La beauté des harmonies en Devenir de l'Un innombrable peut se perfectionner et progresser sans fin.


Commentaire sur la réponse 2:
Notons au passage que Sri Aurobindo a revendiqué intégrer des pans importants de l'héritage spirituel platonicien.


Creusons, en deuxième approche, la réponse 2 :
L'univers spirituel de Ramana est quiétiste au sens noble : aucune volonté de progrès relative à l'ego ne peut subsister quand la paix de l'Être radicalement. 

Mais tout de même, le progrès technique permis par le mental n'est-il pas louable même s'il est limité et parfois néfaste (vu qu'il sert les pouvoirs d'egos) ? 
S'il y a un progrès possible au-delà de la conscience mentale et donc de l'ego, cela ne pourrait-il pas être intéressant d'y participer ou de l'observer ?


Suite de l'approfondissement de la réponse 2 : questionnement humoristique et satirique face aux affirmations et comportements des pro-Ramana anti-Sri Aurobindo :
Pour un pro-Sri Aurobindo authentique, si un Ramana veut rester en vacance, là où en est l'humanité, parce que la paix et le silence du Soi qu'il a réalisé lui suffisent, pourquoi irions-nous lui chercher des noises ? Ne dérangeons-pas les gens pépères tranquilles.

Par contre, quand, chez les pro-Ramana anti-Sri Aurobindo, leur côté pépère tranquille masque des petits mouvements de mauvaise foi, des moqueries ou pire face à des essais encore peu convaincants de ceux qui tentent l'aventure évolutive, ne s'agit-il pas d'intolérance plus ou moins déguisée, mais en tout cas caractérisée ?

Les premiers singes à penser ont dû se casser la gueule, comme quand pris dans nos pensées, on oublie le poteau là-devant, et leurs congénères se sont moqués. Les Ramana-singes ont dû les regarder comme des fous ces singes apprenti-hommes !
Mais pire, il y a ces prophètes de la paix et d'un Devenir royaume d'Amour qui ont fort mal fini, des Ramana-Romains conseillés par des Ramana-Rabbins ont estimé qu'il valait mieux qu'un seul meurt qu'avoir à réprimer une foule de fanatiques en colère contre la parole du Devenir Amour. Un royaume De Dieu sur terre ? Une apocalypse d'amour Divin ? Sauvegardons la pax Romana et le Silence de Dieu, se dirent-ils. Si Jésus était mort dans un âge avancé, ce futur eut été tout autre...
Ces Ramana-Romains et ces Ramana-Rabbins ont privilégié le présent, le maintenant quand le Devenir de l'Amour aurait eu besoin de futur... La paix et le silence peuvent aisément se marier avec des ordres sociaux complètement injustes. 
Mieux vaut l'injustice traditionnelle qu'on connaît et qui va avec un ordre social respectant la sagesse qu'un horizon de justice inconnu et qui visiblement conduit à une société désaxée, nous rétorquera un Ramana-Traditioniste.

Honnêtement, j'aime bien le Ramana-Vacance(s), l'original d'Arunachala, qui assume son farniente sans l'imposer à personne. Et puis ce pseudo-aurobindien qui pose des questions a-t-il le droit de remettre en cause le droit à la paresse ? Ses questions sont à côté de la plaque, il devrait être ici pour se reposer et apprendre à ne rien faire et le faire bien. Ce n'est pas l'endroit pour des confrontations d'idées !
Il aurait dû aller les écrire à Sri Aurobindo ses questions pour voir si elles étaient bien posées. Sri Aurobindo lui aurait dit tout de suite qu'il n'avait rien compris de précis sur son chemin et celui de Ramana : on peut être un Ramana-singe ou un humain pas Ramana, on peut être un Ramana-humain et un singe pas Ramana ; mais on devra être un Ramana-surhumain, il n'y aura pas de surhumain pas Ramana !

En fait de nos jours, il y a beaucoup de demi-Ramana, qui ont une demi-absence de volonté de progrès : pour leur business Ramana, ils font des efforts incessants pour des progrès ; ivres de paix et de silence intérieur, ils sont sans effort en luttes quand le champ d'action de leur petit (ego) est menacé, du complotisme parfois (comme chez certains aurobindiens agités faute de paix intérieure) car une information peu sûre vaut mieux que le discours de celui qui restreint notre espace de vie de notre corps-esprit. A vrai dire, ils œuvrent peu pour les progrès en solidarités matérielles collectives concrètes ; si une de leurs connaissances subit une injustice iront-ils manifester, prendront-ils un quelconque risque réel en faveur de quelqu'un qui se croyait leur ami ? De nos jours, il y a beaucoup de loups de Wall Street qui ont appris à méditer, qui pressentent le Grand, le SOI. Ils ont la prédation financière relaxée, le laisser-être prêt de leur porte-monnaie !
Apprendre l'art du farniente avec le presque-rien de la paix et du silence ne devrait pas enrichir le monde de l'ego dont la volonté de progrès précisément est une impasse évolutive. Elle participe, malgré elle, à la crise évolutive indubitable que l'humanité traverse maintenant ! 

On peut dire qu'il vaudrait mieux des Ramana-Entiers que des demis-Ramanas ! Mais la vie est en lent progrès, la vertu de patience et d'endurance nous fera dire Oui à ce qui est. Vivre avec la vision d'une imperfection, l'estimer inévitable ici et maintenant et même comprendre pourquoi elle est souhaitable ici et maintenant ouvre au pouvoir Divin réel de force intérieure du Devenir pour qui tout est parfait, perfectible et qui, doucement, parfait un peu plus instant après instant notre univers. 

Sans crise évolutive auxquelles nos insincères Ramana-moitiés, nos volonté de progrès d'ego, contribuent, sans étouffer dans les limites autodestructrices de notre humanité, chercherions-nous, pour certains, à respirer un autre air ? Et sans nos bonnes Ramana-moitiés assoiffées de Paix et de Silence, cet autre air foudroyant pour nos humanités attardées, faisant nos corps déboussolés, nos psychismes tout agités, ne nous jetterait-il pas la tête contre les murs ? Ce qui se produit évolutivement se fait à dosage parfait, nos Ramanas-moitiés de nous-mêmes font de nous des êtres embarqués. 

Et bientôt, l'œuvre spirituelle de Sri Aurobindo ne sera plus ridiculisée. Même si, avec lui, c'est le sommet le plus haut, le plus dangereux, qu'il s'agit d'escalader, nous n'aurons plus ces réactions épidermiques contre de telles vues. Et comme la Vie, malgré nous, nous aura tous mis déjà bien haut sur le flanc de ce saut évolutif qui impacte toute la vie terrestre, les cartes proposées par ce grand capitaine de cordée de la Mère Divine nous seront bien utiles.


*
Q. : Sri Aurobindo dit que Dieu a créé différents types de monde et qu'il va encore en créer de nouveaux.
Sri Ramana Maharshi: Notre monde actuel n'est pas réel. Chacun voit un monde différent selon son imagination, alors comment savoir si ce nouveau monde sera réel ?


Réponse :
Pour Sri Aurobindo, il n'y a pas qu'une non-dualité entre un pur sujet, le Soi, et des objets, d'un objet-monde projection du Soi, ces projections étant moins réelles que le Soi seul réel. Pour Sri Aurobindo, il n'y a des relations non duelles authentiques, et donc une Non dualité pleinement réalisée, qu'entre l'Un innombrable et lui-même.


Creusons :
Pour Sri Aurobindo, il y a une non dualité entre des forces de conscience impersonnelles divines ou des personnifications du Divin masquées par des formes objectives qui leur font des corps relationnels, qui elles-mêmes...etc.
Au final, tant que nous ne réaliserons pas concrètement que tout est un jeu du Divin avec lui-même, nous resterons dans la dualité.
Des réalisations de la non-dualité comme celle de Ramana ou d'autres ne sont que des réalisations partielles de la NON-DUALITE ABSOLUE, même si elles sont essentielles.
Par exemple, dans le yoga intégral, une pierre est un visage pétrifié du Divin ; si on la tient dans la main, on est le Divin caché dans une individualisation humaine qui tient le Divin partiellement, Totalement et aucunement seulement présent dans une pierre.
Le danger de la Ramana-Mania, c'est un peu comme si de l'Ananda-Sutra, on n'avait plus qu'une page pour apprendre à jouir du Divin. Or le Divin peut jouir de lui-même innombrablement. La paix et le silence, bien sûr ; un peu de sérénité, bien sûr. Mais pourquoi ne pas combiner ceci avec une extase de félicité sans limite ? Grâce à la paix, vivre constamment cette extase de félicité infinie stabilisée dans le cœur ne serait-il pas possible ? Avec cette paix, pourquoi ne pas s'ouvrir à une joie dans les cellules du corps toute consciemment silencieuse ? Pourquoi la vision du Soi interdirait-elle une Joie de sentir la présence de la Mère Divine en personne nous plongeant elle-même dans le silence et la paix de son Seigneur ? Pourquoi limiter l'Ananda-sutra à la page Shakti impersonnelle ? Pourquoi en rester seulement à cette Shakti-énergie de Joie nous traversant le corps comme un serpent nous projetant vers le ciel spirituel d'une conscience nue (soi-disant) ?

Réaliser l'individuation Divine dans l'individualisation humaine, c'est déjà vivre le Soi avec une âme, ce qui est rare parmi ceux qui partagent leur vécu du Soi. Or cette réalisation est essentielle sur le chemin du yoga intégral. Cependant, on la trouve déjà chez Maître Eckhart et les plus grands mystiques chrétiens, qui parlent de ce point de jonction et d'unité substantielle entre l'âme personnelle et la substance Divine. Maître Eckhart parle à plusieurs reprises d'une étincelle Divine. Mais on sélectionne très volontiers ses propos vers Ramana et son éveil impersonnel en occultant allégrement cette dimension spirituelle essentielle de l'héritage mystique chrétien. Cette occultation a lieu aussi pour Platon qui parle d'un éveil au soleil Divin impliquant un éveil à notre âme immortelle. Le Ramana-philosophe verra d'abord l'histoire de la projection des ombres sur paroi de la Caverne et fera un parallèle éclairant avec l'image de l'écran de cinéma que Ramana utilisait pédagogiquement pour ramener au Soi impersonnel. Le daemon de Socrate, Eros, les ailes de l'âme, et autres points passeront à la trappe. Le Ramana-philosophe de la Non dualité nous dira que ces histoires d'âmes restent encore du Samsara, seul le Soi est libre de tout karma. Ce Ramana-philosophe aura éliminé l'idée que la perle centrale en cette âme, son noyau le plus profond est le Fils de Dieu, l'enfant du Suprême engendré non pas créé et donc libre par essence, causa sui
Celui qui aura réalisé être ainsi une parcelle du Divin, une goutte distincte qui en contient l'Océan aura de la compassion pour ces Ramana-promoteurs qui passent à côté d'un tel trésor. 
Etc.


Pour Sri Aurobindo, il n'y a pas à réduire la non-dualité : on ne peut pas la résumer à d'un côté, un pur sujet qui serait la conscience sans forme, le Soi et d'un autre côté, un pur objet, une pure image fictive.
Le Soi Suprême de l'Être est aussi réel pour lui que la Mère Divine du Devenir.
On ne peut pas non plus d'ailleurs réduire au silence l'écart entre les philosophies du Shivaïsme sans lesquelles l'aventure spirituelle de Sri Aurobindo aurait été impossible et la philosophie spirituelle implicite de Ramana. 
Là encore, il y a des Ramana-conciliateurs : le Shankarique tantrisé, shivaïsé et le tantrique-Shivaïque Shankarisé font passer un peu vite les différences philosophiques pour des nuances sans importance du point de vue d'un éveil spirituel qu'il faudrait croire tout à fait identique. 

[NB : Ramana dans notre article cité suit Shankara, le grand penseur indien du Vème siècle av. J.C : "Cet univers visible a sa racine dans le mental ; il cesse d'exister dès que le mental est annihilé." Si l'univers est la Shakti, ce point est très discutable car l'univers ne se réduit pas alors à une manifestation mentale de la conscience. Sri Aurobindo est bien un tantrique sur ce point.]

Pour Sri Aurobindo, le réel en Devenir est le Divin, l'univers, la matière est déjà involutivement le Divin. La matière, c'est la Mère Divine, la Shakti, c'est le Suprême, Ishvara. La matière, c'est la vibration Divine première, la prise de conscience absolue Divine, Cela ; c'est l'Amour absolu en lequel vibre Ishvara et Mahashakti. La matière, ce n'est pas qu'une manifestation relative sur l'écran de la conscience qui, lui, serait la seule porte du côté de l'absolu et la seule connaissance juste qui s'en ferait. Le monde des Dieux est réel. Le monde des êtres subtils vitaux est réel. Etc.

Ramana parle dans sa réponse au questionneur du monde de l'ego où chacun voit son monde. Pour lui la destruction de la volonté de progrès de l'ego n'enlève pas la vision d'un monde individuel. Il est indien dans sa vision mentale du monde et il sait que certains de ses visiteurs voient le monde comme occidentaux. Même si l'éveil a lieu, selon lui, les mondes culturels restent des mondes différents. Ce n'est pas faux. 

Cependant grâce aux travaux de Ken Wilber (US, contemporain), on peut repérer des éveils prémodernes au Soi et des éveils postmodernes au Soi, ces derniers sont plus conscients. Un Ramana-humain est plus conscient qu'un Ramana-singe, il peut apprendre à communiquer avec le Ramana-singe et comprendre de mieux en mieux son univers de conscience, mais en ce qui concerne la manipulation du monde des formes le Ramana-singe aura des limites de compréhension du Ramana-humain. L'éveil postmoderne au Soi peut comprendre et tirer des leçons de l'éveil prémoderne au Soi, mais le prémoderne même éveillé devra d'abord passer par une mentalité moderne avant de comprendre une mentalité postmoderne. Chacun vit dans son monde, mais un monde plus ou moins étroit, même s'il est réalisé d'une ouverture infinie d'un côté grâce à l'éveil du Soi.

Sri Aurobindo parle d'un nécessaire dépassement de la conscience humaine mentale pour réaliser le regard innombrable du Divin sur lui-même, la Non dualité absolue que la conscience mentale humaine ne peut approcher que partiellement, qu'elle peut concevoir mais qu'elle reste incapable de comprendre et surtout d'incarner charnellement.

Il ne suffit pas pour lui d'avoir l'Ananda que sous un seul angle non duel, mais sous tous les angles. D'où la difficulté de son yoga. D'où la technicité mentale troublante du Yoga intégral dans son exposé face à la simplicité du propos de Ramana. 
Mais si une réalisation du Soi est accessible directement, Le Soi est pourtant extrêmement rarement  réalisé dans sa profondeur : dans le silence et la paix du Soi, la fin de toute volonté de progrès de l'ego est rarement atteinte chez ceux qui témoignent d'un éveil référé à celui de Ramana Maharshi.
Sur ces deux chemins dont on a parlé ici, on ne laissera pas survivre l'ego tranquillement à la périphérie de la sphère d'influence des réalisations spirituelles, en invoquant tel et tel raisonnement justificatif insincère. 
Dans les deux cas, une descente radicale dans le cœur où s'abolit de plus en plus l'ego dans un processus inexorable est largement documentée.


D'ailleurs, ceux qui présentent ce Sri Aurobindo vs Ramana Maharshi au profit d'un éveil direct et non évolutif, souvent, oublient de citer des visites plus constructives de disciples de Sri Aurobindo auprès de Ramana Maharshi comme celle de Dilip Kumar Roy. 
En anglais, on en trouvera des recensions de ce cœur à cœur entre Ramana Maharshi et Dilip Kumar Roy, ce disciple de Sri Aurobindo. En voici une ici :
 

En voici une autre ici :


Pour voir clairement en quoi l'approche de Ramana Maharshi est intégrée à celle de Sri Aurobindo, on peut lire ce propos simple et suggestif de Mère, Mirra Alfassa :


Sri Aurobindo : Pour la Paix, il peut aller chez Ramana Maharshi. Quand les gens viennent ici pour la Paix, je leur demande toujours d'aller à lui.
Nirodbaran : Pourquoi ? Ne peuvent-ils pas trouver la paix ici ?
Satyaendra : Ils peuvent même perdre la paix qu'ils ont !
Sri Aurobindo : Ils peuvent devenir perturbés par le travail complexe à l'œuvre ici.


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